8 acteurs qui ont repoussé leurs limites
Dans
Les Misérables,
qui a déjà déçu tous les membres de la rédaction ayant été invités à la projection de presse,
c'est une Anne Hathaway amaigrie, et un Hugh Jackman démusclé que
nous découvrons. Pas de quoi fouetter un cinéphile, me direz-vous.
Tout de même, nous avons décidé de vous livrer un petit dossier
des acteurs repoussant leurs limites, d'une manière générale, pour
un rôle. Qu'il en aille de leur intégrité
physique, de leur santé mentale, ou plus simplement de sacrifices
personnels, voici une sélection éclectique et non exhaustive (on a bien dit NON exhaustive) de quelques cas du paysage cinématographique.
CATÉGORIE POUR UNE POIGNÉE DE KILOS
Christian
Bale – The Machinist
Christian
Bale a pris au
pied de la lettre le rôle de Trevor Reznik, ouvrier usé et
insomniaque. À raison d'une boîte de thon et d'une pomme par jour,
le régime fut diablement efficace : l'acteur s'est délesté de
près de 30 kilos en trois mois, et était prêt à en perdre jusqu'à
40 si la production ne l'avait pas stoppé dans sa folie 'créative'.
Son poids durant le tournage était de 55 kilos. Brad Anderson, le
réalisateur, a par ailleurs déclaré : « J'ai insisté
pour qu'il soit suivi médicalement (…) Parfois, pour mieux jouer
une scène il s'empêchait de dormir durant les deux nuits
précédentes ».
On se souvient tous de cette performance dans The Machinist, et l'acteur a souvent réitéré, comme avec Rescue Dawn (- 20 kilos) ou encore Fighter, qui lui a valu l'Oscar du meilleur second rôle masculin. Mais le plus impressionnant reste la facilité apparente avec laquelle Bale joue de ses transformations physiques, reprenant ses kilos et surtout une masse musculaire importante pour Batman Begins (la même année que The Machinist), puis pour The Dark Knight (un an après Rescue Dawn) et Terminator Renaissance. La boucle est bouclée avec The Dark Knight Rises, qui suit Fighter. Batman, définitivement un passage clef de la carrière de Christian Bale.
Vincent D'Onofrio – Full Metal Jacket
Le roi du big mac, le champion du bourrelet, c'est lui. Sept mois ont été nécessaires à Vincent D'Onofrio pour gagner 32 kilos et ainsi remplir son contrat, celui du soldat « Gomer Pyle » (« Grosse Baleine » en VF) Lawrence dans Full Metal Jacket de Stanley Kubrick. Un beau bébé qu'il mettra neuf mois à perdre, ce qui ne l'empêchera pas de renouveler l'expérience quinze ans plus tard pour Salton Sea, avec une prise de poids, en comparaison mignonne, de 20 kilos. De quoi faire pâlir Morgan Spurlock.
CATÉGORIE PSYCHOSE
Björk – Dancer in the Dark
Première expérience face caméra pour la chanteuse Björk. On devine l'Islandaise résistante face à l'univers particulier du show-biz, mais l'était-elle assez pour ne pas faillir devant le polémique Lars Von Trier ? Bien sûr on s'imaginait assez mal la chanteuse signer pour une grosse production hollywoodienne, mais la mutation ne fut-elle pas trop brutale ? Eh bien la réponse est difficile à donner.
Car si le réalisateur a la réputation de malmener
ses comédiennes, ses muses (sûrement dû à son rapport si
ambivalent à la Femme), Björk est probablement le cas le plus
mémorable. Elle était parait-il maintenue en état de faiblesse,
mais, de son côté, celle-ci se serait tellement impliquée dans le
rôle qu'elle en serait devenue momentanément névrosée et
excessive. Alors, responsabilité unilatérale ou simple choc des
tempéraments ? L'actrice quitta ainsi le plateau durant
quelques jours en plein milieu du tournage, et, d'après plusieurs
critiques, cette opposition aurait nui au film, bien qu'il remporta
la Palme d'or au festival de Cannes en 2000. On peut au contraire penser que cela
fait la force de Dancer in the Dark,
et que le personnage, l'actrice, visiblement torturée, décuple la
puissance de la séquence finale.
Malgré une reconnaissance
immédiate (chose rare, surtout quand la vocation n'est pas
« d'origine ») de son talent, Björk martèlera ne plus
jamais vouloir remettre les pieds sur un plateau, et surtout pas
celui de Von Trier. Un sentiment que ne semble pas partager pas notre
Charlotte Gainsbourg nationale, qui cumule désormais trois
collaborations, plus ou moins sulfureuses, avec le réalisateur
danois.
Shelley Duvall – Shining
Autres
personnalités, autre impact. Le réalisateur de Shining
est célèbre pour sa mise en scène pointue, son amour de la
symétrie, ses dialogues précis, bref, la perfection à la Kubrick.
Et un tel résultat ne laisse pas de place à l'improvisation.
Shelley Duvall, qui joue Wendy, en a fait les frais. La scène
où elle monte les escaliers à reculons, se protégeant de Jack
grâce à une batte, a en effet nécessité 127 prises, ce qui est le
record pour une scène avec dialogues. Mythe ou réalité : deux
membres de l'équipe démentent, en affirmant que le passage en
question aurait été tourné environ 35-45 fois (excusez du peu).
Garett Brown, monteur assistant, ajoute cependant que la scène où
Hallorann explique au petit Danny ce qu'est le shining aurait été
reprise 148 fois (!), ce qui établirait un nouveau record.
Le
tournage de Shining,
long d'un an, aura quand même eu un impact conséquent sur Shelley Duvall, au point qu'elle commença à perdre ses cheveux, usée par
les directives violentes de Kubrick, qui laissait moins de liberté à
son interprétation qu'à celle de Jack Nicholson. Elle finira par
déclarer : « Ce
fut une expérience formidable, mais si cela était à refaire, je
n'accepterais pas le rôle... ».
Une conclusion lourde de sens.
Tout cette histoire n'est pas
sans rappeler la fameuse scène de la douche dans Psychose,
qui nécessita 7 jours de tournage et 70 positions de caméra pour 45
secondes à l'écran. Mais qui traumatisa également Janet Leigh, qui
devint douchophobe suite à cette expérience riche en
émotions.
CATÉGORIE TITANIC, OU L'IMMERSION TOTALE
Natalie Portman – Black Swan
Récemment,
la sublime Natalie Portman a révélé toute l'ampleur de son talent
dans le formidable Black Swan,
de Darren Aronofsky. Le projet a eu le temps de mûrir aussi bien
dans la tête du réalisateur que dans celle de l'actrice, puisqu'il
était vieux de dix ans. Darren Aronofsky avait alors rencontré la jeune
femme qui, bien qu'enthousiasmée, lui confia ne pas souhaiter
interpréter le personnage trop tardivement, pour des raisons
physiques évidentes. C'est donc à trente ans quasiment sonnés que Natalie Portman s'attaqua au rôle, durant un an et à raison de
plusieurs heures par jour, afin d'être crédible dans les chaussons
d'une danseuse étoile.
Ce qui n'a pas été sans mal. Outre
les douleurs inhérentes au sport, l'actrice perdit du poids et le
surmenage lui causa quelques soucis psychologiques, comme le fait
d'avoir du mal, et c'est compréhensible, à se détacher de son
personnage une fois retournée à la vie réelle, hantée. Natalie,
miroir de Nina ? Un entraînement intense doublé d'un travail
sur soi acharné qui lui valut l'Oscar et le Golden Globe de la
meilleure actrice en 2011. Perfect,
it was perfect.
Heath
Ledger – The Dark Knight
Pour
faire oublier et surtout se différencier de l'interprétation de
« Joker Nicholson », Heath
Ledger, grand fan du monsieur,
avait du pain sur la planche. Très impliqué, l'acteur l'était
au point d'influencer les choix de l'équipe sur son personnage,
comme par exemple au niveau du maquillage, qui joue un rôle
essentiel dans la création du Joker. Certaines retranscriptions
d'interviews disent qu'il aurait également passé un mois dans une
chambre d'hôtel à lire tous les comics de Batman possibles,
d'autres qu'il y aurait demeuré plusieurs semaines à tenir un
journal où il inscrivait toutes les idées noires que pouvait avoir
le Joker ; et qu'il y travaillait également les attitudes de
son personnage, comme la posture et cette voix incroyable.
Ce
qui est certain, c'est qu'Heath
Leadger a pris le rôle du Joker très
au sérieux en s'isolant physiquement et mentalement afin
d'emmagasiner un maximum d'informations et de se muer en méchant de DC.
Le rôle l'aurait travaillé à un tel point qu'il dormait très peu la
nuit, bien qu'épuisé et malgré les somnifères, l'esprit toujours
à la création.
Alors bien sûr le lien avec le décès de
l'acteur est tentant, le Joker aurait-il finalement pris le dessus ?
La Warner et sa famille démentent l'hypothèse du suicide médicamenteux
et prônent la thèse de l'accident. Bien qu'ayant passé beaucoup de
temps dans le cerveau d'un malade, Heath
Leadger dit avoir pris un
plaisir fou à composer et interpréter sa version du Joker, même si
cela demandait un effort considérable.
HORS-COMPÉTITION - LA MORT AUX TROUSSES
Laird
Cregar – Hangover Square
Lassé de l'image
qu'il renvoyait au public au début des années quarante, le pourtant
reconnu acteur américain entreprit de maigrir. Habitué aux
personnages dérangés (Jack l'éventreur ;
le meurtrier amnésique de son dernier film Hangover Square, …), il vise des rôles plus
flatteurs et perd trop rapidement 42 kilos, soit un tiers de son
poids. Après avoir subi une opération due à de sévères troubles
digestifs, Laird
Cregar décède d'une crise cardiaque en 1944, à
l'âge de 31 ans.
Pour ce qui est de la prise de poids, mais aussi de l'investissement, il existe un récidiviste de référence que l'on ne présente plus : Robert De Niro. Près de 30 kilos pris en seulement quatre mois pour le rôle de Jake LaMotta dans Raging Bull de Scorsese. Pour cela, « Je me levais tôt le matin, puis je prenais un bon petit-déjeuner, puis un grand déjeuner et un grand dîner. Puis je suis allé en France et, là-bas, j'ai mangé dans tous les trois étoiles. J'étais à l'agonie, mais en une semaine, j'avais pris cinq kilos ». Un investissement qui pèse lourd dans la balance (bon, ok...) mais pas seulement puisqu'avant d'illustrer le déclin du personnage, l'acteur a travaillé pendant un an pour apprendre à boxer comme un pro, multipliant dents cassés et yeux au beurre noir. Cette prouesse lui valu heureusement l'Oscar du meilleur acteur en 1981.
Dans Les Incorruptibles, De Niro gagne 12 kilos mais ce n'est pas tout. Obsédé par sa métamorphose, il retrouva les véritables tailleurs de Capone afin de leur commander des modèles précisément identiques à ceux du gangster italien. Il poussa le vice jusqu'à se procurer des sous-vêtements en soie fabriqués par le fournisseur officiel d'Al Capone, Sulka (et non, on ne les voit pas à l'écran).
Le professionnel en la matière des acteurs en vogue actuellement reste toutefois celui qui a ouvert ce dossier : Christian Bale. Le comédien est connu pour se mettre une pression monstre, et surtout pour le yo-yo extrême qu'il fait subir régulièrement à son organisme quand certains rôles, et parfois lui-même, l'exigent.
Natalie Portman, qui a dû travailler avec lui sur le tournage de Knight of Cups de Terrence Malick, trouve l'acteur bien trop perfectionniste, au point de le décrire comme incroyablement stressé et insupportable, alors qu'ils n'avaient qu'une heure à tourner ensemble. Bale aurait insisté pour retourner encore et encore une scène, car il n'aurait pas aimé la façon dont il a prononcé un passage, une phrase, par exemple.
Une obsession qui peut passer pour de l'égo sur-dimensionné mais qui est finalement commune à tous les acteurs que nous avons présentés ici, celle d'ignorer les heures de travail, l'apparence physique ou les contraintes, en ayant en ligne de mire une seule chose : le résultat final. Même si cette détermination peut s'avérer maladive, et que certains gagneraient à se préserver, elle reste en soi une forme d'altruisme et de générosité, une façon de se livrer au public entièrement.
Une philosophie que ne partage pas Anthony Hopkins qui a récemment déclaré ne pas vouloir mettre sa santé en danger (à son âge et n'ayant plus rien à prouver, on le comprend) pour un rôle, faisant référence à la prothèse de peau au niveau du cou et au faux ventre qu'il arbore dans Hitchcock, simulant ainsi une certaine oppulance.
Sources : IMDB, Wikipedia, Allociné, Cracked.