Mauvais Genre 2012, jour 2
Soucieux du bien-être festivalier, Gary Constant a eu la malice de ne programmer aucune projection avant 14h30, une décision qui fit le bonheur des survivants d'une nuit sauvage d'ouverture. « Cette idée d'after, c'était débile. Aujourd'hui on va faire un Before. » Cette sentence audacieuse sortit de la bouche de l'inoxydable Xavier Hibon, réalisateur de court-métrage dont le C.V. peut s'enorgueillir de contenir un paragraphe entier dédié aux boissons que le monsieur fit découvrir l'an passé à Steve Johnson, et aux sévices qu'il infligeât à la ravissante Blandine Bellavoir.
Cette seconde journée que je destinais au jury, en vue d'établir un contact, à l'origine d'éternelles amitiés et de quelques scoop salvateur, était donc destinée à sortir immanquablement des rails de la bienséance. Seule Elza, éminente jurée, son agent artistique, et quelques bougres en mal de malt suivirent Xavier dans sa quête de félicité liquide, tandis que mon estimée collègue Aude, envoyée toujours spéciale de la team EL nous fit l'honneur d'une arrivée en fanfare. Après un nombre d'Irish Coffees qui donnerait le tournis à un manchot, mais pas à notre insubmersible proto-wallon, vint l'heure de retourner une ultime fois vers le Nouvel Olympia.
On s'attendait à tout, mais pas à Heavy Girls. Cette fiction allemande parfaitement inclassable nous narre passion naissante entre un fils unique proche de sa très vieille mère, et le garde-malade de cette dernière. À mi-chemin entre une transposition azimutée de Strip-tease, une relecture déviée des caciques de la comédie romantique, et un vrai drame intimiste. Pathétique sans se laisser aller au pathos, drôle mais jamais moqueur, le film est un numéro d'équilibre en état de grâce.
On craignait que son image en 4/3 et sa photographie brute de numérique nous piquent un peu les yeux, mais c'était sous-estimer le talent de ses auteurs, capables de faire jaillir humanité et poésie au détour d'un regard, d'une hésitation. On retiendra l'apothéose du premier acte, sorte de happening costumé entre trois marginaux heureux et libres, où même une cascade de kleenex fait soudain sens, et le spectateur lui aussi de choir, touché au cœur, empreint une légèreté qu'il ne connaissait pas.
Puis vint l'heure de la Nuit Interdite, et des gros morceaux (expression Tourangeotte désignant des œuvres de premier ordre, gonflées à bloc comme qui dirait) attendus par un public où commençaient à fleurir quelques costumes de bon aloi. « Il faut savoir manier la carotte et la tronçonneuse, » disait la grand-mère de votre serviteur avant de se livrer à des imitations de Charles Bronson, au cours desquelles elle le poursuivait à coup de lance-roquette. Un adage repris par le festival à son compte, puisque Gary Constant, dont la malice oculaire ne s'éteint véritablement qu'après le deuxième saladier de punch, gratifia son public d'un premier court-métrage de mauvais goût, mais pas forcément de Mauvais Genre. Un Karma Koma, qui aura au moins offert quelques vacances bien méritée à deux baroudeurs du genre français : Berroyer et Nahon, tous bronzés pour l'occasion.
Mais l'attraction principale fut bien évidemment le raide The Raid, qui vint nous rappeler qu'il en va du film de baston comme des majorettes : plus c'est con, plus c'est bon. Une leçon de générosité et d'apparente simplicité, au profit d'un script débile, naïf, et pourtant éminemment badass, dopé aux séquences d'affrontement complètement délirantes et de combats passant en un instant du cartoon à la violence pure. Même si l'aventure tient plus du laboratoire expérimental que d'une œuvre aboutie, difficile de ne pas hurler de plaisir devant cette déferlante de gnons. Cette pelloche des plus énervées fut suivi d'une poignée de courts forts agréables, à l'instar du grindouse Roid Rage, dont vous trouverez ci-dessous la bande-annonce, qui connaît actuellement l'honneur d'une adaptation en long-métrage, laquelle devrait trouver naturellement sa place chez les petits gars de Mauvais Genre.
Puis ce fut l'heure de Morituris, auto-proclamé cri d'amour à l'exploitation italienne de papa, comme le proclamèrent avec amour ses deux réalisateurs, qui avaient fait le déplacement. Une accroche on ne peut plus exacte de la part de ses auteurs, puisque le film en épouse les qualités et défauts, les idées et raccourcis, dans un maelström de rebondissements grand guignolesques. S'il contient son lot de plaisirs coupables (une adorable complaisance envers la violence, la nudité, et le sadisme en général), on regrettera que le scénario parte dans toutes les directions, sans en explorer véritablement aucune. En effet, pas facile de tenir un teen movie d'exploitation crado, transformé en rape and revenge, avant de tourner au slasher de gladiateurs morts-vivants. Pour autant, on se gardera bien de faire la vie dure à une œuvre qui est et ne se veut qu'une bouffée de nostalgie sanglante et foutraque. Soit la bizarrerie idéale pour clore une journée agitée. Demain devrait contenir un nouveau lot d'abominations sophistiquées grâce au sulfureux Bunny Game, interdit en Angleterre, et qu'il nous tarde de mirer de nos pupilles émoustillées.