Gérardmer 2013 : Bilan et 27 critiques

Laurent Pécha | 5 février 2013
Laurent Pécha | 5 février 2013

Chaque année, on se dit qu'on ne reverra pas Gérardmer et son festival fantastique tant l'équilibre financier de la manifestation est au fil du temps de plus en plus difficile à obtenir. Et pourtant, nous avons bien pu couvrir le 20ème anniversaire du festival qui s'annonçait sur le papier particulièrement excitant, entre films de la compétition aux pitchs alléchants et avant-premières prestigieuses, sans compter une flopée de films hors compétition des plus variés. La vérité du terrain fut malheureusement tout autre malgré un engouement populaire qui en fait toujours une manifestation de référence pour le cinéma fantastique dans l'hexagone.

Principal accusé de la faillite artistique de cette édition : une compétition particulièrement sinistrée comme l'a fait courageusement et honnêtement remarquer le président du jury, Christophe Lambert dans son très beau et émouvant discours précédant la révélation des prix de son jury.  Si effectivement, et vous allez vous en rendre compte dans les lignes qui vont suivre, la sélection officielle fut vraiment désastreuse, elle accouche, grâce à l'intelligence du jury qui aura su faire les bons compromis, d'un magnifique vainqueur en la personne de Mamá. Avec trois prix (grand prix, prix du jury, prix du jury jeunes), le film d'Andrés Muschietti aura su séduire pratiquement tous les publics présents à Gérardmer si ce n'est la critique internationale qui préféra primer Berberian sound studio. Un film défendu également par une partie du jury qui lui permit de partager le prix du jury avec The End. Deux œuvres qui sont loin de nous avoir convaincus (en particulier l'espagnol, The End) et l'on aurait, pour notre part, préféré voir le film de Barry Levinson, The Bay, repartir avec une récompense.

Au final, par la grâce d'un palmarès judicieux et d'un vainqueur qui a enfin de la gueule contrairement aux dernières années (par contre, il serait bien qu'Universal, surfant sur les prix du film, décide de changer la date de sortie prévue pour le moment à début... mai !!!!), le festival de Gérardmer  clôt sa 20ème édition en beauté et nous ferait presque oublier les multiples loupés d'une sélection montrant clairement que le cinéma fantastique se cherche un nouveau souffle.  Et ce n'est pas de la France d'où risque de venir le salut, la production hexagonale brillant par son absence la plus totale en matière de long-métrage cette année. Une première depuis 2007 et cela fait froid dans le dos quand on aime le genre !

 

LA COMPÉTITION

 

Le Grand Prix - Prix du public - Prix du jury jeunes : Mama

En 2008, Andrés Muschietti et sa sœur, Barbara (co-scénariste et productrice), surprenaient leur monde avec un court-métrage, Mamá, tour de force technique (un plan séquence virtuose) doublé d'une belle frousse  - le film est visible sur youtube -. Un court qui a fini par taper dans l'œil de Guillermo Del Toro qui a alors aidé les Muschietti à mettre sur pied une version longue de Mamá. Si on retrouve effectivement une relecture toute aussi effrayante du court dans le film, il s'agit désormais de développer une vraie histoire. Soit une toute autre gageure ! La peur de se retrouver face à des petits malins ayant redoublé d'efforts visuels pour se faire repérer est néanmoins très vite estompée par un prologue rondement mené où l'art de la narration du duo doublé d'un savoir-faire technique virtuose impriment chaque image.  On est ainsi happé par cette histoire sombre de deux petites filles laissées pour mortes suite à une tragédie familiale et qui vont être sauvées par une dangereuse et mystérieuse présence, la fameuse Mamá du titre. Et le film de dérouler par la suite une habile et étonnante variation des fameux films de fantômes asiatiques, tout en offrant une émotion bien plus palpable que dans la majeure partie de ses devanciers. Pour ce faire, Andres Muschietti mise sur une caractérisation des personnages d'une efficacité redoutable à défaut d'être incroyablement originale et a su s'appuyer sur des choix de comédiens des plus justes. Outre les deux enfants, criants de naturel, Jessica Chastain, en jeune femme forcée de cohabiter avec une progéniture qu'elle ne désirait pas, confirme qu'elle peut être crédible dans tous les rôles, tous les genres et même tous les looks (voir l'abandon de sa magnifique crinière rousse ici pour des cheveux courts et noirs). 

Développant une histoire solide qui réserve un changement de ton particulièrement risqué mais totalement gagnant (et à qui le succès du film actuel aux USA doit sûrement beaucoup), le jeune cinéaste fait montre d'une connaissance incroyablement mature de la peur cinématographique. Et même novatrice lors d'une séquence à l'intelligence visuelle phénoménale, prouvant que l'on peut encore étonner le plus endurci des fans de films d'horreur lorsqu'on réfléchit en termes de signifiant lors de sa composition de plans.

Qu'importe alors les quelques maladresses ou approximations du récit - dues, tout à la fois, à la richesse de l'intrigue et au désir de garder un rythme soutenu  -, Mamá s'avère bien, au final, être la plus belle proposition de cinéma horrifique grand public vue depuis bien longtemps sur un écran de cinéma. Et nous de signer tout de suite un long bail avec cette talentueuse famille Muschietti. LP.

 

 

Prix du jury : The End

Non, n'en déplaise à Jim Morrison, The End n'est pas notre bel ami. Bien au contraire, le premier film de l'espagnol Jorge Torregrossa a clôturé la compétition du festival de la pire des manières. Après un début qui ferait presque aimer Les Petits mouchoirs à ses pires détracteurs (une bande de potes se retrouve à la campagne après s'être perdus de vue depuis 20 ans pour vite se prendre la tête et faire ressortir de vieux dossiers), The End plonge dans un fantastique mollasson, minimaliste dans sa forme et extrêmement bavard (ah ces dialogues qui surlignent l'action). L'idée de cette fin du monde, où chacun des protagonistes va disparaître au fil du récit, était loin d'être inintéressante mais le traitement qu'en fait Torregrossa est des plus indigestes.  Allongeant inutilement toutes ses séquences (une visite guidée de l'arrière pays espagnol), appuyant son message (c'est pas bien de ne pas aimer son prochain, faut profiter de la vie car tout peut disparaître d'un seul coup,...), boostant la minceur de son intrigue avec des scènes d'action ridicules (la cavalcade des boucs, l'attaque des chiens) et  laissant ses comédiens en faire des tonnes, le cinéaste enchaîne les ratés et accouche d'un film affligeant, dont on cherche encore les raisons de l'attribution de son prix (NDR/ après discussion avec un membre du jury dont on citera uniquement les initiales, PL, on n'a toujours pas compris). LP 

  

 

Prix du jury et prix de la critique international : Berberian Sound Studio

Si l'inclassable Berberian Sound Studio a eu les honneurs du jury et de la critique, il aura laissé bien de marbre le public qui l'a majoritairement sifflé lorsqu'il reçut ses prix. Le postulat avait pourtant de quoi séduire les amateurs du genre ; jugez plutôt. Un ingénieur du son se voit précipité sur le dernier méfait d'un studio italien spécialisé dans les films d'horreur, avant que son entreprise ne prenne une tournure imprévue. Le tour de force du film de Peter Strickland résidera dès lors dans le refus total de révéler la moindre parcelle de film à l'écran, les pellicules étant systématiquement projetées hors-champ, et leur contenu laissé à l'imagination du spectateur, à grand renfort de bruitages, gargarismes et hurlements divers et variés (la scène du cri laborieux renvoyant à ce titre à la même séquence de Blow Out) peuplant le doublage des plus purs des giallo (les hommages à Argento et Bava père abondant en continu). En dépit d'un humour percutant et d'une atmosphère claustrophobe soignée, les tenants et aboutissants du véritable thriller psychologique que se veut être Berberian Sound Studio demeurent des plus inextricables, les fantasmes s'entremêlant à une prétendue réalité qui se disloque, à mesure que le technicien, interprété par l'excellent Toby Jones, se voit irrémédiablement aspiré dans l'industrie du cauchemar. On quittera la salle de projection sonné, perplexe, un brin frustré, et marqué par des séquences d'une élégance enlevée (à l'image d'une démonstration sur verre de bruitages d'OVNI). AB

  

 

Le Prix SyFy : You're next

Voilà ! On l'a trouvé LA bête de festival ! Nouveau film d'Adam Wingard (A horrible way to die, V/H/S), You're next a su revigorer les festivaliers frigorifiés et énervés tant le film est un pur moment de plaisir coupable. Classique histoire de home invasion, le réalisateur réussit à dynamiter le genre avec une bonne grosse dose d'humour et de gore fun.

Ludique à souhait, le film nous conte les mésaventures de la famille Davidson rassemblée pour la traditionnelle réunion de famille. Tout aurait pu se passer merveilleusement bien si ce n'était sans compter sur l'intrusion d'hommes portant des masques d'animaux. Et c'est parti pour une heure de massacre en tout genre à un rythme effréné, mention spéciale pour le meurtre au mixeur qui reçut un torrent d'applaudissements de la part d'un public totalement conquis.

Véritable film de potes avant tout (on y retrouve toute la bande responsable de V/H/S), le long-métrage distille une énergie communicative à défaut d'être original et intelligent avec néanmoins l'excellente initiative de faire de son héroïne, Sharni Vinson, un personnage féminin fort qui saura donner du fil à retordre à ses agresseurs. Et elle n'y va pas de main morte puisqu'on a le droit à notre lot de coup de haches ou de couteaux ainsi qu'à une pléthore de pièges digne d'un MacGyver qui aurait fricoté avec Jigsaw. Tout simplement le genre de film qui vous donnera envie de crier et d'applaudir puisque le réalisateur a su briser les moments où le récit bascule légèrement vers le grotesque en y insufflant un humour salvateur. Reste à savoir si You're next dépassera son statut de film de festival, tant le passage vers d'autres horizons peut s'avérer douloureux. A confirmer donc lors de son éventuelle sortie salles avec une bonne bataille de pop-corn entre potes. ALG

  

 

Le surplace ou la régression : The Complex

Encore une histoire de fantôme japonais ! Sauf que c'est Hideo Nakata qui s'y colle et avec lui la promesse de voir ce sous-genre qui a lui-même élevé à un niveau mythique, évoluer vers de nouvelles cimes effrayantes. Peine perdue puisque le cinéaste japonais se contente de livrer une sorte de photocopie de ses travaux précédents sans que jamais ces derniers ne soient surpassés. Loin de là et nous, spectateurs assidus de l'horreur à la japonaise, de se contenter d'admirer, avec un ennui poli, le travail plastique toujours aussi parfait du réalisateur de Ring. Si la dernière partie nous sort un peu de notre torpeur avec un exorcisme à la japonaise bien loin de ce que l'on peut voir dans le cinéma occidental (dommage qu'il soit finalement trop vite sacrifié pour les besoins de l'action principale mettant directement en danger l'héroïne du film), The Complex ne réconciliera pas les fans de la première heure et laissera perplexe ceux qui avaient vu avec l'étonnant Chatroom les promesses de voir Nakata partir explorer de nouveaux horizons singuliers. LP

  

 

Le vieux qui revitalise le style des djeun's : The Bay

(Barry Levinson + found footage) x dénonciation écolo = The Bay, surprenant documentaire fictif centré sur une épidémie galopante imputable aux pratiques pas très éco-friendly d'élus et industriels exclusivement motivés par le profit. La très légitime appréhension de l'allergique au genre, abreuvé de Grave Encounters et autres resucées secouées, se verra de fait apaisée, sinon anéantie par un montage astucieux, l'ingénieuse utilisation d'une multiplicité de supports médiatiques, toujours justifiée, ainsi qu'une narration rigoureuse. Le père Barry, du haut de ses 70 balais, s'empare en effet avec une étonnante efficacité d'un genre parasité par l'opportunisme, ponctuant son propos pour le moins incisif de séquences craspec au possible, tantôt graphiquement révulsantes, tantôt créatrice d'un malaise franchement épidermique (« Je le sens ramper dans mon estomac ! »). L'immersion insoutenable n'était pas loin ; The Bay en rate toutefois quelque peu le coche, la faute à de petites faiblesses rythmiques et à une relative froideur analytique, rempart immédiat à une quelconque implication émotionnelle. AB

  

 

Blue Velvet influence : House of last things

Bien qu'ayant reçu un accueil des plus tièdes lors de ses projections dans la cité vosgienne, House of last things mérite bien quelques éloges. Non pas que l'on ira jusqu'à défendre ardemment une œuvre beaucoup trop longue (il y a clairement 20-30 minutes en trop) et effectivement trop influencé par David Lynch mais l'atmosphère qui se dégage du film de Michael Bartlett se montre plus d'une fois séduisante. Notamment dans une première demi-heure vraiment étrange où tout en admirant le superbe travail effectué par Ken Kelsch, le chef op habituel de Ferrara, on est intrigué par cette histoire très étrange d'une maison peu avare en manifestations singulières. L'étrangeté et la fine frontière entre rêve et réalité chère à Lynch sont bien de la partie et le jeu sensoriel et intellectuel entre le film et le spectateur s'installe avec un certain brio. Malheureusement, à l'image de ce ballon jaune qui n'a de cesse de s'échapper du décor, notre attention fait de même et House of last things de rester une œuvre prometteuse mais jamais aboutie. LP

  

 

Amis du bon goût au revoir : Remington and the curse of the zombadings

On a beau aimé le Z, les films déviants et déjantés, il y a toujours une limite au "bon" goût et Remington... de la franchir dans toutes ses largeurs. Cette histoire de jeune homme poursuivi par une malédiction qui lui prédit son passage d'hétéro à gay à l'âge adulte alors même qu'un tueur de gays sévit dans les parages, s'avère consternante. Multipliant les gags racoleurs d'un autre âge, de plus en plus homophobe au fil des minutes (La Cage aux folles paraît d'une rare subtilité à côté), cette comédie qui aimerait avoir un ton potache léger, irrite au plus haut point et la voir concourir ici à Gérardmer, reste la plus grande aberration de cette édition. Certes, il faut pouvoir montrer que le fantastique peut être décliné sous toutes ses formes mais encore ne faudrait-il jamais oublier que l'essentiel reste la proposition de cinéma. Il n'y en a ici aucune. LP

  

 

Cherche fantastique désespérément : The Crack

Au bout de 101 minutes interminables, on se demande bien si ce ne sont pas les programmateurs du festival qui n'auraient pas cracké ou auraient pris du crack lors de sa sélection. Car, comment accepter de voir dans une compétition de films fantastiques un film qui ne contient pas la moindre parcelle de... fantastique. The Crack, au demeurant constamment médiocre quant il n'est pas prétentieux dans sa forme, est ainsi « juste » un drame intime. On y voit une famille encore sous le choc de la disparition tragique de leur jeune sœur, partir se retrouver dans une maison de campagne isolée. Un isolement qui va petit à petit aboutir à un déclenchement de frustrations et de désirs menant à leur perte. Le film aura toutefois permis d'assister à un des grands moments de cette 20ème édition : rythmé par l'apparition des jours qui passent à l'écran, le film reçut un tonnerre d'applaudissement de l'ensemble de la salle comble quand le mot dernier jour apparut à l'image. LP

  

 

HORS COMPÉTITION

 

The Conspiracy

The Conspiracy se situe dans la veine des vrais-faux documentaires, avec des représentants comme I'm still here et Catfish. Deux jeunes réalisateurs se mettent ainsi en tête de faire un film sur un théoricien du complot, qui, avec ses coupures de journaux et son mégaphone, raconte à qui veut l'entendre que la vérité est ailleurs, qu'il s'agisse du 11-Septembre, de l'assassinat de JFK, de la Première Guerre mondiale, etc. Mais un jour, celui-ci disparaît sans laisser de traces. Aurait-il vu juste ? A l'instar de Mel Gibson dans Complots de Richard Donner ? A travers le film qu'ils tournent, les jeunes réalisateurs continuent ses travaux, jusqu'à trouver un pattern et découvrir une mystérieuse société secrète. La forme reportage et le fond opportuniste se marient parfaitement et peut rappeler certaines vidéos polémiques et complotistes qui trainent sur le net, mais très vite, le film questionne sa propre existence, sa propre utilité. Un virage méta plus que raccord avec le sujet. VJ

  

 

Forgotten

Avec Forgotten, les Allemands veulent prouver qu'eux aussi, ils peuvent faire du cinéma fantastique à l'espagnol, à L'Orphelinat, mêlant l'horreur à la poésie... et au succès ? Hanna et Clarissa, deux amies d'enfance qui avaient l'habitude de passer leurs vacances sur une île, se retrouvent après 25 ans. Elles décident de passer quelques jours ensemble sur l'île de leur enfance, et réveillent les fantômes du passé. Tout juste la trentaine, la réalisatrice Alex Schmidt aime le bel ouvrage, et cela se voit, son film est bien écrit, bien joué, bien shooté. Du travail appliqué ainsi qu'une certaine honnêteté, voire modestie, qui permettent de se prendre au jeu des flash-back, twists et autres body doubles. VJ

 

 

The Forest

Nouvelle réalisation de Darren Lynn Bousman (les « mémorables » Saw 2, 3 et 4 et le sympathiquement conventionnel mais efficace Mother's day), il est évident que The Forest continue d'honorer le patronyme de son réalisateur. Mais attention, l'aficionado de mauvaise série B saura y trouver son compte si, encore une fois, le contexte s'y prête. Le récit nous conte les mésaventures d'une famille recomposée qui décide d'aller camper dans les Barrens, lieu réputé grâce à la fameuse légende du diable du Jersey. Le réalisateur nous ressort le coup de la folie progressive du père de famille, ce dernier étant persuadé d'être pourchassé par la créature susnommée plus haut. On se laisse donc prendre au jeu de ce film d'horreur / thriller psychologique avare en meurtres (seulement deux hors-champs...) sauvé in extremis par le jeu d'acteur de Stephen Moyer, seul à bord à se donner à fond, le reste de l'équipe ayant donné sa démission. Darren Lynn Bousman cachetonne ainsi au minimum syndical et nous ressort bien évidemment son lot de montages hypercut devenu sa marque de fabrique depuis sa participation à la série des Saw. Cerise sur le gâteau pour les fans des fameux Craignos monsters chers à Jean-Pierre Putters, le Bousman vous offre un final post-générique qui saura mettre à mal vos zygomatiques. ALG

  

 

The Thompsons

Si vous n'avez pas vu The Hamiltons, vous allez avoir le droit à du spoiler. Voilà, vous êtes prévenus. On y va maintenant :

Encore éprouvée par les événements survenus dans The Hamiltons, la famille la plus dysfonctionnelle s'installe cette fois-ci en Angleterre sous leur nouvelle identité, les « Thompson ». En quête identitaire et à la recherche d'une solution pour sauver le plus jeune  (les vampires peuvent mourir à l'instar des humains dans leurs univers), ils feront la rencontre d'une autre famille tout aussi dérangée. Oubliez le ton mélancolique et  sundancien  du premier film, limite auteurisant, les Butchers Brothers ont décidé de dynamiter leur univers à coup de vampires tout droit sortis de True Blood (mais en beaucoup plus vénère) et de récit déstructuré à la Roger Avary.

Passé la surprise (voire la déception) de ne pas découvrir une réitération de The Hamiltons, on se laisse prendre par le rythme effréné, le film enchaînant tambour battant scène après scène. Généreux en hémoglobine, The Thompsons n'est malheureusement pas exempt de tout défaut puisque toutes les séquences d'attaques sont quelques peu ridicules.  En effet,  chacune est couronnée d'un design pour les vampires en totale contradiction avec le premier film et les déplacements rapides hérités de True Blood rendent les combats très cheap. Sans parler des éléments très rockabilly du passé qui ont disparu au profit d'une approche dandy plus européenne.

Suite mitigée, The Thompsons reste avant tout un bon film de festival. En espérant qu'à l'avenir, les deux cinéastes parviendront à réussir plus d'un film sur deux (on a encore à travers la gorge leur remake de April Fool's Day). ALG

  

 

Doomsday Book

Tandis que l'exercice de l'anthologie semble, sinon regagner ses lettres de noblesses, du moins susciter un certain intérêt du côté des spectateurs, l'Asie fantastique remet le couvert huit ans après 3 Extrêmes avec Doomsday boo, qui fit donc la clôture de cette 20ème édition de Gérardmer. Cette fois, elle convie Yim Pil-Sung (Hansel et Gretel) et Kim Jee-Woon autour d'un thème plus ou moins défini comme celui de l'apocalypse, disséqué en trois segments (l'un d'entre eux ayant initialement été confié à Jan Jae-Rim, contraint de quitter le projet en quatrième vitesse, la réalisation de son film ayant finalement été confiée à Yim Pil-Sung). Ce dernier est également à la tête du premier segment, intitulé Brave New World. Enième affaire de zombie, certes inhabituelle pour le continent, et teintée d'un message écolo, Brave New World table sur un humour absurde pas toujours très juste, et souffre de certaines longueurs. On retrouvera le même ton dans le plus appréciable The Christmas Gift, où la patte enfantine du réalisateur s'accorde joliment à une fable optimiste et naïve sur la fin du Monde. Le cœur de l'anthologie sera, conformément aux attentes, constitué par le segment de Kim Jee-Woon, véritable dissertation existentielle et spirituelle relative à un robot supposément illuminé par l'esprit de Buddha. Eloigné de ses deux semblables, de même que du thème propre de l'exercice, Heavenly Creature démontre en tout classicisme la maîtrise du cinéaste, au risque de désappointer ceux qui attendaient, après les dernières bombes du réalisateur de J'ai rencontré le diable, un nouveau tour de force de créativité, ou un réel coup-de-poing cinématographique. Plus qu'une vision conjuguée de l'apocalypse, Doomsday Book constitue finalement un recueil d'interrogations riches en thématiques d'ordre théologique, en plaçant au cœur de ses composantes des réflexions relatives à la création, au péché, à la foi et au repentir. AB

 

 

Ray Harryhausen - Le Titan des effets spéciaux

On vous mentirait en affirmant ne pas être conquis d'emblée par le sujet du documentaire réalisé par Gilles Penso et produit par Alexandre Poncet, mais il n'est pas moins vrai que la mosaïque de témoignages, d'anecdotes et d'enseignements contenus dans cette formidable leçon de cinéma tenait du miracle. Voilà l'une des rares enquêtes sur l'héritage d'un pan spécifique du cinéma de genre, qui peut se targuer de s'adresser aux novices comme aux spécialistes, aux geeks comme aux spectateurs occasionnels. L'émerveillement y côtoie la déférence et un sens aigu de la pédagogie, grâce aux interventions passionnantes de James Cameron, Peter Jackson, Steven Spielberg, Joe Dante, Terry Gilliam, John Lasseter, Guillermo Del Toro, pour ne citer que les plus illustres. Un documentaire passionnant, qui sera bientôt disponible en Blu-ray et DVD. Quant on voit le mal fou qu'ont eu Lambert et sa bande à sortir un palmarès qui leur convienne, la présence du film en compétition aurait permis de gagner du temps pour l'attribution du prix du jury. SR

  

 

Dagmar, l'âme des vikings

Soyons sérieux deux minutes, un film qui répond au doux sobriquet de « Flukt » part avec un sérieux handicap. Si elle se gardera de sombrer dans l'excès grand-guignol, l'épopée viking du réalisateur de l'excellent Cold Prey ne parviendra pas à susciter un intérêt démentiel, ni à tenir la distance de son ambition épique. Une toute petite heure et quart suffira donc à installer l'ennui profond, face à l'escapade convenue d'une jeune fille privée de ses aïeuls par un gang de Vikings pas franchement encombré par le remords. Au Valhalla Rising féminin vaguement espéré se substituera donc une course-poursuite relativement plate et parasitée par les lieux communs, secouée de temps à autre par un sursaut de violence aussi brève qu'efficace.  Le souffle épique n'en reste pas moins cruellement absent, et l'audace timide au possible. AB

  

 

The Pact

« Va voir The Pact, tu rattraperas The Crack un autre jour ». L'invective du Pécha ne tolérait aucune protestation. Face à la déconfiture générale provoquée par ledit long-métrage en compétition, et après deux-trois ricanements bien mérités, force est de constater qu'il existe sort bien moins enviable que la vision de ce crétin mais sympathique The Pact, film de fantôme pas si classique patiné de non-dits familiaux. La narration partait pourtant sur les chapeaux de roues, installant un postulat fantastique excluant d'office toute forme d'ambiguïté, avant de prendre la direction d'une enquête improvisée par la mignonette héroïne, secondée d'un Casper Van Diem (Caspeeeeeeeeeer !) en mode figu. Dommage que la surprise d'un parti pris final plutôt inattendu se voie parasitée par un scénario franchement bêta, d'improbables péripéties en choix complétement débiles. AB

  

En bonus, une interview de Caspeeeeeeeeer faite par Philippe Boissier en juillet 2012

 

New kids nitro

Ainsi venait la suite attendue du jouissif New Kids Turbo, qui avait fait les beaux jours des salles de cinéma néerlandaises ainsi que notre plus grand bonheur lors de la dernière édition du festival de Sitges. Oui, mais. Là où New Kids Turbo, moins décérébré qu'on peut le croire, construisait son intrigue (certes aberrante) et ses personnages (certes grotesques) sur un acerbe commentaire sur la crise économique, et proposait un réel propos ainsi que des idées de mise en scène burnées, New Kids Nitro se contente d'en reprendre les protagonistes, devenus instantanément cultes, et de donner à fond les ballons dans les situations rocambolesques et l'humour bas-de-plafond. En résulte un fatras de gags plus ou moins inspirés et excessivement jusqu'au-boutistes pour être sincères, comme si l'équipe de tarés derrière cette anomalie filmique avait cherché à remplir coûte que coûte une check list du mauvais goût. Bilan : une comédie parfois très drôle, souvent facile, calibrée pour les séances de minuit, gimmicks à l'appui, aussi inoffensive qu'elle se veut rebelle. AB

  

Citadel

Le film de Ciaran Foy peut être vu comme une réponse en négatif à Attack the Block en ce qui concerne la cohabitation des laissés pour compte des grandes banlieues britanniques et des créatures qui peuvent s'y développer. Conte horrifique étouffant et haletant dont la mise en scène épouse le regard agoraphobique de son caractère principal, Citadel joue habilement avec les codes du genre en évoquant quelques classiques (peut être un peu trop pour être profondément original) et réussit à nous scotcher littéralement dans son dernier quart en prenant un virage vers le survival urbain hardcore. Ce nouveau regard pessismiste sur la violence des jeunes, après Eden Lake et Heartless, est indéniablement à classer dans les réussites du genre. PA

  

Grabbers

Le film de Jon Wright s'octroie depuis quelques mois des petits passages, sinon triomphants, au moins couronnés de popularité, grâce à une compilation humour britannique - alcool à foison - aliens-bulots-poulpes. Le postulat de départ s'octroie en effet inévitablement toute la sympathie du monde : pour échapper aux attaques d'extraterrestres marins assoiffés de sang, une communauté irlandaise n'a pour unique échappatoire que l'absorption massive d'alcool, les bestioles se montrant particulièrement intolérantes au tord-boyaux. A défaut de révolutionner le paysage fantastique, qu'il se contente de ponctuer de rires gras plutôt que d'aménager un réel potentiel effrayant, Grabbers, Tremors nautique du XXIème siècle, fait mouche, en s'abstenant de sombrer dans le florilège de références lourdingues et prévisibles, et en adoptant un ton résolument léger, dépouillé de toute forme de prétention, et porté par une série de protagonistes simple(t)s, maladroits et sympathiques. AB

  

Vanishing Waves

Vanishing Waves conte l'aventure cérébrale de Lukas, cobaye volontaire d'une expérience visant à raccorder son esprit à celui d'un patient anonyme plongé dans le coma, sa rencontre avec une femme issue de leur imaginaire conjugué poussant le scientifique à creuser les abysses de l'inconscient, libéré des affres et barrières du monde réel. Mélodrame vaporeux et nostalgique, d'un onirisme lénifiant et gracieux, Vanishing Waves épouse les codes d'une science-fiction clinique, surannée, et centrée sur l'Homme, la technologie n'étant que le médium de son exploration profonde. Véritable expérience sensorielle et fantasmagorique qui n'est pas sans évoquer le Solaris de Tarkovski, porté par une direction artistique aussi délicate que travaillée, le film de Kristina Buozyte et Bruno Samper peine toutefois à tenir son infinitésimale intrigue sur la longueur, souffrant ça et là d'égarements dispensables. Quelques longueurs qui n'empêchent nullement le charme d'opérer. AB

  

Room 237

« Il ne faut jamais chercher à expliquer ce que l'on ne comprend pas ». Voilà ce qu'aimait à répondre Stanley Kubrick à ceux qui lui posaient des questions sur 2001 l'Odyssée de l'espace. Room 237, documentaire sur les interprétations de Shining, donne totalement raison au cinéaste. Précédé d'un sacré buzz, le film compile les divagations d'une bande de geeks aux quatre coins de la planète (mais anglophones tout de même). Ce qui aurait du être un aparté amusant au sein d'un film sur le phénomène Shining, confine ici à la torture mentale tant les interprétations avancées sont des plus risibles (pour rester gentil).

Il suffit d'un détail dans le film pour que ces illuminés se lancent dans des théories ampoulées. La machine à écrire de Nicholson est allemande et le jeune Danny a le numéro 42 sur son habit au début du film. Bing, Shining est un film qui évoque l'holocauste puisque c'est en 1942 que les déportations ont débuté. Un poster de ski dans l'arrière-plan d'une séquence fait penser au minotaure (on cherche encore la ressemblance) et c'est parti pour une démonstration du mythe de l'animal dans toutes les péripéties du récit. On balance le film à l'envers et on le met en surimpression avec une projection normale et là encore, c'est un festival de sens donnés au film de Kubrick. Parmi tous ces délires de gens obsédés par l'œuvre de réalisateur, on s'amusera du plus cinglé mais paradoxalement le mieux expliqué et mis en valeur dans le documentaire : Shining aurait permis à Kubrick de glisser une confession sur son implication dans le film sur l'alunissage d'Apollo 11. Il faut déjà accepter l'idée de la théorie répandue que les images du 20 juillet 1969 aient été tournées sur Terre. Après, il faut admettre que Kubrick en soit l'auteur sous prétexte qu'il aurait pu avoir l'aide de la Nasa par la suite pour 2001. Et ensuite, il faut se coltiner des explications fumantes sur les jeux de mots possible avec la fameuse porte 237 (room n° devient vite moon room soit la porte de la lune,...).

Renforcé par un montage qui s'amuse à mélanger les images des films de Kubrick mais pas que (pour illustrer la théorie selon laquelle Kubrick aurait fait un gros doigt d'honneur à Stephen King, on découvre le romancier dans un extrait de Creepshow où il joue le redneck éberlué devant son poste de télé), Room 237 doit être perçu, au mieux, comme un exercice de style ludique. Et pour tenir le coup devant les 106 minutes très, très longues qui sont au programme, le parti d'en rire n'est pas conseillé ; il est obligatoire. Quant au sentiment d'inutilité de l'entreprise, on se consolera avec cette envie de revoir Shining et se rappeler ainsi à quel point les plus grands films ne s'expliquent vraiment pas. LP

 

Modus Anomali, le réveil de la proie

Déjà auteur d'un premier film d'horreur en 2009, Pintu Terlarang, le réalisateur indonésien Joko Anwar revient dans le genre avec son bien barré Modus Anomali. Le début du métrage réussit à intriguer et à créer une bonne tension, avec une ambiance aux croisements des Chasses du Comte Zaroff et de Vendredi 13, avec ce réveil douloureux d'un amnésique en pleine jungle et qui va se trouver confronter à des menaces qui vont vite passer de l'intangible au concret, et bien sanglant. Mais le tout finit par s'étioler, le réalisateur tirant trop sur la corde en répétant à l'envie certaines séquences, dont des meurtres "accidentels" un peu ridicules mais qui donnent trop d'éléments sur le pot-aux-roses final, slasher à twist oblige. Reste à se mettre sous la dent quelques bons effets gore et une mise en scène correcte étant donné le peu de moyens qui semblent avoir été mis en œuvre. PA

  

Come out and play

Dans la rubrique des remakes à ne pas faire,  le Come out and play de Makinov, produit au Mexique, peine à arriver à la cheville de son glorieux modèle, l'indémodable Les Révoltés de l'An 2000 de Narciso Ibáñez Serrador. L'adaptation est certes fidèle en tous points mais les interminables scènes de couloir censées rendre l'atmosphère de l'île étouffante pour le couple qui s'y est perdu et l'interprétation impersonnelle de Daniel Giménez Cacho et Vinessa Shaw (qui incarne à nouveau une femme enceinte plongée dans l'horreur comme dans La Colline a des yeux)  finissent par rendre le film bien poussif. Seule l'explosion de violence finale bien sauvage apportera quelques maigres contentements mais ne sauvera pas pour autant un film qui est désormais à ranger dans la catégorie des remakes inutiles dont on nous abreuve depuis de trop nombreuses années. PA

  

V/H/S

Les présentations du film en festivals se suivent et ne se ressemblent pas en fonction des chroniqueurs d'Ecran Large qui le découvrent. On a fini par trancher et vous pouvez lire la critique ici.

  

Hansel & Gretel : witch hunters

On y reviendra plus longuement dans une critique appropriée mais c'est à un drôle de film auquel on a assisté. Produit de manière surprenante par le duo McKay & Ferrell, le deuxième film de Tommy Wirkola ressemble à une version plus thunée de son Dead snow. C'est tout aussi décousu, parfois bien gore, généreux dans l'affrontement décomplexé où tous les coups sont permis. Pour ce qui est d'avoir un scénario, il faudra attendre le prochain numéro. Non, ici, dans cette relecture bien déviante du célèbre conte des frères Grimm, c'est portes ouvertes au grand n'importe quoi avec un malin plaisir à maltraiter ses deux acteurs principaux, surtout la pauvre Gemma Arterton, qui passent leur temps à prendre des coups et à valdinguer dans les quatre coins des décors. Un Tex Avery style qui n'est pas pour nous déplaire. LP

  

Cloud Atlas

Le nouveau film des Wachowski (et de Tom Tykwer) a divisé la rédaction. Deux rédacteurs sont restés sur leur faim, un a été enthousiasmé. A Ecran Large, on aime laisser la parole à la minorité, surtout que pour le coup, c'est la midinette des Wachos qui a décidé de vous expliquer pourquoi Cloud Atlas est un film important. Comme le Guillaume, les textes courts, il ne connaît pas (sa première version faisait plus de 8000 signes !!!), et bien il va falloir aller ici pour lire pourquoi il crie son amour pour le film.

 

 

 Les trailers de la peur

De déconfitures en assoupissements malencontreux, nous attendions encore la séance susceptible de secouer un peu le public transi par l'ennui, et de réveiller la flamme du gueulard bisseux qui sommeille en chacun de nous. Ce fut chose faite avec la projection des Trailers de la peur, compilation fantastico-horrifique orchestrée par Emmanuel Rossi, sous l'égide de Tanzi Distribution. En dépit d'une amorce gothique un poil longuette,  le programme oscille entre piqûres de rappel jubilatoires (Braindead, Highlander, Xtro), art du teasing savamment maîtrisé (The Thing), savoureux n'importe quoi (Santo contre le trésor de Dracula, Yor et comparses) et appétissantes découvertes (Modesty Blaise). Un événement festif et festivalier, ENFIN, qu'on ne peut que souhaiter voir reproduit à l'avenir. Et avec une bonne heure en plus si possible. Plus c'est long, plus c'est... AB

 

 LES COURTS-METRAGES

 

De mémoire de crapahuteur festivalier, on aura vu sélection de courts-métrages plus aguicheuse. D'une durée équivalente d'une vingtaine de minutes, les propositions peinaient généralement à tirer pleinement profit de leur format, s'étirant souvent à loisir, échouant tantôt  à proposer une vision singulière et novatrice, et s'enlisant à l'occasion d'un court particulier dans une pseudo-provoc de bas-étage. On retiendra essentiellement 22:22 de Julien Becker, uchronie plutôt maligne piégée dans de glaciaux bureaux hors du temps, et le flamand Mort d'une ombre, réalisé par Tom Van Avermaet, interprété par Matthias Ohmondieuohmondieuohmondieu Schoenaerts, lauréat du prix du meilleur court-métrage de Gérardmer et sélectionné aux Oscars dans la même catégorie. L'extrême maîtrise technique du film, de même que son univers steampunk travaillé, lui auront permis de se hisser sans trop de peine (et en dépit d'une conclusion trop consensuelle pour une satisfaction totale) au-delà d'une  compétition plus fade. AB

 

Articles rédigés par Aude Boutillon (AB), Alan Le Gall (ALG), Patrick Antona (PA), Vincent Julé (VJ) et Laurent Pécha (LP).

Un grand merci au Public Système.

 

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