Nicolas Cage, le génie tranquille

Linda Belhadj | 26 juillet 2013
Linda Belhadj | 26 juillet 2013

Quel cinéphile ne sent pas les larmes lui monter aux yeux à chaque fois que son regard se pose l'espace d'une seconde sur l'affiche du nouveau navet de Nicolas Cage ? Certes, les larmes laissent souvent la place au rire car contrairement à Mickey Rourke, - un autre naufragé -, le visage de dément de Nicolas Cage et ses nanars font se bidonner depuis plusieurs années la toile. A l'occasion de la sortie de 12 heures, retour en forme de cri du coeur (donc forcement pas toujours très objectif) sur la carrière d'un acteur aussi inimitable qu'irremplaçable.

 

Dans l'esprit collectif, Nicolas Cage n'est plus un acteur mais une bête de foire. Un monstre. Suspecté d'être un vampire suite à la découverte d'une photographie datant de 1870 montrant un homme qui présente des ressemblances physiques troublantes avec lui, Nicolas Cage est véritablement devenu une créature mythique, une légende urbaine un peu comme Chuck Norris. Son visage est la blague préférée de tout le monde : il est utilisé pour des montages photos et vidéos de toutes sortes. Bientôt, il sera un motif de papier-peint !

 

 

Alors oui, Nicolas Cage nous fait bien marrer mais on ne peut s'empêcher de ressentir de la tristesse en voyant ce grand comédien enchaîner les films d'action de série B. On en vient à se demander si Nicky est saint d'esprit. Se rend-t-il compte de ce qu'il fait ? Du ridicule dont il est la victime ? Avec la sortie mercredi dernier de 12 heures, on est tenté de conclure qu'il met tout en œuvre pour suicider sa carrière.

Pourtant, à y regarder de plus près, on se rend compte que celui qui rit le dernier, c'est lui. On n'a jamais autant parlé et surtout jamais autant aimé Nicolas Cage qu'aujourd'hui. Il a réussi en six ans à passer d'acteur à phénomène culturel. Nous datons en effet le début de la folie autour de Nicolas Cage à la sortie de Ghost Rider, fail monumental dont les spectateurs avaient curieusement davantage retenu la perruque de Cage plutôt que la poitrine d'Eva Mendes sur le point d'imploser tant sa chemise était serrée.

 

 

Nicolas Cage avait pourtant déjà joué dans des blockbusters hilarants, en particulier le mythique Les ailes de l'enfer avec John Cusack et John Malkovich ainsi que Volte/Face de John Woo. Néanmoins, au milieu des années 90, Cage bénéficiait toujours d'un respect de la profession et du public. Depuis sa première apparition dans Fast Time at Ridgemont High aux côtés de Sean Penn, le membre de la tribu Coppola avait su se faire un nom sans l'aide omniprésente de son célèbre oncle Francis.

Bien qu'il avait participé à trois des films de ce dernier (Rusty James, Peggy Sue s'est mariée et Cotton Club), le jeune Nicolas s'était très vite émancipé (abandonnant le nom de famille « Coppola » pour le pseudonyme de « Cage ») et avait conquis les critiques avec ses prestations dans Birdy, Eclair de Lune (pour lequel sa partenaire Cher obtint l'Oscar de la meilleure actrice) et Arizona Junior des frères Coen.

 

 

La consécration vint avec Sailor et Lula de David Lynch qui obtint la palme d'Or au festival de Cannes en 1990. Mais le meilleur était encore à venir. Il reçut en effet l'Oscar du meilleur acteur pour sa prestation dans le difficile Leaving Las Vegas (1995) dans lequel il campe un alcoolique suicidaire qu'une prostituée (Elizabeth Shue) tente de sauver de ses démons. Il continue les collaborations prestigieuses en travaillant avec Brian de Palma (Snake Eyes en 1998), Martin Scorsese (A tombeau ouvert en 1999) et Oliver Stone (World Trade Center en 2006).

Mis en exergue de la sorte, cette partie glorieuse de la filmographie de Nicolas Cage donne l'impression que la carrière de l'acteur n'a connu que deux parties sans nuance : une première de qualité, motivée par l'amour de l'art scénique ; et une seconde, déplorable, fruit de l'amour de Cage pour l'argent. Cette représentation - qui fait partie du folklore Nicolas Cage - est totalement erronée. En effet, un simple coup d'œil à sa filmographie dans son ensemble permet de se rendre compte que Cage a toujours mêlé films d'auteur et films grand public.

Dans les années 80 et 90, il fut de ce fait un héros tragique adulé par les critiques mais aussi un héros romantique et comique aimé des spectateurs grâce à des long-métrages tels que Embrasse-moi, vampire (1988), Lune de miel à Vegas aux côtés de Sarah Jessica Parker (1992), Milliardaire malgré lui dans lequel il faisait la cour à Bridget Fonda (1994), l'amusant Un ange gardien pour Tess avec la grande Shirley MacLaine (1994) ou encore La cité des anges face à la petite (à l'époque) de l'Amérique Meg Ryan (1998). Comme nous l'avons mentionnés plus haut, il tourna aussi plusieurs blockbusters, dont Rock de Michael Bay en 1996.

 

 

Ainsi, il est clair que Nicolas Cage n'a en rien changé son mode opératoire dans les années 2000. On oublie trop souvent qu'en parallèle de ces films d'action qui lui valent une réputation d'has-been il a continué à jouer dans des productions de qualité : on songe au film romantique Capitaine Corelli (2001), au puissant Lord of War (2005) et surtout au remake signé Werner Herzog du classique d'Abel Ferrara Bad Lieutenant (2009) où la démesure du jeu du comédien trouve son apogée.

 

 

Tout comme Cage s'amusait et se faisait plaisir en tournant dans des comédies (romantiques) dans les années 80 et 90, il fait de même à notre époque avec les blockbusters qui sont pour des acteurs vieillissants et n'ayant plus rien à prouver attirants et oui, financièrement intéressants. La participation récente de Jeff Bridges à R.I.P.D en est une preuve parmi d'autres.

 

 

Alors peut-être qu'au lieu de pardonner à Nicolas Cage ces nanars, on devrait plutôt le remercier. Le remercier pour sa filmographie diversifiée, accessible, jamais prétentieuse ; pour son implication totale dans chaque film pour lequel il signe, bref pour être un véritable caméléon capable de s'adapter à tous les genres et à toutes les époques. Bref, merci à Nicky d'être un grand acteur qui fait son job et qui nous laisse le plaisir de projeter sur lui tous nos fantasmes les plus délirants.

 

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