Riddick, le carburant de Vin Diesel ?

Simon Riaux | 19 septembre 2013
Simon Riaux | 19 septembre 2013

Chez Écran Large comme dans le reste de la presse plus sensible au dézingage de créatures spatiales qu'aux introspections germanopratines, la troisième aventure de Richard B. Riddick, un temps intitulée Dead man stalking avant de devenir Riddick, aura fait couler beaucoup d'encre. Au sein d'une année particulièrement riche en science-fiction (Oblivion, Elysium, Le Transperceneige...) et à quelques mois de la sortie d'une salve d'autres poids lourds (Edge of tomorrow en tête), le film fait clairement figure d'outsider attendu, quand il n'est pas littéralement espéré comme le messie d'un genre phagocyté et subverti par les majors. Mais plus encore que les spectateurs, c'est son initiateur et acteur principal qui place dans cette saga ses espoirs les plus fous. Comment et pourquoi Vin Diesel est-il devenu le héraut d'une science fiction vénère et radicale, du moins dans ses intentions ?

Pour comprendre la démarche et l'enthousiasme contagieux propagé par le glabre bourrin, il faut remonter à la sortie de Pitch Black, en juillet 2000. Vin Diesel est alors un jeune comédien aux choix pertinents sinon audacieux, dont les apparitions concrètes (Il faut sauver le soldat Ryan, Strays) ou vocales (Le Géant de fer) ont été remarquées. En donnant corps à Riddick, le comédien lui offre les traits non pas d'un action man décérébré en devenir, mais bien ceux d'un comédien physique, capable de faire cohabiter avec une harmonie hypnotique violence et émotion. Véritable grenade dégoupillée, le personnage s'impose grâce à un script noir et maîtrisé, une mise en scène qui fait fi de ses limitations budgétaires et thématiques et un charisme brutal. Une performance et un excellent retour du public qui lui vaudront de grimper rapidement en haut de l'affiche, avec Les Initiés ou encore Les Hommes de main. Mais la rage de Richard B. Riddick ne saurait rester ainsi en jachère, aussi Vin se verra-t-il rapidement proposer de botter des culs, sur Terre cette fois-ci.

Vont ainsi s'enchaîner dès 2001 et à quelques mois d'intervalle Fast & Furious puis xXx. Le succès de ces grosses pitreries dédiées au pop corn et au temps de cerveau compressible ont tout l'air de la consécration, ils vont pourtant tourner peu à peu à la malédiction, car l'acteur ne pourra plus désormais s'extraire de son image de super héros pour kaillera priapique. Il est alors probablement à des lieues de s'en inquiéter, Les Chroniques de Riddick approchent, projet démesuré qui lui donnera l'occasion de retrouver son personnage fétiche, d'en étendre l'univers et de décloisonner une carrière qu'Hollywood aura vite fait de cantonner au bastonnage de vilains pas beaux. Sauf que le space opera de David Twohy va méchamment se planter, récoltant une douche froide publique et critique, l'insuccès d'Un Homme à part l'annonçait déjà en partie, Vin n'est pas perçu autrement que comme un chauve en marcel un peu trop porté sur la tôle froissée. Rien n'y fera. Pas même une performance impressionnante du côté de chez Sydney Lumet. Jugez-moi coupable est un échec, auquel la presse n'accordera qu'un intérêt poli mais glacial, uniquement motivé par la stature d'un metteur en scène légendaire. Diesel est coincé.

 

 

Dans un paysage cinématographique qui laisse la part congrue aux stars du cinéma d'action, pas encore réveillé par les mandales de Jason Statham ou la nostalgie injectée par le futur retour de Stallone, l'artiste sait qu'il doit se diversifier pour survivre. Riddick semble le seul étendard valable. Malgré son four au box office, Les Chroniques de Riddick ont leurs fans, essentiellement motivés par un personnage à l'aura ravageuse et la promesse d'une grande saga de SF moins portée sur les enfantillages que la trahison systémique orchestrée par George Lucas. Diesel annonce donc haut et fort, tant qu'il peut, que le furieux Furyen reviendra, qu'il y travaille et que ça va se faire. Pas le choix, car entre temps, l'étau se resserre.

Les années passent, et l'acteur ne peut désormais plus s'extraire de la franchise rapide et pas contente. S'il en devient également producteur, s'assurant quelque menue monnaie pour ses vieux jours, il paraît ne plus avoir de salut ailleurs qu'au volant. La purge Babylon A.D. vient douloureusement rappeler que son nom seul ne déplace pas les foules, qu'il n'est pas perçu par le grand public comme un chantre d'univers alternatifs. Pire, son personnage n'est plus le centre névralgique des Fast and Furious, du moins pas dans le cœur des spectateurs, qui vient autant sinon plus admirer les nouveaux venus au fil des épisodes. Il n'aura ainsi échappé à personne que le cœur palpitant de testostérone du projet n'est autre que Dwayne Johnson, voire les allers retours de Michelle Rodriguez ou Gina Carano, sans compter l'annonce tonitruante de l'arrivée de Statham en bad guy.

 

S'il ne veut pas disparaître en même temps que la série ou voir sa carrière gentiment se déporter vers des redites débilitantes de Fast & Furious, Diesel est obligé de se trouver une autre crémerie, une saga, dont il puisse être l'unique moteur, l'initiateur, le géniteur même, histoire de se racheter une crédibilité auprès du public et de la critique (ça ne fait pas de mal). D'où l'intérêt jamais retombé de l'acteur-entrepreneur pour les aventures de Riddick. Avec le temps, l'inégal diptyque s'est vu réévalué dans des proportions délirantes, à tel point que certains n'hésitent plus à sortir les mots qui fâchent : ici et là on parle désormais d'œuvre « culte » de saga « maudite », que seuls le comédien et son réalisateur seraient prêts à défendre devant les studios.

Se mettra en place une opération de communication et de production entièrement dédiée aux fans, ces gens dont l'activisme numérique peut, à l'heure des réseaux sociaux triomphants, aider grandement à greenlighter un projet. À la faveur de Rapide et en Colère : Tokyo drift, Vin se fait rétribuer une modeste apparition de la plus intelligente des manières... Quelques photogrammes en échange des droits du nyctalope, et l'acteur de se lancer dans le lobbying à tous les étages. Jamais avare de détails (souvent foireux) en interviews, il poste inlassablement la moindre avancée, nouvelle ou information sur sa page Facebook, permet aux spectateurs de suivre quasiment en direct l'avancement d'un projet rendu possible par le succès au box office des derniers épisodes de Véloce et Courroucé. PG-13 ou classement R ? Suite des Chroniques ou simili-reboot ? Slip ou caleçon ?

 

 

Le bien nommé Riddick est désormais une réalité. Si au vu de sa « qualité », et de son reniement à peu près total du parcours effectué depuis Pitch Black, nous en ressortons particulièrement amers, c'est surtout son semi-échec au box-office américain qui paraît le plus signifiant. Si ce dernier ne doit pas non plus nous entraîner vers des considérations définitives (la série étant déjà revenue d'entre les morts une première fois, le box office international et la vidéo n'ayant pas délivré leur verdict) il vient confirmer deux craintes quant au papa de Riddick et à l'œuvre elle-même. Non seulement Vin Diesel paraît ne plus pouvoir aujourd'hui compter sur la saga pour se diversifier, tant il apparaît que le large public dont elle a besoin pour exister n'a finalement pas grand chose à faire de ses pérégrinations, mais il semble en définitive bien peu conscient de l'aura du personnage et peu à même de le développer. La franchise en tant que telle est ainsi à réévaluer, car en trois épisodes, le spectateur n'aura connu qu'une première itération mémorable, avant de se casser les dents sur une suite trop ambitieuse et un retour aux sources trop faiblard et cynique pour prétendre rallumer un quelconque flambeau.

 

Enfin, un dernier élément achève de ternir le projet, et les intentions de son initiateur. Apprendre que le futur Blu-ray de Riddick devrait contenir quelques trente minutes supplémentaires dédiées à l'univers et à la mythologie de l'ensemble tient quasiment de l'affront. Ce qui faisait la potentielle valeur de l'œuvre est ainsi relégué au rang de bonus, de mange-fric à destination du fan, déjà bien rincé à coup de BD, OAV, bouquins ou (excellents) jeux vidéos. Difficile dans ces conditions de continuer d'adhérer à une odyssée qui plus que par ses qualités intrinsèques, entendait nous toucher par le rapport quasi-séminal qu'elle entretenait avec son public. Vin Diesel a besoin de carburant, il semble désormais que ce soit pour faire tourner un B-52, plutôt qu'un simple bolide.  


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