Sitges 2012 - Partie 1

Aude Boutillon | 7 octobre 2012
Aude Boutillon | 7 octobre 2012

Trois heures de sommeil. 80 minutes de vol, précédées de quinze autres d'acrobaties aéroportuaires  afin de se conformer aux standards « one bagage only » des compagnies low-cost (rappel : pour tous dons, laurent.pecha@ecranlarge.com). Un pied à Sitges, et tout n'est que lointain souvenir. Digne d'une série télévisée du meilleur acabit, cheveux au vent, sourire mièvre, soupirs candides, valise bringuebalante, l'envoyée spéciale d'EL, sur une mélodie entraînante imaginaire, arpente d'un pas enthousiaste (d'accord, dansant -d'accord, sautillant) le littoral de la plus fantastique des cités balnéaires ibériques. Une fois encore, le Festival de Sitges a remis le couvert, se targuant cette année d'une ancienneté de 45 balais, et d'une programmation toujours aussi dense. Et une fois encore, le caviar de la team EL, le duo de l'extrême, que dis-je, le tandem projectivore, n'aura de cesse de braver ses limites pour reporter aussi exhaustivement que faire se peut les multiples évènements du festival. L'honnêteté professionnelle nous condamne à vous mettre banco en garde quant à notre tout petit courage à fouler les salles avant midi. Cela, bien entendu, en raison de notre propension à les hanter jusqu'à l'aube. 9 jours d'orgie fantastico-horrifique-barrée ; top départ.

                                                                             

Première journée sur place placée sous le signe, d'une part, des mails insolents à l'égard des pauvres ouailles restées dans le froid et la morosité, mais également des come-back. Si la productivité du premier, sans relever du niveau d'un Miike, reste plus que décente, la réapparition du second relevait du retour messianique. Tsui Hark nous revenait ainsi armé de Flying Sword of Dragon Gate, wuxia vivace et malin... présenté en 3D. Cette particularité constituera la première bonne surprise du film, qui, loin de se contenter d'une profondeur de champ paresseuse, n'a de cesse d'envoyer valser projectiles et éclats de bois divers et variés en direction du spectateur, dans une inventivité sans cesse renouvelée. Flying Sword... fait ainsi montre d'une douce et généreuse folie, au service d'une mise en scène d'une précision irréfutable ; les nombreux affrontements ne souffriront de fait d'aucune sorte de confusion. Il n'en sera pas de même pour la narration, les enjeux s'enchevêtrant progressivement dans un flot de dialogues et de protagonistes nécessitant une attention de chaque instant. Le spectateur occidental rompu aux épopées chinoises naviguera toutefois en terrain connu, l'expérience se rapprochant sensiblement des précédentes créations de Tsui Hark. La force première de Flying Sword... est enfin constituée par une galerie de protagonistes singuliers, qui parviennent à échapper à la caricature, adversaires compris, et surplombés par des personnages féminins particulièrement forts et anti-potiches au possible. Il était temps.

L'événement de la journée était toutefois constitué par la projection attendue du dernier méfait de Don Coscarelli, venu pour l'occasion  recevoir la Maquina del Temps, trophée récompensant l'ensemble de l'étonnamment peu prolifique carrière du cinéaste. Au terme d'une ovation chaleureuse, le public a ainsi pu découvrir, stupéfait, la folie créative que constitue John dies at the end, adaptation d'un roman éponyme et amoncellement minutieux d'idées toutes plus barrées les unes que les autres, directement mises en image par l'esprit vivace d'un bonhomme particulièrement sympathique. Accordez-nous toute votre confiance ; il serait particulièrement contrariant de vous en dire davantage, tant la surprise ne décroît pas d'un bout à l'autre du film. Si la perspective de réunir guests réjouissants, mondes parallèles, supports de télécommunication alimentaires et chiens surdoués vous ravit, n'hésitez plus.

 

La projection de Phantasm réunissait quant à elle fans trépignants et néophytes, pour le plus grand bonheur d'un Coscarelli manifestement enthousiaste à l'idée de redécouvrir son film culte sur grand écran, et de décortiquer les réactions d'une nouvelle génération de spectateurs encore vierges de sphères métalliques assoiffées de sang. Projeté dans une délicieuse copie sans âge, dont la teinte oscillait entre le violacé et le sépia, Phantasm n'a pu qu'entériner son statut d'objet culte, oscillant entre absurdité et terreur sourde, au rythme des inquiétantes apparitions d'Angus Scrimm... qui ne se prive d'ailleurs pas de pointer au générique de John dies at the end. Cinéaste grisé, public chaud-patate, séquences cultes accompagnées d'applaudissements ; Sitges at its best.


La troisième journée s'est quant à elle vue peuplée d'étrange créatures, armées de posters, stylos à paillettes et pancartes fluo, manifestement prêtes à dégainer smartphones et glapissements à tout instant. C'est que l'ultime épisode de Twilight était de passage à Sitges, et avec lui Chaske Spencer (HIIIIIII !), idole du jour des jeunes espagnoles en fleur. Entre deux ruées prépubères, l'équipe d'Aftershock faisait son entrée, présidée par Eli Roth, cool guy devant l'éternel, armé de ses habituelles casquettes de producteur-scénariste-acteur. L'événement avait, à l'image de la projection du Maniac de Franck Khalfoun (où l'honorable Sir Lustig accompagnait Elijah Wood), rassemblé la foule attendue. A un discours manifestement borderline (nos vagues notions hispaniques nous ayant tout juste permis d'isoler les mots heterosexual, homosexual et animal dans une même phrase) aura succédé Aftershock, à l'issue duquel une question s'impose : le film aurait-il bénéficié d'une attention identique sans la carte popularité du Bear Jew ? Obéissant à un sempiternel schéma (teuf branchouille - événement extérieur renversant la situation - retour à l'état de nature et lutte pour la survie), Aftershock aligne les poncifs, s'embourbe dans une forêt de clichés malheureux, et pèche par une galerie de protagonistes plus caricaturaux et antipathiques les uns que les autres. Le renouveau aurait pu naître du choix d'un cataclysme naturel comme élément déclencheur ; le résultat, anti-spectaculaire, se révèle malheureusement anecdotique, et ne contribue qu'à exacerber le scepticisme face à des réactions aberrantes de disproportion.  Le désintérêt profond à l'égard du devenir des personnages finit d'enfoncer le clou de l'ennui, restreignant le spectateur au simple stade de témoin indifférent, face à un spectacle pas foncièrement désagréable mais résolument tire-au-flanc.

Enfin, que serait Sitges sans ses nuits thématiques sans fin, peuplées de courageux prêts à braver l'épuisement parfois plus de 6 heures durant, grapillant ça et là quelques miettes de sommeil au détour d'une séquence un peu longuette ? C'est donc l'âme brave et le coeur joyeux que nous avons accompagné l'équipe de Dead Shadows, venue représenter son bébé en contrée hispanique, après un passage riche de spectateurs à l'Etrange Festival de Paris. Il aura toutefois fallu, avant d'entrapercevoir le bout d'un film, souffrir deux épisodes de Femmes Fatale, sorte de running gag interminable (et fatidique) des nuits Midnight Extreme.  Chapeau bas aux téméraires, toujours prêts, yeux mi-clos et réactivité écornée, à rassembler leurs dernières forces pour féliciter les équipes présentes à grand renforts d'encouragements. Qui a dit "infiniment plus classe que les sifflets cannois" ?

 

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