Festival des Antipodes 2012, jour 1

Louisa Amara | 19 octobre 2012
Louisa Amara | 19 octobre 2012

Ravie de quitter la grisaille parisienne pour retrouver le soleil de la Côte d'Azur et sa sélection de films des Antipodes, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Anne, la merveilleuse attachée de presse qui s'occupe de tout, m'avait dit que je serais dans le même avion que les membres du jury, mais j'ai eu une belle surprise. Alors que la Loi de Murphy, qui me poursuit, me colle souvent un bébé hurleur comme voisin de vol, j'ai eu le plaisir de voir Caterina Murino s'assoir à côté de moi. Charmante, naturelle, je l'ai laissé se reposer et j'ai pu voir les regards salaces que certains des voyageurs lui lançaient.  C'est ça aussi la vie de James Bond girl, faire fantasmer tout le monde, y compris les quinquas ressemblant à Ernest Antoine Seillière. Brrrr.


Bien arrivée à Saint Tropez, on commence par un documentaire poignant  Murundak, songs of freedom  sur une troupe de chanteurs, le « black arm band » qui sillonne l'Australie et le monde pour raconter en chansons l'histoire du peuple aborigène, et en particulier de la Génération Volée.  Durant près d'un siècle jusqu'en 1969 environ, des milliers d'enfants aborigènes ont été enlevés à leur famille, décision des gouvernements australiens successifs. Le but était de les intégrer à des familles blanches pour qu'ils oublient leur langue, leur culture, et même leur couleur de peau. Ces enfants sacrifiés se sont enfuis parfois, devenant des SDF, déracinés, ne sachant pas comment retrouver leurs familles. Des familles entières ont été ainsi marquées à jamais par ces enlèvements. Un film très émouvant, une véritable leçon d'Histoire, de courage, la lutte pour la liberté des aborigènes fait écho à celle des noirs américains pour les Civil Rights. On ne peut que féliciter Bernard Bories, l'organisateur du festival, d'avoir choisi ce film pour la sélection Antipodes Junior. Les lycéens, collégiens de la commune étaient invités à cette projection. Evidemment certains ont chahuté, parce que les ados aujourd'hui sont parfois d'une bêtise consternante, mais selon Bernard Bories, faisant sienne la devise de Wim Wenders, explique : « si le film a pu toucher et apprendre quelque chose à un seul ado dans cette salle, je m'estimerai déjà heureux ». Ayant un cerveau, un cœur, et une éducation, j'ai été très touchée par ce film, où chaque artiste peut raconter son histoire à travers une chanson et un témoignage. C'est un spectacle unique et marquant de voir ces chanteurs noirs, métis, blancs, tous unis sur scène pour chanter l'histoire des aborigènes, devant leurs concitoyens ou même à Londres, devant les descendants des colonisateurs.  Ce film est déjà mon coup de cœur, mais il n'y a pas encore de prix du docu, à étudier pour l'an prochain peut-être ?

 

 

Petite pause après toutes ces émotions, et on enchaine avec  The Hunter  avec Willem Dafoe, Sam Neill, et Callan Mulvey alias Drazic de la série Hartley, cœurs à vif. On a toutes eu un poster de lui dans notre chambre, les filles ! Quel plaisir de le voir jouer le méchant, face à Willem Dafoe, visage toujours aussi émacié, à mesure que les années passent. L'histoire est celle d'un chasseur payé pour capturer le dernier tigre de Tasmanie, animal mythique dont le venin vaut de l'or. Il en resterait un seul dans la jungle de Tasmanie. Autant vous dire que lorsque Willem Dafoe débarque et dit qu'il va observer le diable de Tasmanie, autre espèce, plus courante, j'ai forcément penser à Taz.

 


 

Mais le sourire s'efface vite face à cette fable assez ennuyeuse. Le réalisateur a beau tenter d'y injecter une gentille histoire avec une famille dont le père a disparu, à laquelle Willem Dafoe s'attache, on s'ennuie pas mal. Et oui, la chasse, c'est chiant. C'est pas pour rien qu'Histoires naturelles passaient à 3h du mat sur TF1. Poser des pièges, attendre des heures sa proie, ce n'est pas très cinégénique.

 

Petite pause pour becqueter, oui car en festival, on mange à des heures indues, le cocktail dînatoire n'étant prévue qu'après 23h30, je recharge les batteries. Fin prête pour le 2e film en compétition officielle de la journée,  Careless love  de John Duigan, que j'interviewerai demain. Le film raconte le quotidien d'une étudiante australienne d'origine viet-namienne, escort girl occasionnelle pour aider sa famille qui risque de perdre sa maison, à cause du chômage technique du père, difficile de rembourser le prêt. Une histoire très contemporaine donc, les expulsions, les subprimes, n'étant pas réservés aux seuls américains, malheureusement.

Le film est très bien documenté. Les clients sont variés, en âge, origine, physique, motivations. Enfin on sort du cliché des vieux clients dégoûtants qui composeraient la majorité de la clientèle des prostituées. C'est totalement faux, et enfin un réalisateur l'a compris. Les dangers, le mépris, qu'affronte l'héroïne sont très réalistes. La double vie qu'elle doit mener, les mensonges qui la tourmentent, tout est très parlant. L'actrice, la jeune Nammi Le est excellente, à la fois douce, touchante,  et forte. Thierry Fremaux devrait montrer ce film à Abbas Kiarostami qui a réalisé sur le même thème Like someone in love, catastrophe cinématographique fraichement accueillie, à juste titre, à Cannes.

Le réalisateur et son actrice ont répondu aux nombreuses questions du public, visiblement fasciné par le sujet, et touché par le film.

 

Le nouveau coup de coeur de Louisa : Dan Sultan

 

 

Après un cocktail dinatoire, enfin, retour à l'hôtel, pour une bonne nuit de sommeil où je vais rêver d'Antipodes et de Dan Sultan, sublime chanteur métis à la voix rauque, il a capté l'attention des spectatrices. On l'invite l'an prochain ? Rdv demain pour une grosse journée de projections et d'interviews. 

 

Mareva Galanter et  Caterina Murino (membres du jury)

     Les coups de coeur à distance des membres masculins de la rédaction

 

 

 

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