Quand les acteurs sont aussi bons réalisateurs

Perrine Quennesson | 23 novembre 2012
Perrine Quennesson | 23 novembre 2012

Le cumul des mandats, une question récurrente en France. Est-ce bien d'exercer plusieurs mandats en même temps. Par exemple : un maire peut-il être aussi un député ou un ministre ? Dans le cinéma, c'est un peu la même chose, certains ne se contentent pas de n'avoir qu'une corde à leur arc et décident de se diversifier tout en restant dans le même milieu. Certains acteurs se lancent alors dans la réalisation. Avec plus ou moins de brio, d'ailleurs. Et à l'occasion de nos retrouvailles avec Clint Eastwood en tant qu'acteur dans Une nouvelle chance, Ecran Large s'est demandé quels étaient les 10 acteurs aussi bons devant que derrière une caméra ?

 

 

Ben Affleck

 

Déjà considéré, par certains, comme le successeur d'Eastwood derrière la caméra, Ben Affleck n'est pas le plus grand acteur de tous les temps mais a une carrière assez exemplaire. En effet, il a commencé par les petits films de Kevin Smith, plus indés,  comme Les Glandeurs, pour aller vers les grosses machines hollywoodiennes avec les blockbusters de Michael Bay comme Armageddon en passant par du cinéma plus d'auteur, même si relativement mainstream, comme Will Hunting de Gus Van Sant (qu'il a co-écrit avec Matt Damon). En clair, il fait le job. En réalisant Gone, baby, gone, son premier long-métrage, Affleck prouve qu'il a aussi l'étoffe d'un bon réalisateur. Et ses deux films suivants, The town et Argo, ne feront que le confirmer, montrant aussi une capacité de réflexion sur son cinéma qui le pousse à s'améliorer. La réalisation ? Plus qu'une envie, une seconde carrière.

 

Mel Gibson

 

Un homme surprenant que ce Mel Gibson. De façon positive ou non, la star est toujours là ou on ne l'attend pas. Comment le type charmant, sexy, marié de longue date et catho limite extrémiste de Ce que veulent les femmes peut-il également être ce fou enragé frappeur de dames ? Mais au-delà de sa vie personnelle, sa carrière est également une succession de surprises. Il est à la fois le vengeur de Mad Max, le flic comique de l'Arme fatale et l'homme en deuil de Signes. Le tout avec une même conviction. Et en tant que réalisateur, l'étonnement est permanent. Qui aurait pu prévoir l'envergure épique de Braveheart après le drame intimiste de l'homme sans visage ? Et l'immense succès de Braveheart ne laissait en rien entrevoir la violence biblique de la Passion du Christ. On peut ne pas apprécier l'homme, mais aucun doute que Mel Gibson sait jouer et réaliser. Un combo Le Bounty/Apocalypto et vous serez convaincus.  

 

John Cassavetes

 

C'est en tant qu'acteur que John Cassavetes débute sa carrière, au théâtre puis à la télévision. Mais c'est au cinéma qu'il se fait repérer. D'abord en tant qu'acteur, notamment dans Face au crime mais surtout après en tant que réalisateur avec Shadows. Et ces débuts en tant qu'acteur n'ont pas été qu'un moyen de commencer ni une simple carrière parallèle, c'est ce qui fait l'essence de son cinéma. Cassavetes ou le cinéaste qui place l'acteur au centre de son film. Laissant une grande place à l'improvisation, il donne tout le champ des possibles aux comédiens afin que ceux-ci puissent s'exprimer, inventer. Son expérience lui permet de les comprendre et de se lier avec eux au point d'en faire une seconde famille comme avec Ben Gazzara ou Peter Falk mais aussi avec sa femme Gena Rowland. John Cassavetes n'a pas seulement cumulé ou testé ces deux métiers : il a inventé un nouveau style qui aura eu une influence conséquente sur les réalisateurs à venir. L'exemple à suivre, le combo parfait.

 

Gene Kelly

 

L'homme orchestre.  Rien à voir avec Remy Bricka mais Gene Kelly savait tout faire : chanter, danser, jouer et réaliser. Dans un genre bien particulier, l'homme est, avec Fred Astaire, sûrement le roi de la comédie musicale. Que ce soit chez les autres comme dans Un Américain à Paris de Vincente Minnelli ou dans ses propres films avec le culte Chantons sous la pluie (co-réalisé avec Stanley Donen), Gene Kelly illumine, invente et devient un mètre étalon en la matière. Avec ses films, en tant qu'acteur et réalisateur, il a imposé un style et changer le regard de la société sur les danseurs masculins et amena la danse dans la quotidien et pas seulement comme un art cantonné à la scène. Une référence.

 

Sylvester Stallone

 

Il est l'homme d'action par excellence. Héros des eighties, Sylvester Stallone est, en tant qu'acteur, l'homme fort, celui sur qui l'on peut compter mais également le renégat en lutte contre une société qui le rejette ou qui le diminue. Il va pousser cette logique assez loin pour friser la caricature dans les années 90. Mais c'est en tant que réalisateur qu'il parvient à réfléchir sur son personnage. D'abord, soit en le poussant dans les limites du genre comme avec tous les Rocky ou en donnant une autre version de mâle, tout en muscle mais aussi en souplesse dans Staying alive avec un John Travolta en danseur "ramboesque" sur l'affiche. Mais c'est à partir de Rocky Balboa que Stallone revient sur les rôles qui ont fait sa notoriété et les met en scène dans un contexte actuel en faisant soit des outsiders, soit des has-beens de retour sur le ring. L'action man est mort ! Vive Stallone !

 

Robert Redford

 

En tant qu'acteur et réalisateur, Robert Redford a su parler de ce qui semble être ses deux grandes passions (en plus du cinéma) : la nature et la politique. Célèbre pour son physique, ô combien parfait, et son jeu, ô combien juste, il est également l'homme des grands espaces allant de Out of Africa à L'homme qui murmurait à l'oreille des chevaux en passant par Et au milieu coule un rivière. Une nature dans laquelle l'homme avec ses querelles, ses soucis, paraît presque minable et devrait prendre exemple sur la tranquillité et la capacité de réinvention de cette dernière. Mais il y a également la politique. A travers sa carrière, que ce soit chez d'autres réalisateurs ou dans sa propre filmographie, Redford questionne en permanence les bienfaits et les méfaits mais aussi les rouages de cette création humaine et ceci dans tous les domaines (gouvernemental, médias, sport). C'est ce qu'on appelle du talent dans la régularité.

 

Ben Stiller

 

Au niveau de la comédie, Ben Stiller reste une référence. En tant qu'acteur, il s'est d'abord fait connaître pour ses apparitions télé puis pour ses rôles au cinéma avec le Frat Pack. Il est souvent le type normal, basique mais qui n'a pas de bol. Machines à attirer les ennuis malgré eux, ses personnages sont souvent entrainés dans des histoires rocambolesques voire déjantées. Avec son visage de type normal, presque "droopyesque", il attire la sympathie, la compassion mais également l'hilarité. Un rôle qu'il tirera vers le dramatique dans Greenberg. Et ce travail de comédie, il le développe également dans ses propres films où il semble en étudier les différentes facettes. Souvent les personnages de ses longs-métrages sont des types brisés voire malheureux qui trompent leur mélancolie avec une absurdité comportementale. Mais son travail d'acteur, il en dépeint également les travers (et ceux d'Hollywood au passage) dans son chef d'œuvre de drôlerie et de massacre en règle : Tonnerre sous les tropiques. Attention comique qui pique.

 

Charles Laughton

 

L'homme d'un seul film. Ou pour être plus juste, le réalisateur d'un seul film mais le visage de tant d'autres. En effet, en tant qu'acteur Charles Laughton est mythique. Avec son physique assez ingrat (« J'ai un visage qui arrêterait un cadran solaire » disait-il, un peu dur avec lui-même tout de même), il incarne souvent le monstre. Un monstruosité morale (Néron dans Le Signe de la croix de Cecil B. DeMille) ou plastique (Quasimodo de William Dieterle) qu'il a su digérer et comprendre. Car pour en arriver à ce chef d'œuvre, qui est, de surcroît, son seul film, Laughton a dû apprendre à cerner ce qu'était l'abomination à travers les rôles qu'il a joué. Son film ? La nuit du chasseur. Œuvre inclassable, subtile tendant vers le cauchemar, ce long-métrage n'a pas rencontré le succès à sa sortie, ce qui a découragé Laughton de repasser derrière la caméra. Dommage.

 

Ida Lupino

 

More than a woman. Ida Lupino, c'est d'abord une actrice anglaise, talentueuse, elle arrive à Hollywood, vendue comme la Jean Harlow anglaise. Dans les années 30, elle est blonde platine (c'est la mode) et joue des rôles d'ingénues mais c'est dans les années 40, redevenue brune, qu'elle se fait vraiment remarquée, notamment en 1941, avec Une femme dangereuse de Raoul Walsh. A partir de ce moment-là, elle jouera des femmes malheureuses, fortes voire fatales. Mais Lupino n'est pas du genre à se contenter des stéréotypes et devient l'une des rares femmes réalisatrices de l'époque. Mais aussi une féministe presqu'avant l'heure puisque la plupart des films qu'elle réalise s'intéressent à la victimisation des femmes. On retiendra notamment Outrage (1950) qui parle des conséquences du viol sur une jeune fille mais aussi Le voyage de la peur (1953), avec lequel elle deviendra la première femme à réaliser un film noir, ou encore Bigamie (1953) qui a l'intelligence de ne pas juger hâtivement les protagonistes de l'histoire mais de plutôt mettre en avant les raisons qui les ont poussé à en arriver là. Un modèle.

 

Woody Allen & Co

 

Ces réalisateurs ont d'abord été acteurs (ou alors ont débuté leur carrière de réalisateur en même temps) chez d'autres cinéastes mais ils ont en commun la particularité de s'octroyer régulièrement (voire tout le temps) le premier rôle dans leur propre film. Il s'agit, par exemple, de Woody Allen, Nanni Moretti, Roberto Benigni ou encore Charlie Chaplin.  Ils déclinent leur personnalité à travers leurs personnages et font des variations sur un même thème qui est eux-mêmes. Un développement un peu thérapeutique voire narcissique mais qui les met à part. D'ailleurs quand d'autres réalisateurs les engagent, c'est souvent pour retrouver ce qu'ils incarnent habituellement dans leurs films. Ils sont de bons acteurs mais également de bons réalisateurs et leur style devient particulièrement reconnaissable au point de presque devenir des genres à part entière comme c'est le cas pour Allen ou Chaplin. Et moi, et moi, et moi...

 

 

 

 

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commentaires
Giraya
18/10/2014 à 21:11

C'est bon a savoir tout ca