Les super-vilains super-nuls

Simon Riaux | 9 août 2012
Simon Riaux | 9 août 2012
N'en déplaise à Marion Cotillard (et le métropolitain Sandy Gillet - Private joke inside detected / NDSG), Christopher Nolan nous a offert il y a quelques semaines un méchant anthologique en la personne de Bane, à qui il sut conférer en plus de sa force brute et de son esprit diabolique, une véritable dimension tragique. Une montagne de muscles et de rage au service d'un implacable désespoir, mû par le rêve d'un amour impossible et brisé, qu'un encombrant masque ne saurait dissimuler. Nolan confirmait ainsi l'adage hitchcockien selon lequel un bon méchant était l'atout indispensable de tout film mettant en scène deux antagonistes. Toutefois, nos amis les supers héros n'ont pas toujours eu à combattre de formidables titans, de torturés fous furieux prêt à réduire le monde en miettes pour apaiser leurs souffrances. En effet, nos copains en collant se sont coltinés quantité de tocards, de doux tarés, d'excentriques visiblement fâchés avec leur maquilleuse, auxquels il convenait de rendre ici hommage. Inutile de vous préciser qu'une partie non négligeable de cette sélection a été rendue possible par l'abnégation fluorescente du grand monsieur Schumacher.

 

 

X-men Origins : Wolverine

L'expérience ratée : Deadpool

Il n'y a pas que les prothésistes mammaires qui travaillent en dépit du bon sens. Les scénaristes de X-men origins : Wolverine sont aussi très forts pour ce qui est de mener à terme de douteuses expérimentations. Nombreux sont les spectateurs à douter encore de la crédibilité de Ryan Reynolds, et notamment de son charisme ; après visionnage de son invraisemblable performance dans cette embarrassante aventure Marvel, on aura bien du mal à ne pas leur donner tort. On se demanderait même si la production du film n'était pas également de cet avis, tant l'apparence finale de Deadpool interdirait à tout comédien digne de ce nom de transmettre au spectateur la moindre émotion. Sorte de prothèse PIP humaine, ce bad guy d'opérette ne peut même pas froncer les sourcils, dont il est dépourvu, et n'a plus qu'à faire tourner ses deux lames comme autant de pales d'hélicoptères, sorte de gimmick cache-misère passablement ridicule. Après pareil échec, Reynolds aurait pu se retrouver au placard, il échouera finalement dans un cercueil (Buried), avant d'honorer de son talent l'inoubliable Green Lantern.

 

 

 

 

Batman & Robin

La baudruche : Bane

Joel Schumacher aura réussi à fouler au pied l'immense réussite de Tim Burton dans le traitement de Batman avec une désinvolture qui confine au génie. Tous les bad guys de ses deux efforts auraient pu figurer dans ce classement, mais afin de ne pas tirer sur l'ambulance, nous n'en avons sélectionné que trois. Le premier, Bane, mérite tout particulièrement notre attention, alors que Christopher Nolan vien de redorer son blason de la plus éclatante des manières (n'en déplaise aux déçus). Si le personnage était dans les comics un indiscutable bourrin, une montagne de muscles dopée et barbare, notre viandard n'en demeurait pas moins un génie du crime. Une donnée qu'a visiblement oublié d'intégrer notre réalisateur émérite, qui en fit un gros morceau de barbaque tout juste bon à vagir dans son masque, et à suivre Poison Ivy comme un petit chien. Look de culturiste irradié, finesse de parpaing, gags lourdingues, tout dans le traitement du personnage oscille entre blasphème et trahison.

 

The Amazing Spider-man

L'évadé de Super Mario : Le Lézard

Il aurait suffi à Marc Webb de réussir son grand méchant pour s'offrir une légitimité et, à défaut de faire jeu égal avec son prédécesseur, prouver qu'il pouvait faire mieux que Raimi dans au moins un domaine. Las, le terrible reptile aura droit à un traitement minimaliste dans sa forme humaine, Rhys Ifans ne s'étant de toute évidence pas encore remis d'Anonymous, jusqu'à une transformation superbement esquivée, puis l'avènement d'un monstre regrettable. Sorte de mélange improbable entre les vilains sidekicks de Super Mario Bros et la gentille bébête de Monstres contre alien (ou encore la série DInosaures...), le Lézard s'avère une piteuse créature numérique, dénuée de tout charisme, qu'une nuée de trous scénaristiques béants achève de décridibiliser.

 

 

Spider-man

Celui qui porte bien son nom : Le Bouffon vert

Avouons-le, Sam Raimi ne peut guère se vanter d'avoir fait mieux. Pourtant, Willem Dafoe en antagoniste de Spider-Man semblait une riche idée, et sa tessiture de jeu la matière première idéale pour figurer l'un des adversaires les plus emblématiques de l'homme araignée. Hélas, mille fois hélas ce bon Willem céda aux sirènes du ricanement démoniaque, pathologie bien connue des méchants de tout poil, qui nuit grandement à leur crédibilité, déjà bien entamée par un procédé de mise en scène foireux, un jeu de miroir à la subtilité digne d'un char d'assaut. Un problème encore aggravé par le look anachronique et globalement loupé du bonhomme, plus proche d'un power rangers sous acide que d'un génie du mal. N'est pas le Dr Octopus qui veut...

 

 

Daredevil

Le chauve : Colin Farrell

Ce bon Colin est capable, pour peu qu'on prenne la peine de le diriger, de grandes choses, tout comme il est susceptible de partir en cacahouète devant la caméra d'un faiseur sans âme. C'est à ce syndrome tragique aux conséquences hilarantes auquel nous assistons dans le sinistre Daredevil. L'ironie de la chose étant que Ben Affleck et Jennifer Garner y affichent une si fade nullité que la prestation azimutée de Farrell en Bullseye nous sauve régulièrement d'un ennui mortel. Secondé par des CGI absolument hideux, ce cruel lanceur de cure-dent se paie de surcroit un look parfaitement ahurissant, avec scarifications à la clef. Mine de rien, on aurait presque tendance à oublier que dans le marigot de ce ratage, capter à ce point l'attention du spectateur, le sortir si violemment de sa torpeur confine à l'art le plus pur, et génère une fascination du pire quasi-hypnotique.

 

Batman Forever

Le cousin d'Ace Ventura : L'Homme mystère

Certes, Edouard Nigma n'a jamais été dans les comics originaux un modèle de zen et de stabilité mentale. Il était toutefois à des lieues de l'interprétation hystérico-épileptique de Jim Carrey. Alors au fait de sa gloire, le comédien se caricature à l'extrême en reprenant tous les traits et tics qu'il a développé depuis Ace Ventura. Adieu les énigmes tarabiscotées, adieu les pièges mortels, le Riddler devient aux côtés d'un Double-Face d'opérette une sorte de Joker crypto-gay en combinaison de lycra. Si ce bon vieux Jim se dépense sans compter, c'est qu'il a fort à faire pour détourner les pupilles dilatées d'effarement du spectateur des costumes de Batman et Robin, engoncés dans des frusques über-moulantes dont la moindre apparition déclenche des cascades de fous-rires nerveux. On serait presque tenté de lui dire Mission Accomplie, tant l'acteur se dépense sans compter, allant jusqu'à nous faire réévaluer les notions de bon goût et de dignité, alors qu'il transforme le film en une sorte de happening déviant.

 

Superman IV

Le rescapé de Fukushima : Nuclear man

Le verbe est dérisoire pour décrire semblable abomination. Dans quel esprit malade germa semblable idée ? Qui osa coucher sur le papier un tel concept ? Est-il seulement concevable qu'un comédien, même au bout du rouleau, crève la dalle au point d'accepter semblable rôle ? Les malheureux spectateurs de cette resucée honteuse de Superman pourront-ils seulement oublier la déjection filmique qui leur souilla les yeux. Faut-il craindre que Zack Snyder nous fasse la même au ralenti ? Michael Shannon oserait-il se teindre en blond ? Des questions qui resteront à jamais sans réponses.

 

 

 

Batman & Robin

Le recalé des grosses têtes : Mr Freeze

De moins en moins investi dans ses rôles, probablement conscient de l'hérésie à laquelle il participait, et sans doute désireux de détendre ce cher Schumacher, Arnold Schwarzenegger n'écouta que son sens de l'humour autrichien, son cœur gros comme ça, et entreprit d'amuser l'équipe à coup de blaguounettes. En résulte un festival de vannes grasses qui tiendrait en respect tous les Max Pécas et Philippe Bouvard réunis. Selon la légende, Brett Ratner ne serait jamais remis d'une telle avalanche d'humour, et n'en déplaise à Dougie Quaid, ce n'est pas du bullshit !

 

 

 

Thor

Le priapique frénétique : Loki

Nous avons tous connu un Loki, au collège ou au lycée. Mais si, rappelez-vous, ce délicat avorton, trop studieux pour s'asseoir au dernier rang, et trop complexé pour s'exposer en première ligne, dont la peau diaphane perlait d'une sueur aigrement tiède sitôt qu'un professeur l'interrogeait. Cette caste d'enfants à part, juste un peu trop névrosés pour s'intégrer n'attend souvent qu'une étincelle pour révéler les failles béantes de son intériorité ruinée par les transferts délirants de parents décidés à faire de junior un champion. Rois des colères inopinés, mégalomanes silencieux, schizophrènes persuadés d'être la réincarnation de quelque déité elfique firent les beaux jours des bizuteurs et autres sportifs toujours partants pour leur rappeler leur rang de crevette insectoïde. Ces oubliés du corps social ont désormais un porte étendard à la hauteur de leurs ambitions

 

 

Green Lantern

Le vaporeux : Parallax

Ennemi juré d'Alain Gillo-Pétré, Parallax fait partie de ces antagonistes auquel le cinéma aura toujours tort de se frotter. Allez donc représenter un nuage diabolique dévoreur de planète... au mieux la chose ressemblera à une vieille tumeur maligne, au mieux aux effluves de méthane dont Tonton BDM nous gratifie systématiquement après un bon repas. Avouons que personnaliser un cumulus mangeur de galaxie tient de la gageure, Martin Campbell s'était pourtant facilité la tâche en affublant son bad guy d'un sidekick à la nullité suprasonique, sorte de victime d'éléphantiasis jouée par le pauvre Peter Sarsgaard. Hélas, plutôt que de servir la soupe à son patron et de lui conférer une impressionnante aura maléfique, l'abominable suintant ne fait que consacrer la nature éminemment foireuse de ce tandem galactique, et la dimension nawakesque du personnage fluo de Ryan Reynolds.

À noter que cette dispensable entité fait immanquablement écho à une autre catastrophe industrielle : l'impayable Galactus des 4 Fantastiques et le surfer d'argent, que nous aurions eu plaisir à évoquer dans ces colonnes, mais que nous vous épargnerons pour éviter toute redite.

 

 






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