2013 : L'année de la SF au cinéma [partie 2]

Guillaume Meral | 3 janvier 2013
Guillaume Meral | 3 janvier 2013

Seconde partie de notre dossier sur les films de SF qui vont envahir nos écrans en 2013. (vous pouvez retrouver la première partie ici).

 

After Earth, de M. Night Shyamalan (sortie le 5 juin 2013)

Rarement réalisateur aura connu une trajectoire aussi ingrate que celle suivie M. Night Shyamalan depuis Sixième sens. Propulsé petit génie de la mise en scène suite  au carton monumental de ce dernier, Shyamalan impose par ce film une marque de fabrique qui ne variera pas d'un iota une décennie durant, les évolutions de son style étant davantage imputables à des mutations intrinsèques à l'auteur qu'à une quelconque concession aux exécutifs hollywoodiens. Depuis, le réalisateur bénéficie d'une marge de manœuvre inenvisageable pour 95% des réalisateurs américains, à plus forte raison quand il s'agit de pérenniser un style pas forcément compatible aux premiers abords avec les attentes des spectateurs concernant l'univers abordé (épure des figures de style, minimalisme en trompe-l'œil de la narration, argument de genre relégué dans l'indicible etc.).

Vilipendé à partir de La Jeune fille de l'eau pour recycler ses gimmicks avec une suffisance contradictoire avec ses velléités narratives, Shyamalan touchera le fond à deux reprises : d'abord avec Phénomènes, véritable délire égotique en forme de critique inconsciente de son propre cinéma ; et Le dernier maître de l'air, tentative loupée du cinéaste de sortir de sa zone de confort habituelle en s'aventurant du côté du blockbuster estival. Autant de raisons parfaitement valables pour attendre After Earth qu'avec une impatience toute relative, d'autant que le film ne cache même pas ses allures de véhicule promo pour la famille Smith, et la volonté du père de se hisser à la tête d'une véritable dynastie à l'hollywoodienne.

Ici, Will joue le rôle d'un général voyageant dans l'espace avec son fils (joué par fiston himself) qu'il connaît à peine, avant de se voir obligé de se poser en catastrophe sur la Terre, inoccupée depuis 1000 et les événements cataclysmiques qui l'ont ravagé. Alors qu'il agonise dans le vaisseau en ruine, sa progéniture se voit obligée de prendre les choses en main et de s'aventurer sur une terre hostile à la recherche de l'émetteur de secours...

Un sujet somme toute conventionnel pour un projet taillé sur mesure pour la saison estivale, mais à l'intérêt largement rehaussé par le trailer diffusé sur la toile il y a peu. D'abord, parce qu'il faut bien admettre que c'est le talent de la famille Smith qui tend à les rendre d'autant plus insupportable, que ce soit le père (qui abuse quelque peu du froncement de sourcils dans la bande-annonce) mais aussi le fiston Jaden, qui avait bluffé son monde voici deux ans avec le remake de Karaté Kid. Ensuite et surtout, le trailer suscite un espoir réel d'une résurrection artistique de son réalisateur, qui convoque ici certaines des scènes les plus marquantes de sa filmographie avec un impact émotionnel instantané (la crise d'asthme de Signes notamment), et laisse entrevoir la possibilité d'un parcours initiatique en forme de survival éprouvé et éprouvant, aux élans mystiques d'une grâce aérienne.

De quoi lui permettre d'inscrire l'un de ses leitmotivs narratifs (la nécessité pour l'homme de faire la paix avec les éléments qui l'entourent) au sein d'un blockbuster de  saison, indexant la puissance émotionnelle d'une relation familiale difficile avec la quête menée par l'homme pour retrouver le chemin de l'harmonie avec son environnement ? Réponse le 5 juin 2013.

 

Pacific Rim, de Guillermo Del Toro (sortie le 17 juillet 2013)

Retour aux affaires de l'un des cinéastes qui a définitivement marqué la décennie 2000 de son empreinte, précurseur dans sa volonté de faire de son cinéma une matière d'images synthétisant les médiums populaires, versatile dans sa propension à passer d'un univers cinématographique totalement différent à un autre ( souvenez-vous en 2002, avec la sortie de Blade 2 à une mois d'intervalle avec L'échine du diable), et surtout d'une générosité sans pareille lorsqu'il s'agit de saisir l'humanité des freaks évoluant devant sa caméra, de capturer les fêlures dissimulées derrière une revendication identitaire assumant sa contenance archétypale.

Or, c'est cette approche foncièrement premier degré, qui ne joue ni la carte de la distanciation thématique ou de la relativisation postmoderne (ajoutée à un goût certain en matière de direction artistique et une virtuosité sans pareille derrière la caméra), que l'on s'attend à retrouver dans Pacific Rim, qui devrait marquer les esprits à plus d'un titre. D'abord parce que des propres mots du scénariste Travis Beacham, toute la frustration artistique, et le bouillonnement créatif accumulée par le réalisateur avec les productions avortées du Hobbit et At the mountain of madness trouvèrent un exutoire avec ce projet, qui ferait office de catharsis aux cinq années de disette séparant Pacific Rim du sublime Hellboy 2 - Les légions d'or maudites, son précédent film.

De plus, c'est la première fois de sa carrière que Del Toro accède à un budget de cette ampleur, et sachant que le bonhomme est connu pour réaliser des films qui donnent le sentiment d'avoir couté deux fois leur budget de production, on n'ose à peine imaginer ce qu'il est capable de faire avec un nombre de zéros pareil sur le chèque (on parle de 200 millions de dollars) . Une perspective d'autant plus réjouissante que le tournage a l'air de s'être déroulé dans une harmonie absolue entre le réalisateur et la Warner (qui a déjà commandé l'écriture d'une suite), preuve du respect et de la confiance dont bénéficie Del Toro à Hollywood.

Ajoutez à cela un casting audacieux et perspicace (l'excellent Charlie Hunnam dans le rôle du jeune héros lessivé par la guerre, le magnétique Idris Elba dans le rôle du commandant fort en gueule, discours guerrier à l'appui), on comprend que le cinéaste a réellement décidé de frapper un grand coup. Surtout lorsqu'il déclare que le trailer ayant enflammé la toile la semaine dernière s'apparente à Retour à Howards Ends en comparaison de ce à quoi ressemblera le résultat final ! Les hostilités démarrent le 17 juillet 2013.

 

Elysium de Neill Blomkamp (sortie le 14 août 2013)

En voilà un qui se fait désirer. Prévu initialement en mars, le deuxième film du surdoué Neill Blomkamp a été reporté en août, visiblement dans le souci d'affiner une postproduction que l'on imagine conséquente. Propulsé sur le devant de la scène suite au carton de District 9, le protégé de Peter Jackson ne semble toutefois pas avoir changé son fusil d'épaule suite à son passage Outre-Atlantique avec Elysium, à en juger par les informations distillées au compte-goutte dans un marketing viral du plus bel effet, et surtout au vu des quelques photos de tournages mises en ligne, dans lesquelles un Matt Damon chauve arbore un fusil visiblement combiné organiquement avec son corps.

L'histoire nous emmène en 2159, où l'aggravation des inégalités sociales a conduit le monde à se scinder en deux : les très riches d'un côté, qui vivent dans une station spatiale nommée Elysium, et les autres, condamnés à vivre sur une Terre ruinée et surpeuplée. A l'instar d'Upside Down, Blomkamp se réapproprie la métaphore de la tour d'Ivoire pour accentuer son propos, même si après District 9, qui partait de sa parabole politique pour dériver vers un questionnement de la notion même d'humanité à travers le parcours de son antihéros, progressivement déchu de ses droits à mesure que se poursuit sa mutation , on peut avancer sans trop risquer de se tromper qu'Elysium ne s'en tiendra pas à un discours lénifiant sur l'avenir de la lutte des classes.

Conviction renforcée par les photos de Matt Damon (décidément très prisé pour jouer les M. Tout le monde contraint de supporter une responsabilité qu'il cherche à fuir), dont le rôle du quidam investi d'une mission trop importante pour lui, à l'issue déterminante pour l'avenir de l'ordre social en cours, évoque immédiatement le destin tragique du Sharlto Copley de District 9 (qui retrouve le réalisateur, cette fois pour tenir la place de méchant), dont l'iconisation progressive se payait au prix d'une métamorphose organique douloureuse.

Chez Blomkamp comme chez les grands cinéastes de SF, les interrogations liées à la place de l'homme dans le temps et dans l'espace constituent la moelle épinière des élans dionysiaques du genre. Nanti d'un casting solide (outre Damon et Copley, on retrouvera également Jodie Foster, dont le rôle d'une française chargée de réguler l'immigration vers Elysium ( !), et William Fichtner), le film se révélera dans les salles le 14 août 2013.


Riddick :Dead man stalking,de David Twohy

Celui-là, il s'est fait attendre. Véritable arlésienne dont l'existence était entretenue depuis 8 ans par un Vin Diesel s'ingéniant à distiller les informations sporadiques sur le retour de son personnage fétiche, ce troisième épisode de Richard B. Riddick, l'assassin le plus redouté du système solaire, est ce qu'on pourrait appeler un véritable rescapé du système. Petit rappel des faits : en 2000 sort Pitch Black, de David Twohy, série B monstrueusement efficace renvoyant aussi bien à Alien qu'aux films de John Carpenter, introduisant Riddick, figure d'anti-héros puissamment iconique incarné par un jeune inconnu au magnétisme proportionnel à son tour de bras : Vin Diesel. Catapulté au rang d'action star après les succès de Fast and furious et xXx, Diesel possède désormais la possibilité de monter un film sur son seul nom, et ce qui ne devait être qu'un film d'horreur autonome jette désormais les prémices d'une mythologie à part entière, élaborée autour du personnage principal de Pitch Black par Diesel et David Twohy, qui y voient la chance d'imposer une nouvelle franchise populaire dont ils seraient les seuls instigateurs.

Malheureusement, Les Chroniques de Riddick n'obtient pas le succès escompté, et cet ambitieux space-opéra, destiné à lancer une saga au croisement de la science-fiction et de l'héroïc fantasy (genre particulièrement prisé par Diesel, qui rêvait d'incarner Aragorn dans l'adaptation du Seigneur des anneaux de Peter Jackson) subit le destin inverse de Pitch Black, et semble condamné à demeurer une aventure sans lendemain. Pas écouragé pour autant, Diesel s'accroche à son personnage, et certains signes semblent susciter l'espoir de voir une suite débarquer. D'abord le chiffre astronomique des ventes de DVD, qui demeure encore aujourd'hui le record du catalogue Universal. Ensuite, pour relancer une popularité retombée en berne, Diesel retourne à la franchise Fast and Furious avec le succès populaire que l'on sait.

Finalement, courant 2011, le début du tournage est enfin annoncé, avec les retours de Diesel dans le rôle titre et de Twohy au scénario et à la réal. Cette fois, Riddick est trahi et laissé pour mort sur une planète inconnue. Apprenant à survivre au sein d'un environnement hostile, peuplé de monstres et nanti d'un climat extrême, Riddick devient de plus en plus fort et dangereux, prêt à déchaîner sa vengeance alors que des chasseurs de primes se lancent à sa poursuite...

Il est évident que la modestie du budget alloué pour cette suite (on parle d'environ 40 millions de dollars, condition sine qua non pour obtenir un classement R) aura influé sur les projets de Twohy et Diesel, qui revoient clairement leurs ambitions à la baisse ici. Point d'exploration de la planète Furya à prévoir donc, mais un retour aux sources énervé et brutal, que Diesel annonce dans la veine de Training Day (pour la description du groupe de mercenaires). Très actif sur Facebook, l'acteur a multiplié les photos de tournage et dessins de production à l'intention de ses fans, laissant présager l'apogée d'un Uber-Riddick qui pourrait bien asseoir un peu plus l'importance du personnage dans le paysage populaire, à plus forte raison dans une période où Hollywood éprouve tant de difficultés à inventer des icônes contemporaines marquantes.

Dead Man Stalking compte également à son casting Karl Urban (qui revient en Lord Vakoo) Katee Sackhoff, Jordi Mollà, et le scénario de deux suites seraient déjà prêt à être tourné en cas de succès de celui-ci. Le film sortira dans les salles américaines le 6 septembre 2013 aux Etats-Unis, la France ne bénéficiant toujours pas de date de sortie pour le moment.

 

La Stratégie Ender, de Gavin Hood (sortie le 6 novembre 2013)

Avec son casting mettant la présence de ses jeunes ados/pré-adultes en avant (dont l'excellent Asa Butterfield, vu dans Hugo Cabret de Scorsese), son sujet (des enfants sont formés dans une école d'officiers d'élite afin que les hauts gradés chevronnés qui les forment repèrent le surdoué susceptible de remporter une guerre ravageuse menée contre une race d'insectes belliqueuse), et son réalisateur serpillère (Gavin Hood, responsable d'un Wolverine nul à faire caca par les yeux), difficile de ne pas voir Ender's Game comme une nouvelle tentative de franchise susceptible de racoler le public adolescent des Twilight et Hunger Games, d'autant plus que c'est Summit Entertainment, (producteur des Twilight), qui allonge la monnaie.

Toutefois, on peut entretenir les raisons d'espérer : le roman dont s'inspire le film, publié en 1985 par Orson Scott Card, est souvent cité en référence dans le domaine de la SF littéraire, et n'entretiendrait donc que très peu de rapports avec les romans formatés pour midinettes adeptes des courriers du cœur qui est à l'origine des adaptations précitées. Ensuite, on peut se dire que le réalisateur Gavin Hood a su un temps délivrer une jolie chronique de l'enfance avortée par un contexte délétère avec Mon nom est Tsotsi.

Reste qu'on voit mal comment le cinéaste pourrait échapper au nivellement par le bas artistique qu'impose le dévoiement de l'imaginaire d'un genre, lorsque celui-ci est vampirisé par le narcissisme d'une génération qui n'en peut plus d'être brossée dans le sens du poil de ses questionnements existentialo-profonds-t'as vu, surtout avec le duo Alex Kurtzman/Roberto Orci (Transformers 1 et 2, Star Trek, Cowboys et envahisseurs) au scénar. Sortie le 6 novembre 2013 en France, le film compte également Harrisson Ford et Ben Kingsley au casting.

 

Gravity, d'Alfonso Cuaron

On garde le meilleur pour la fin, où en tout cas le plus mystérieux, puisque malgré un tournage terminé voici un an, nous n'avons toujours ni trailer, ni photo de tournage, ni concepts-arts, ni même de date de sortie à nous mettre sous la dent. Tout juste une histoire (George Clooney et Sandra Bullock incarnent deux spationautes dont la navette s'enfonce à la dérive dans l'espace) et des déclarations qui font monter la pression, tels ces chuchotements dans la foule annonçant de manière brouillonne mais sans équivoque l'imminence d'un cataclysme.

Dans le cas de Gravity, les énumérer constituerait un labeur des plus fastidieux, mais citons quand même cette déclaration de Guillermo Del Toro qui, tout en se répondant en louanges sur le travail d'Alfonso Cuaron, révèle que James Cameron lui-même, aka l'homme qui soulève des montagnes, se serait rendu sur le tournage et aurait déclaré impossible le défi que se serait lancé Cuaron et le directeur de la photographie Emmanuel Lubezki, avant de se raviser ! Ou encore cette chronique d'un rédacteur du site Ain't it cool news, qui serait parvenu à s'incruster à une projection-test, déclarant que le film fait passer Avatar pour une œuvre tournée en même temps que Le chanteur de jazz.

Voilà tout ce qu'on sait pour l'instant sur Gravity, véritable puits à fantasmes depuis l'annonce de sa mise en chantier, notamment au vu de la précédente incursion de Cuaron dans la SF avec le mémorable Les Fils de l'homme (soit le found-footage terminal). Le cadre semble d'ailleurs ici à l'exact opposé de celui de son précédent film, puisqu'à son héros balayant à travers son parcours toutes les étapes d'un monde en train de s'éteindre, Cuaron situe là son intrigue dans le vide infini et absorbant de l'espace, dans lequel deux personnages menacent de perdre définitivement.

Tourné en 3D avec des plans-séquences annoncés comme révolutionnaires, le film devrait cristalliser comme jamais l'un des tournants majeurs de l'humanité (justifiant l'existence même du genre comme catharsis à ses incertitudes), à savoir la petitesse de l'homme dans l'univers, à travers une mise en scène prompte à susciter la claustrophobie paradoxale chez des personnages isolés dans leurs doutes existentiels. Mais difficile de se livrer à autre chose que de la spéculation devant ce qui s'annonce comme une expérience sensitive hors du commun, dont l'épure graphique extrême ne devrait avoir d'égal que l'angoisse fascinante procurée par la dérive de ces héros dans une nuit sans fond.

Burnout annoncé pour cette année sans informations supplémentaires, pour un film qui semble autant enthousiasmé la Warner que la rendre dubitative quant aux moyens pour promouvoir une proposition de cinéma aussi radicale et novatrice. Un début de réponse que l'on espère pour très bientôt.

 

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