Les contes au cinéma : il était différentes fois

Perrine Quennesson | 29 mars 2013
Perrine Quennesson | 29 mars 2013

Presque pas une semaine ne passe sans qu'un conte de notre enfance (ou de celle des autres) ne viennent s'afficher sur le grand écran. Ce fut le cas mercredi avec la sortie de Jack le chasseur de géants. Et si ce n'est pas directement un conte venu de Perrault ou autres Grimm, alors cela en reprend juste les codes comme l'avait fait Au bout du conte d'Agnès Jaoui. Mais si on ne se lasse pas vraiment de ces diverses adaptations de la littérature enfantine au cinéma, c'est notamment grâce au fait qu'elles ne se ressemblent pas. Tout comme les nuits, il y a mille et une façons de transposer un conte. Ecran Large vous en montre 10.

 

 

En mode guerrier : Jack le chasseur de géants / Blanche neige et le chasseur / Hansel et Gretel - witch hunter 

Les temps sont durs. La preuve, les personnages de nos contes favoris ne sortent plus sans armes ni cottes de maille. C'est le cas de Jack, qui après avoir envoyé la princesse au pays des géants en faisant pousser, par mégarde, un haricot magique, va se retrouver enrôler, de son plein gré, dans l'armée du roi. Blanche-Neige, elle, ne se contente plus de lutter contre sa vilaine belle-mère à coups de nains et de Prince Charmant mais mène carrément une armée à la bataille, port de bouclier inclus. Enfin, Hansel et Gretel, après leur mauvaise expérience dans la maison en pain d'épices, ne sont pas du genre à partir en thérapie pour exorciser le traumatisme. Au contraire, ils vont rendre œil pour œil et coup pour coup aux sorcières qui auront le malheur de croiser leur chemin. Pas commodes, nos héros n'attendent plus que le destin les guide mais prennent leur vie en main.

 

En comédie musicale : Peau d'Âne

« Amour, amour, je t'aime tant... ». Si vous êtes capable de continuer ces paroles de chanson en tournoyant sur vous-même, c'est que vous n'êtes pas étranger à la version comédie musicale de Peau d'Âne par Jacques Demy. Pour ceux, qui ne connaissent pas, sachez juste que si vous avez souffert devant les Misérables, ce film vous apparaitra comme un moyen de croire, à nouveau, en la beauté de la comédie musicale. Car, sous ses airs de ravi de la crèche, le film ne perd rien de la cruauté et, surtout, de l'ambiguïté du conte original de Perrault.

 

En le modernisant : Dead man talking

Sorti en même temps que Jack le chasseur de géants, Dead man talking est, lui aussi, une forme d'adaptation d'un conte bien connu. Derrière sa volonté de dénoncer le cirque morbide des médias et plus généralement, le caractère charognard de l'homme, le film est une réadaptation éloignée de l'histoire Shéhérazade dans les contes des Mille et une nuits. En effet, le personnage du condamné à mort joué par Patrick Ridremont doit quotidiennement raconter un épisode de sa vie jusqu'à minuit s'il ne veut pas subir une injection létale.

 

Le conte né au cinéma : La nuit du chasseur

Il ne s'agit pas ici d'un conte que votre maman aurait pu vous lire avant de vous endormir, non, il s'agit bien d'une histoire créée pour le cinéma. Même s'il s'agit de l'adaptation du livre de David Grubb, la version proposée par Charles Laughton est bien plus proche du conte que ne l'était l'ouvrage original. De par son manichéisme opposant en permanence le bien et le mal, l'amour et la haine, La nuit du chasseur raconte les peurs infantiles mais multiplie également les niveaux de lectures psychanalytiques comme le font les contes traditionnels. Ici, les enfants sont les héros et doivent lutter contre un monstre qui prend les traits d'un pasteur que tout le monde considère comme un saint homme. Un chef d'œuvre qu'on ne recommandera jamais assez.

 

Le détournement du conte : Shrek

Shrek, c'est un peu le best of, la compil, la totale. Tous les contes y passent. A la moulinette surtout. Car Shrek est un pot pourri produit par Dreamworks, de contes et légendes, tous auteurs confondus. En utilisant un anti-héros comme personnage principal, le film donne le ton : il sera décalé et drôle. Mais malgré les références à outrance, la réinvention de certains personnages et les blagues plus ou moins fines, Shrek est avant tout un conte à part entière, avec ses péripéties et une morale bien positive. Détourner, oui ; manquer de respect à l'institution du conte, jamais.

 

Version art et essai : La Belle et la Bête 

Maintenant c'est une version d'art et d'essai, mais le film de Jean Cocteau est avant tout, une très belle adaptation fantaisiste et fantastique de La Belle et la Bête. Fait avec une grande économie de moyens car réalisé juste après la seconde guerre mondiale, La Belle et la Bête est surtout le moyen pour Cocteau, par le prisme du conte, de confondre rêve et réalité sur grand écran. Un peu éloigné du conte original, dans sa mise en situation ou par l'absence de fée, le film laisse la place au symbolisme et au surréalisme voire à la psychanalyse.

 

Version féministe : A tout jamais

Cendrillon, cette petite souillon qui grâce à une bonne marraine, la Fée, va pouvoir assister au bal et ainsi rencontrer le Prince. Ce dernier partira alors à sa recherche avec, pour seul indice, une pantoufle de verre (ou vair, c'est selon) alors que, redevenue esclave, elle attend désespérément que quelqu'un vienne la sauver de sa belle-mère et de ses belles-sœurs. Faisant fi de l'aspect « jeune fille en détresse qui attend le miracle », A tout jamais, dans toute sa dimension de film romantique, prend au moins le parti de faire de son héroïne, Danielle, une jeune femme qui sait ce qu'elle veut et qui fait tout pour l'obtenir. Mieux, son centre d'intérêt n'est pas seulement de trouver l'amour mais de protéger les plus démunis de sa propriété alors qu'elle-même est mise au ban de la société. Quelle femme, cette Cendrillon, euh Danielle !

 

En muet et noir et blanc : Blancanieves 

Il semble qu'après The Artist, la mode du noir et blanc fut relancée. Mais ici, loin de l'imitation des films du passé mais complètement dans l'hommage aux années 20, Blancanieves est une version étonnamment moderne du conte. En effet, transposer cette histoire traditionnelle germanique dans la tauromachie espagnole en mettant une femme torero en plein entre deux guerres : on nagerait presque en plein délire. Et exactement, c'en est un. Un beau et contrasté délire fantaisiste, à la fois macabre et pertinent, beau et décalé et si bien raconté sans nul besoin de mots pour cela.

 

Version horrifique : 2 Sœurs 

Le film d'horreur de Kim Jee-Woon, qui a sûrement dû vous faire passer quelques nuits blanches et vous filer la chair de poule rien qu'à l'idée d'ouvrir votre armoire, est en effet inspiré d'un conte traditionnel coréen. Certes, ce dernier est violent, comme tous les contes à la base, mais cela n'a rien à voir avec la terreur que peut provoquer la vision de 2 Sœurs. Dans le conte, Rose et Lotus sont poussées au suicide par leur belle-mère, jalouse du lien qu'elles représentent avec leur défunte mère pour leur père. Mais c'est en venant hanter un gouverneur que justice leur sera rendue. Le film est librement inspiré de cette histoire mais le fond reste similaire et le choix de l'horreur comme biais pour la transposer s'avère tout à fait judicieux pour en décupler l'impact.  

 

Au plus près du texte : Peter Pan 

Il y a aussi tout simplement, le film qui prend le conte au pied de la lettre (ou presque). C'est le cas du Peter Pan de 2003 qui suit de très près l'histoire originale de J.M Barry. Bien réalisé, bien joué, le film n'a pas peur d'aller vers les côtés plus sombres du roman que les précédentes versions avaient tendance à éluder. Le long-métrage s'aventure également vers une forme de sensualité qui jusque-là n'avait été qu'effleurée. Si cette vision est plus colorée et joyeuse que le conte dont elle est tirée, elle en reste tout de même très proche, voire la plus proche.

 

 

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