Suites, remakes, reboot : Seulement une question d'argent ?

Perrine Quennesson | 14 décembre 2012
Perrine Quennesson | 14 décembre 2012

Actuellement, dans les salles de cinéma, on a la sensation de ne voir que ça : des reboots, des remakes, des préquelles ou autres séquelles... Une situation qui effraie un peu tout le monde quant au potentiel créatif d'Hollywood notamment. Mais, il est bien facile de blâmer l'industrie du cinéma quand nous aussi sommes un peu responsables de la situation. En effet, s'ils le font, c'est que ça marche. La preuve, cette année, les films "originaux" tels que Battleship ou John Carter se sont sacrément ramassés au box-office. Certes, ils n'étaient pas excellents mais ils n'ont pas su éveiller une vraie curiosité doublée d'un réel engouement. Indéniablement, le grand public a besoin de chemins déjà tracés. Ceci étant dit, il faut aussi se l'avouer, nous ne sommes pas plus dupes que les autres : les studios et les réalisateurs savent que capitaliser sur ces succédanés d'œuvres cultes est une activité très rentable. Donc la plupart du temps, leur réalisation est motivée par l'argent. Mais n'y-a-t-il pas d'autres raisons parfois ? Moins cyniques ? Ecran Large a fait taire la tirelire pendant 5 minutes et a cherché 10 autres explications, exemples à l'appui.

 

The Hobbit : confort et expérimentation

Ce dossier est en grande partie motivé par la sortie de The Hobbit. Peter Jackson retrouve l'univers qui l'a fait connaître de façon planétaire. Le Seigneur des anneaux était, à l'époque, une œuvre dantesque : des nouvelles technologies avec l'exploration de la performance capture, un tournage de plusieurs années pour faire les trois films en temps, une équipe, sur le tournage, aussi grande que la population de la Moldavie (on exagère un peu), bref, ce fut un événement pour une trilogie instantanément culte. Depuis, le réalisateur a fait un bout de chemin et explorer de nouvelles pistes. Avec King Kong, il continue de développer la performance capture, un succès, puis, avec Lovely Bones, ce sont plutôt des expérimentations esthétiques qui se solderont par un échec au box-office. Alors pourquoi ne pas retourner vers la zone de confort ? Même si d'autres réalisateurs (Guillermo Del Toro, par exemple) s'y sont frottés, Jackson était toujours derrière le projet The Hobbit et a finalement décidé de s'y lancer. Même charte graphique, même univers que lui-même avait créé, il est dans sa bulle avec, tout de même, l'épée de Damoclès de l'attente des fans au-dessus de la tête. Mais il y a un côté rassurant à savoir ce qu'on attend de lui esthétiquement et scénaristiquement, cela lui laisse le champ libre pour continuer à expérimenter les nouvelles technologies. A commencer par ce fameux HFR et ses 48 images/s. 

 

Prometheus : le come-back

Depuis Blade Runner, Ridley Scott n'avait plus approché la science-fiction et c'est pourtant ce genre qui avait fait sa gloire avec, en 1979, Alien, le huitième passager et Blade Runner en 1982. Bon, cette fois, il est un peu dur d'exclure l'argent dans ce retour vers la SF, bien commode en période de floraison des préquelles, mais on peut aussi imaginer que le réalisateur de Gladiator ait voulu, à 75 ans, faire une sorte d'hommage aux fans (voire récupérer des fans) de la première heure. L'ennui est que Prometheus a suscité une telle attente qu'il a forcément déçu à sa sortie. Ici pas de sentiment de paranoïa, de confinement ou de lumière branlante : le film manque d'atmosphère. Si Prometheus n'est pas réellement une préquelle d'Alien (selon Scott), il se situe dans le même univers et donne des explications sur la même mythologie. La rumeur dit que le réalisateur essaierait de relier Blade Runner et Alien. Ce serait alors une fusion de deux des œuvres les plus célèbres du cinéaste mais reste à savoir si l'addition du culte n'aura pas l'effet d'une soustraction.

 

La Momie : retour aux sources d'un studio

Qu'est-ce qu'ont en commun La Momie de 1932 et celle de 1999 ? Elle raconte la même histoire et sont toutes les deux produites par Universal. En effet, la Momie de 1932, c'était la grande époque des monstres d'Universal (qui fête actuellement ses 100 ans), ces films à petit budget, produits en série avaient un véritable succès jusque dans les années 60. Après une légère perte de vitesse, Universal a décidé de revenir aux monstres dès 1975 avec les Dents de la mer mais dans les années 90, le studio fait carrément un retour aux sources en "remakant" ses propres films de monstres. Un moyen de revenir aux heures de gloire. Ce fut le cas avec la Momie. Mais l'intelligence fut de faire un remake dans l'air du temp des années 90, afin de moderniser le mythe. Ainsi de film d'horreur assez lent, il devient un film d'action dans le style d'Indiana Jones, très porteur à l'époque. Et, on obtient, selon l'auteur de ces lignes, l'un des meilleurs films des 90's (NDLR/ Perrine, tu es seule sur le coup à la rédac).

 

Funny Games : passer un message à l'international

En 1998, Michael Haneke sort Funny Games avec un casting allemand. L'histoire est celle d'une famille prise en otage par un duo sadique. Et cela termine très mal. Mais le vrai but du film, pour Haneke, est de dénoncer la gratuité de la violence, notamment dans les films américains. Et il espère que son message va résoner outre-Atlantique. Sauf que les américains ne s'intéressent guère aux films étrangers et celui-ci passe donc à l'as. 10 ans plus tard, Haneke décide de retenter sa chance. Il réalise alors Funny Games U.S avec un casting américain. Aucune évolution, c'est plan par plan le même film, pour un même message. Mais, pas de chance, le film, un tantinet moralisateur, fera un flop aux Etats-Unis. Quand ça ne veut pas, ça ne veut pas.

 

The Amazing Spider-man : ne pas perdre les droits

 

Pour Amazing Spider-man, c'est une autre paire de manches. A peine 10 ans après le premier Spider-man par Sam Raimi, voici que débarque le reboot. Mais pourquoi ? A cause d'une histoire de droits. En effet, Marvel, dans le contrat pour l'utilisation de ce personnage par Columbia Pictures, a inclus une notion de temps. C'est à dire que s'il n'y a pas de film de cette franchise en cours de production après un certain temps (environ 30 mois, c'est-à-dire, à peu près, 2 ans et demi), Marvel récupère les droits. Et après l'abandon de Spider-man 4 en 2010, Columbia a dû réagir pour garder les droits de cette saga très rentable. Le studio a donc immédiatement lancé la production d'un reboot, ce qui lui permet de prolonger son contrat. Mais aussi de faire des économies car il n'a plus à payer Tobey Maguire  et Kirsten Dunst des millions pour leur cachet. Gagnant sur tous les tableaux.

 

La trilogie du Dark Knight : moderniser une franchise

Quand Christopher Nolan reprend la franchise Batman, celle-ci avait très mauvaise réputation. En effet, après les très bons films de Tim Burton, les délires fluo de Joel Schumacher avaient saccagé la saga. Batman, c'était un peu une bonne blague. Mais Nolan a décidé de reprendre tout depuis le début en faisant de son personnage une réflexion sur le super-héros et surtout en le raccordant à la réalité : Batman est devenu contemporain, sombre et moins gaguesque. Sans oublier le divertissement, Nolan a apporté une vraie densité aux personnages de comics créant le « blockbuster d'auteur ». Une recette qui a fait ses preuves, financièrement, montrant l'intérêt du public pour des films plus complexes. Tellement que, désormais, tout le monde veut faire pareil.

 

Les 4 Fantastiques : relancer une franchise

Bien qu'ils aient eu un succès relatif au box-office (620 millions de dollars à travers le monde en tout), les deux opus des 4 Fantastiques n'ont pas su convaincre ni les critiques, ni la fan-base des comics. Résultat, la franchise s'est endormie. Mais quand Disney/Marvel a montré son intérêt à récupérer les droits, la Fox s'est dit qu'elle ne pouvait en rester là et le reboot fut inévitable. C'est donc Josh Trank (Chronicle) qui va être chargé de relancer cette franchise en perdition. Quatre personnages fantastiques et cultes qui ne demandent qu'à ce que l'on s'intéresse à eux. Et peut-être pourrons-nous espérer un accord entre la Fox et Disney/Marvel afin de voir les 4 Fantastiques rejoindre la team des Avengers, ne serait-ce que le temps d'un épisode.

 

L'Homme qui en savait trop : pour s'améliorer

Voici une démarche plutôt intelligente et même humble. Refaire son propre film parce qu'on a conscience que l'on s'est amélioré depuis. C'est le cas d'Alfred Hitchcock avec son Homme qui en savait trop. Beaucoup de réalisateurs ont tenté d'américaniser leur propre film à Hollywood mais beaucoup se sont heurter à la barrière de la langue et des références. Ce qui n'a pas trop été un problème pour Hitchcock. En refaisant son film de 1934, en 1956, Hitch avait conscience d'avoir améliorer ses qualités de réalisateur entre temps. Mais ce n'est pas la seule chose qui fonctionne pour la version de 1956 : il y a le technicolor mais surtout le casting avec la crème d'Hollywood. En effet, James Stewart, qui a plus de charisme que Leslie Banks, et la chanson (qui a gagné un Oscar) de Doris Day « Whatever will be, will be » font de ce film une réussite, supérieure à l'original. De plus, le propos pré-seconde guerre mondiale de la première version, se transforme dans le second en contexte de guerre froide, ce qui permet, avec brio, à Hitchcock d'afficher l'évolution de ses opinions politiques. Brillant.

 

Frankenweenie : retour aux sources

Tim Burton est-il mort ? C'est la question redondante depuis plusieurs films du réalisateur d'Edward aux mains d'argent. Il se muséifie, ses thèmes prennent la poussière et il tourne en rond à la limite de l'hystérie : c'est, en somme, ce qu'on lui reproche. Et il semble que ce soit un peu pour faire taire les mauvaises langues que Tim a réalisé une version longue de Frankenweenie, un de ses premiers courts-métrages. Un retour aux sources comme pour montrer qu'il sait d'où il vient, ce qu'il a fait et qu'il sait toujours bien le faire, avec une certaine magie. Mieux, il y inclut des références aux films qu'il aime et qui l'ont inspiré. Un nouveau départ aussi ?

 

Star Wars VII : faire perdurer la franchise

La première saga (épisodes IV, V, VI) fut un tel succès est tellement culte qu'il était presqu'impossible pour George Lucas de ne pas continuer ce qui fut l'œuvre de sa vie. C'est donc un peu comme le fait Peter Jackson actuellement, que Lucas s'est relancé dans cette franchise en produisant et réalisant les épisodes I, II et III. Qui ne furent pas si bien accueillis par les fans : manque de souffle, incohérences et ratages, les films souffrent de multiples reproches. Depuis, Lucas avait un peu envie de lâcher le bébé. Et Disney, gros mangetout actuel, y a vu une aubaine (à 4 milliards, tout de même). On a essayé (à peu près) de rester à distance de l'argent jusque-là mais impossible cette fois-ci, tant cette volonté de faire perdurer la saga Star Wars sent un peu trop l'oseille (et ce, même si l'argent n'a, paraît-il, pas d'odeur) pour que l'on puisse trouver de véritables intentions créatives. Oui, c'est un peu pessimiste, nous en convenons.

 

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