Compte-rendu Champs-Elysées Film Festival

Laurent Pécha | 14 juin 2012
Laurent Pécha | 14 juin 2012

Du 6 au 12 juin s’est tenue sur les Champs Elysées la première édition du Champs-Elysées Film Festival et son désir de créer une passerelle entre le cinéma américain et européen. Au programme, des films indépendants américains en compétition, des avant-premières de films français et américains prestigieux, des master class de deux acteurs incontournables, Donald Sutherland à qui le festival rendait un judicieux hommage et Michael Madsen, co-président du festival avec Lambert Wilson. Dans la catégorie hommage, on n’oubliera pas celui à qui la France et The Artist doivent beaucoup depuis quelques mois, Harvey Weinstein.

(c) Nicolas Genin

Ecran Large était là pour couvrir cet événement et principalement suivre la compétition avec à la clé un prix du public. Et pour ne pas changer nos habitudes, vous ne saurez rien dans ces lignes du film vainqueur, Marina Abramovic : The Artist is present, ce jour là nous avions préféré suivre la master class de Donald Sutherland.

En revanche, voici ce que l’on a pensé de 7 des 10 films en compétition.

Tabloid

Religion, enlèvement, séquestration, sexe, bondage, reine de beauté ; autant d’improbables éléments qui composent un incroyable fait divers américain survenu au cours des années 70, ayant justifié l’engouement des médias et du public pour l’histoire d’une ex Miss fiancée à un Mormon qu’elle entreprendra de délivrer de son culte, avant de lui imposer une lune de miel plus ou moins consentie.

Après s’être livré au décorticage amusé et affectueux de cette aventure rocambolesque à grand renfort de témoignages de ses principaux acteurs, Errol Morris, bien plus que de livrer à son audience sa dose de détails racoleurs, met à nu le rôle sordide de la presse gossip américaine et des vautours qui la composent. Ludique, dynamique, grinçant, mais pas aussi engagé (ni enragé) qu’on l’aurait souhaité. A.B. (3,5/5)

 

 

The Perfect Family

La lutte acharnée d’une pieuse mère de famille pour faire reconnaître son foyer comme moralement irréprochable aux yeux de son Eglise aurait pu donner lieu à une savoureuse comédie délicieusement incorrecte ; elle justifiera en réalité la dissection attentive de rapports familiaux complexes, sous l’aune de la religion, des préjugés et du faux-semblant.

L’exercice, d’une sincérité indubitable, se trouve porté par l’interprétation habitée de Kathleen Turner, mais souffre d’un traitement bien trop inoffensif pour aller au bout de son propos, qu’il évacue d’ailleurs au profit d’une fin bien-pensante et incohérente avec ce qui la précède. A.B. (3/5)

 


Peace, love, & misunderstanding

Aka Crise de la quarantaine, adolescence et weed. Calibré, des propres dires de son producteur, pour une audience aussi large que possible, désireuse de se voir présenter le feel good movie par excellence, Peace… se perd dans un amoncellement de bons sentiments tout juste rythmés par des ressorts dramatiques usés au possible, et voit le talent de ses très bons acteurs sacrifié au profit de personnages stéréotypés et creux, à l’image du film, plaisant mais inconsistant. A.B. (2,5/5)

 

Bernie 

Bernie (Jack Black dans un rôle presque à contre-emploi) est d'une extrême gentillesse et pour cette raison, la personne la plus appréciée de la petite ville de Carthage au Texas. Mais le jour où il est poussé à bout par une veuve acâriatre ("délicieuse" Shirley MacLaine), ce dernier commet l'irréparable. Cette histoire basée sur un fait divers des années 90, nous captive immédiatement par son approche sous forme de « documentaire », animée par des personnages fictifs, mais aussi de véritables témoins de la tragédie.

Ce portrait cocasse, critique mais jamais condescendant de ce qu’on appelle «l’Amérique profonde» pétrie de religion, et de préjugés demeure le point fort du film. On regrette, en revanche, que le récit traîne en longueur et surtout que Richard Linklater, décidemment cinéaste touche à tout, n'ait pas insisté bien plus sur la partie post-drame où les enjeux s'avèraient nettement plus passionnants. M.B. (3/5)

 

 

Keep the lights on (sortie le 22 août 2012)

Le cinéaste, Ira Sachs, s'appuie sur son expérience personnelle pour raconter l'histoire d'amour douloureuse entre deux New-Yorkais homosexuels déchirés par la toxicomanie. La force du récit est de parvenir à éviter le mélodrame sur l'addiction au profit de la tendresse qui lie les deux personnages. Cependant, cet amour indéfectible, mais destructeur, élément le plus intéressant du film, disparaît peu à peu. Sans que l'on comprenne vraiment pourquoi, le réalisateur laisse les sentiments doucement s'essouffler au point de créer des émotions contradictoires. Un étrange parti-pris qui laisse le spectateur sur sa faim. M.B. (3/5)

 


Not Waving but drowning

Pour : Ce que Sara et Adèle souhaitent avant tout c'est vivre de nouvelles expériences, s'amuser, partir à l'aventure, mais le jour où un événement imprévisible va affecter la vie de l'une d'entre elles, leur projet de partir à New York ensemble est compromis.

A travers le portrait-croisé de deux amies d'enfance, Not Waving but drowning résume parfaitement ce sentiment indicible, mais commun à tous les jeunes adultes : fuir ce que l'on connaît, pour un territoire inexploré. Ce que l'on retient de cette chronique sombre, mais douce sur le passage à l'âge adulte, c'est la mise en scène astucieuse de la jeune réalisatrice débutante qui jongle avec talent entre élégance et poésie, bercée par une bande son délicieuse collant parfaitement à l'esprit du film. M.B. (4/5)

Contre : Quand le cinéma indé américain échoue à communiquer une vision nostalgique, cotonneuse et aérienne des émois post-adolescents, cela donne un trip branchouille laborieux recyclant sans vergogne tous les poncifs du genre, balade champêtre en robe bucolique et contre-jour sur fond de pop aseptisée et consorts. A.B. (1/5)

 

Jesus Henry Christ

Dans une famille décimée par la malchance, les secrets et les non-dits, l'enfance d'un surdoué n'est pas forcément rose, mais peut s'avérer férocement drôle. C'est ce que l'on retiendra de cette chronique douce-amère, portée par d'excellents acteurs, Toni Collette et Michael Sheen en tête. Dommage toutefois que les cascades de très bonnes idées qui illumine le film soient minorées par une mise en scène trop maniérée, et des enjeux un peu confus. S.M. (3,5/5)

 

 

Les avant-premières 

 

Brake

Dans la famille « comment pomper un buzz jusqu'à la moelle et lui adjoindre une morale bien réac, sans oublier une pincée de twists honteux, » nous tenons là le petit frère consanguin de l'impeccable Buried. Stephen Dorff fait tout son possible pour rendre crédible son personnage d'agent secret, mais il n'est pas aidé par un scénario souffreteux, qui recycle sans pitié les rebondissements de son modèle, tout en essayant d'en élargir sensiblement l'action. Une tentative opportuniste de se faire de l'argent sur le dos du spectateur moyen, qui confine au constat d'échec pur et simple, quand le rebondissement final ferait passer Luc Besson pour un chantre du progressisme.S.M. (1/5)

 

 

Friends with kids

Loin de surfer sur la comédie US actuelle plus axée sur le trash, le premier film de l'actrice, Jennifer Westfeldt rappelle, en mode mineur, les grandes heures de Quand Harry rencontre Sally. Il y a une vraie tendresse et élégance à évoquer ces meilleurs amis, effrayés par ce que sont devenus leurs amis avec l'arrivée d'enfants, et qui décident d'avoir un bébé ensemble sans pour autant devenir un couple.

Souvent très juste dans l'étude comportementale, au point que bon nombre s'y retrouveront sans souci, Friends with kids déroule un récit parfaitement huilé et fait la part belle à ses comédiens (Megan Fox montrant d'ailleurs bien, si besoin, que Bay a fait une grossière erreur de la jarter de Transformers 3). Les fans de Mes meilleures amies seront d'ailleurs ravis de retrouver la quasi intégralité du casting phare de la comédie populaire de l'année 2011. A tel point d'ailleurs que le film aurait gagné à s'attarder plus sur la vie des autres couples, moins prévisible que celui qui intéresse avant tout la réalisatrice. L.P. (3/5).

 

 

 

Pour sa première édition, le festival a déjà trouvé ses marques en offrant un panel des plus larges de la productions US tout en sachant bien mettre en avant les futurs films français et américains que l'on va découvrir dans nos salles dans quelques jours ou semaines. Et puis il y a la possibilité de rencontrer deux légendes du cinéma avec qui on vous laisse en étant déjà très excité à l'idée de découvrir l'an prochain la seconde édition du Champs-Elysées Film Festival.

 

  Interview de Donald Sutherland

 
 
 
 
Interview de Michael Madsen
 
 
 
Un grand merci à Vanessa Jerrom & Claire Vorger.
 
 
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