Mauvais Genre 2012, jour 4

Simon Riaux | 9 avril 2012
Simon Riaux | 9 avril 2012

« Tuer un homme avec une arme à feu, c'est comme commander de la nourriture à emporter. Ça tue l'excitation, et c'est trop facile. » Cette réplique tirée du percutant The Raid pourrait être la devise de Mauvais Genre, où l'on sait mieux qu'ailleurs laisser mijoter le public jusqu'à un fabuleux plat de résistance. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que le public est sorti repu de cette quatrième journée passée à Tours.

 


 

En guise d'amuse-bouche, il y eut quelques Victims à déguster. Soit un vigilante movie prenant formellement et narrativement le contre-pied de ses petits camarades, bâti autour de trois longs plans séquences, autant de stations d'un chemin de croix impitoyable. En effet, il n'est pas toujours plaisant d'être kidnappé le jour de son mariage par trois encagoulés convaincu que vous êtes l'auteur d'un crime sordide, et décidé à vous châtier. Malgré une mise en scène qui tire habilement parti de l'humilité du projet (et d'un budget de 1500 livres !), l'ensemble finit par se déliter, la faute à des comédiens au jeu approximatif, et une idéologie réactionnaire bas du front.

Une mise en bouche qui se révéla idéale avant le met concocté par Gary Constant, à savoir une master-class de Benoît Delépine, hors de sentiers battus, libre et hilarante. « On a vu Dumbo à Noël, avec toute la famille. Aujourd'hui on remarque moins mes oreilles, parce que j'ai grossis grâce à l'alcool, mais à l'époque mes cousins ne m'ont pas loupé. C'était horrible. » Un premier contact difficile avec le cinéma donc, qui n'empêcha pas le père spirituel de tous les Grolandais de devenir un cinéphile sur le tard, puis de se lancer dans l'aventure Canal dans des conditions particulières. « Honnêtement, je ne me souviens pas des premiers numéros de Groland. On picolait pendant des réunions interminables, au final, on ne se rappelait plus de quels sketchs avaient été validés, on tournait tout. »

 


 

C'est avec un mélange de modestie, d'auto-dérision et d'expressions colorés (« Pour Mammuth, Depardieu m'a dit : bien sûr que je le fais, entre pompiers, on se marche pas sur le tuyau ») que Benoît captiva la salle du Petit Faucheux, remplie ras-la-gueule d'inconditionnels du monsieur. L'évènement se mua rapidement en un condensé d'anecdotes et de bons mots, tous plus surréalistes les uns que les autres, qui laissèrent l'assistance bouche bée. On en apprit ainsi un peu plus sur sa collaboration avec Kaurismaki, à l'occasion d'Aaltra. « On était au milieu du tournage, et donc de notre voyage vers la Finlande, quand il a appelé pour nous dire que finalement il ne le ferait pas le film. Le choc. Alors bon, on s'est dit tant pis, on continue. (…) Au final, on est arrivés jusque dans son village, et on s'est rendus dans le seul resto du coin, et on a commencé à picoler, c'était très étrange. Et puis il est arrivé, sans rien dire, il s'est assis. C'est très bizarre, parce que les finlandais ne parlent pas. Mais genre, pas du tout. Vous imaginez l'ambiance. Alors on buvait, il nous regardait. Et quand est venu l'addition, il a fait un trait d'humour, en disant qu'elle était pour lui, parce qu'il y a une tradition en Finlande, la douloureuse est pour les acteurs. Il nous annonçait donc, qu'il tournerait bien dans le film. On s'est très bien entendus, et ça c'est super bien passé. Bon entre temps on s'est un peu pris la tête, j'ai failli lui mettre une chaise en travers de la tronche. On n'est plus du tout copains, mais c'est pas grave. »

 


 

Après cet échange stratosphérique, vint le temps des courts-métrages sélectionnés par Erwan Chaffiot spécialiste es défrichage de jeunes talents via l'estimée rubrique Mad in France de Mad Movies. Un condensé varié et punchy de jeunes talents aussi divers qu'éprouvés par les souffrances de l'auto-production et/ou l'économie exsangue des films courts hexagonaux. Au menu, un remarquable fan film complètement barré autour de Deadpool, un trip gorasse et vorace intitulé Faim 2 mort, des Fragments d'Iris modestes mais indiscutablement prometteurs, et un Stress Killer inégal mais gentiment barré. Xavier Hibon, sorte de mascotte déviant du festival, eut droit à la projection surprise de Crépuscule Doré, court qui naquit l'an dernier à Mauvais Genre, grâce à la rencontre de Steve Johnson, qui en assura les effets visuels contre son poids en Pastis, et Blandine Bellavoir, plus violentée (mais mieux exploitée) que dans Plus belle la Vie.

 

On avait été jusqu'à présent admiratif de la capacité du Festival à mettre en lumière d'improbables œuvres, de ne pas laisser oublier d'un public délaissé par les réseaux de distribution, mais on espérait également que la manifestation puisse rapidement accueillir en son sein des évènements capable d'élargir son public, de fédérer durablement les amateurs, bref, d'en faire un haut lieux du cinoche barré et subversif qui fait cruellement défaut à notre contrée. Ce fut chose faite grâce à la présentation, extrêmement attendue, de Metal Hurlant Chronicle. La Team EL suit depuis de longs mois le développement de ce projet ambitieux, bien décidé à secouer un paysage audiovisuel français sagement terne. On en vous en dira pas trop, histoire de vous livrer un papier spécifiquement dédié à l'évènement. Sachez toutefois que l'auteur de ces lignes comme le public sont sortis de la projection le fondement doté d'un second orifice. Action, atmosphère, références, mises en scène, interprétation, rien ne vient entacher la remarquable efficacité du show, qui tire admirablement parti de son économie resserrée, et tient la dragée haute non seulement aux piliers de la production audiovisuelle française, mais également à ses concurrents anglo-saxons. On vous en dit plus très vite.

 


 

La journée s'acheva sur 9 temples, l'occasion de vous livrer en exclusivité l'avis de de Aude, qui, plus courageuse que votre serviteur, assista au spectacle.

« Après une présentation des moins engageantes, ponctuée par une invitation à quitter la salle tant qu'il est encore possible de le faire, 9 Temples n'est finalement pas le marasme attendu. On ira même jusqu'à dire qu'il émane de ce film thaïlandais une poésie tranquille à l'origine de brefs instants de fulgurante artistique. On ne pourra alors que se désoler d'un scénario pour le moins indémêlable. A une sorte de chemin de croix amoureux se greffe une histoire de fantôme aussi complexe qu'inextricable, jusqu'au terme d'une interminable séquence explicative dont on ne pourra ressortir que profondément confus. Le spectateur occidental lambda peinera alors à trouver son compte au sein d'un parcours initiatique rythmé par les références bouddhistes et les préceptes karmiques qu'il ne maîtrise pas. »

 

 

 

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