Compte-rendu de Dinard 2012 : la jeunesse c'est bien sauf pour un vin

Perrine Quennesson | 8 octobre 2012
Perrine Quennesson | 8 octobre 2012

Le festival de Dinard, c'est un peu le Royaume-Uni qui fait le déplacement en France, pour de vrai : des accents à couper au couteau, beaucoup d'alcool, de la pluie et une bonne ambiance. C'est visiblement cette atmosphère si particulière qui commence sérieusement à attirer beaucoup de monde. Sérieusement oui, car cette année, aller voir des films, ce n'était pas seulement se pointer devant une salle à l'heure dite et rentrer. Non c'était « Cannes' style » : il fallait faire la file ! Victime de son succès, le festival a donc promis d'ouvrir une nouvelle salle l'an prochain. De bon augure donc pour les années à venir.

 

 

Bon augure ce n'est peut-être pas l'expression qui conviendrait au Royaume-Uni d'aujourd'hui quand on voit son cinéma traiter de sujets sociaux aussi difficiles. Entre générations sacrifiées, héritages du passé trop encombrants et nihilisme ambiant, difficile d'y voir un coin de ciel bleu. Et pourtant parmi tout cela, il y a tout de même un espoir : la jeunesse. Et c'est cette jouvence qui porte le cinéma britannique à travers ses thématiques mais aussi ses protagonistes, acteurs ou réalisateurs.

La jeunesse s'est affichée dès l'ouverture du festival grâce au film gallois Hunky Dory de Marc Evans. L'histoire s'intéresse à un professeur de théâtre qui, lors de l'été 76 où la canicule et l'apathie des éléves règnent, va motiver ses troupes à monter La tempête de Shakespeare sous forme de musical avec des chansons de l'époque. En particulier du David Bowie, celui-ci traverse le film, jusqu'à son titre. Un exemple pour des jeunes en pleine recherche d'eux-mêmes et acceptation du changement. Avec de belles thématiques sur l'adolescence,  les premières prises de conscience liées au passage à l'âge adulte ou encore la confrontation entre passéisme et modernité, Hunky Dory n'arrive pourtant pas à convaincre. Jamais, si ce n'est la dernière scène, ces jeunes parviendront à nous toucher, cette prof à nous motiver : le film est malheureusement assez plat malgré des chansons connues qui auraient dû nous donner envie de lever les bras et non de les croiser.

 

De la musique qui enchante les cœurs, c'est plutôt du côté de Good Vibrations de Glenn Leyburn qu'il faut aller la chercher. Dans le Belfast des années 70, on retrouve un doux idéaliste pris entre deux feux lors des Troubles, les confrontations protestants vs catholiques. Ses amis ayant pris les armes, lui, il choisit la rue qui est le plus souvent le théâtre des exactions afin d'y ouvrir son magasin de disques. C'est là qu'il va découvrir le Punk mais aussi, à travers ce courant, une jeune génération qui ne veut plus être définie par sa religion mais par son talent. Des p'tits jeunes qui n'en veulent que Terri Hooley, le personnage principal, va prendre sous son aile, au risque d'y laisser sa chemise, afin de leur permettre de toucher leur rêve. Léger, rythmé et drôle, Good Vibrations multiplie les bonnes idées de mise en scène et les morceaux catchy pour nous entrainer dans ce véritable tract irlandais pro-paix. Malheureusement, le film semble parfois trop se focaliser sur son personnage central (qui a réellement existé) et délaisser le contexte. Au point qu'on en vient à croire que les punks sont plus pacifiques que des hippies.

 

Le contexte politico-social de l'Irlande est un sujet qui n'en finit pas d'inspirer les cinéastes du Royaume-Uni comme c'est le cas de James Marsh avec son brillant Shadow Dancer. On y croise Colette, une ravissante brunette qui a grandi à Belfast dans une famille activiste de l'IRA. Arrêtée après un attentat raté à Londres, elle se retrouve devant un choix cornélien : faire 25 ans de prison et dans ce cas perdre son fils ou rentrer et espionner sa famille. Elle choisit la seconde option. Drame et règlements de comptes en famille, Shadow Dancer est filmé comme un polar nordique avec une froideur pétrifiante et une tension permanente. De longs plans descriptifs semblent dire que l'on maitrise la situation alors que dans l'ombre, le réalisateur nous manipule intelligemment. Au-delà d'une histoire poignante et bien ficelée, la réussite du film vient aussi de ses acteurs avec, en tête, une Andrea Riseborough affectée et sublime.

 

Autre film, autre contexte, même sensation de déterminisme dans Ill Manors de Ben Drew (alias Plan B). Tout semble commencer d'une banale histoire de vengeance. Kirby sort de prison et décide de faire payer ceux qui lui ont manqué de respect. Mais son ex-protégé (qu'il a souvent maltraité) est désormais plus puissant que lui. Drogues, viols, meurtres : c'est un déchainement de violence dont nous, spectateurs, sommes les témoins privilégies et marqués. Le film se compose comme une succession de destins qui semblent découler les uns des autres. La bonne idée d'Ill Manors est de nous montrer, à froid, une situation perturbante et, en chanson, de nous expliquer comment on en est arrivé là. Le film donne cette impression d'une mise en images d'un album de rap et où le lien entre les chansons se ferait par des séquences filmées. Ce procédé-là est véritablement réussi. Mais le film a tout de même un aspect misérabiliste où la spirale du pire est enclenchée avec une volonté d'exhaustivité peu intéressante ni subtile. Reste quelques séquences qui ne peuvent pas laisser indifférent.

 

Si les jeunes d'Ill Manors se sentent coincés sans véritable issue de secours, ceux de Wasteland ont bien décidé de ne pas se laisser abattre. Dans une ville ouvrière en crise, un jeune homme est en plein interrogatoire. Sérieusement blessé au crâne, il raconte à un policier sa version des faits quant à un casse commis quelques heures plus tôt. Film de copains, film de casse, ce Ocean's eleven du prolétariat est avant tout le portrait d'une génération sacrifiée qui n'a pas envie de se fourvoyer dans le crime mais qui l'utilise pour obtenir une vie meilleure. Une vie où ils auront un travail honnête, où le destin ne semblera pas s'abattre sur eux mais au contraire où ils pourront faire des choix. Fin d'une adolescence, début d'une prise de conscience. Ces gamins mis en pause redécouvrent la joie d'avoir un but et de s'y atteler. Très d'actualité, Wasteland de Rowan Athale, s'il n'est pas révolutionnaire, n'en oublie pas d'être assez juste. Et drôle aussi.

 

Enfin, hors compétition, c'est un anniversaire qui a donné naissance à un excellent documentaire. Everything or nothing de Stevan Riley raconte l'histoire de James Bond pour son 50ème anniversaire. En partant de la création du personnage par Ian Fleming, le réalisateur retrace toutes les péripéties, les victoires et les défaites, qui ont fait des films, cette saga qui perdure encore. La vraie force de ce documentaire est de raconter les faits comme s'ils étaient une fiction. Ainsi avons-nous l'impression de voir une bromance (les producteurs Harry Saltzman et Albert "Cubby" Broccoli), du drame (Ian Fleming), un vilain (Kevin McClory) et de nombreux personnages secondaires qui seraient les acteurs de James Bond. D'ailleurs parmi les témoignages tous fascinants (notamment celui étonnant de Bill Clinton), on notera ceux de George Lazenby, hilarant et touchant, et de Timothy Dalton, intense et passionné. Un film enthousiasmant pour fans et non-fans de l'agent 007.

 

 

Un grand merci à l'équipe de Moonfleet et à celle du festival de Dinard.

 

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