Mauvais genre 2012, jour 1

Simon Riaux | 6 avril 2012
Simon Riaux | 6 avril 2012
Il existe bien des raisons pour se réveiller dans un hôtel, l'encéphale douloureux, sans vêtements ni valise, et l'une d'entre elles s'appelle Mauvais Genre. L'auteur de ces lignes ayant couvert l'évènement l'an passé, il ne pourra prétendre ignorer ce qui l'attendait, mais le festival Tourangeau est de ces manifestations qui exercent une curieuse attraction sur la psyché de ceux qui gravitent dans son orbite.

Tout avait pourtant bien commencé. Un autochtone charmant et souriant m'accueillit sur le quai de la gare, avant de m'accompagner jusqu'à l'auberge où je déposais mes affaires, disparues depuis. « Venez donc, il y a un pot au Grand Hôtel. » Me rappelant que l'an dernier, la chose avait été sympathiquement frugale, je m'y rendis en conquérant. Grave erreur. « Super t'es là ! Je vais chercher du pinard. » Telles furent les funestes paroles prononcées par Xavier Hibon (surprenant réalisateur de court-métrage), pour débuter de délirantes agapes. Le rouge local et le champagne rosé eurent au moins une vertu, me permettre d'approcher assez près du jury pour deviser avec son président, Benoit Delépine, qui semblait également impatient de goûter l'hospitalité locale.

 



Puis vint l'heure de la cérémonie d'ouverture, tenue par un Gary Constant en forme olympique, qui scanda avec enthousiasme et vigueur un discours des plus réussis, provoquant une demie-douzaine d'évanouissements dans l'assistance.

Le premier film en compétition était Miss Bala, que nous avions manqué à Cannes, et qui ne devait se voir distribué de par chez nous qu'un an après son tour sur la Croisette, pour le plus grand bonheur des retardataires. Si tant est qu'un kidnapping sauvage, suivi de règlements de compte impitoyables et de quelques sévices sexuelles brutales puisse être un grand bonheur. Et c'est là tout le problème du film : le sort fait au spectateur. 113 minutes à contempler des personnages accablés, souvent de dos, lors de longs plans séquences, ou les mêmes motifs d'isolement, de claustration et de violence se répètent sans fin. Le tout est au service d'un propos maîtrisé de bout en bout, qui entend démontrer implacablement que le Mexique est aujourd'hui un pays à la dérive, dont chaque strate se putréfie de corruption, d'horreur et de haine, jusqu'à un innocent concours de miss.

 

 

Gerardo Naranjo n'abandonnera jamais cette idée directrice, mais oubliera hélas de faire de ses personnages, qui auraient pu être le cœur palpitant d'un récit potentiellement poignant, des êtres de chair et de sang. La responsabilité en revient au réalisateur, et pas à sa formidable actrice (Stéphanie Sigman, qui porte aussi bien le sweat, que les robes du soir, ou l'air du temps), comme s'il devenait curieusement frileux à mesure que le récit - et l'horreur – progressent. Une ascèse glaciale qui joue contre l'implication émotionnelle du spectateur, et dont on ne sait trop si elle réside d'une trop grande pudeur, ou d'un embryon de snobisme.

Quoi qu'il en soit, Miss Bala atteint sans mal son but, à savoir ouvrir le festival Mauvais Genre par une projection sulfureuse. Cette dernière fut suivie de la diffusion de NWR en présence de son réalisateur Laurent Duroche, dont nous vous avons déjà dit tout le bien que nous pensons à maintes reprises.

 


 

Les yeux pleins d'images et l'estomac trop vide pour être honnête, il fallut prendre la direction de la cantine (réservée aux invités, journalistes, organisateurs, et vierges de moins de quarante-cinq kilos), où tout dérapa irrémédiablement. Il y aurait bien des façons de plaider ce qui advint ensuite... « j'ai pas fait exprès ! » « On a mis un truc dans mon huitième verre ! » « Non je vous assure je n'ai pas bu. » « Je n'ai aucune idée de ce qui a bien pu se passer. » Autant de phrases sibyllines, maintes fois usitées en de troubles occasions, bien inutile aujourd'hui, d'innombrables témoins m'ayant vu tâter de la goutte tourangeotte avec Thomas Day, juré l'an dernier, revenu mettre à l'épreuve l'hospitalité locale.

Sache lecteur innocent qu'après cette soirée que d'aucuns décrivent comme une messe noire tenue à l'intérieur d'un alambic géant, les rumeurs les plus folles verront le jour, comme dois déjà le comprendre le réalisateur Raffaele Picchio (Morituris) piégé par une sirène du crû, qui l'abandonna dans la rue, vulnérable, hormonalement chamboulé, et passablement pompette. Et c'est ainsi que votre serviteur s'éveille aujourd'hui dans sa chambre d'hôtel, ses valises envolées, ne conservant qu'un antique ordinateur portable contre son cœur serré.

La journée qui commence sera l'occasion d'éclairer ce mystère, de retrouver des vêtements propres et une brosse à dent tolérante, avant de visionner l'intrigant Heavy Girl, sorte de drame mixé à une comédie romantique gay, tout droit venue de la rose Allemagne. Puis viendra l'heure de The Raid, et la nuit interdite, qu'on imagine riche en pépites scandaleuses. « Magne-toi tu vas louper l'apéro ! » me lance le toujours partant Xavier Hibon via un texto pressant. Reconnaissant le nom de code désignant les conférences de presse quotidiennes données sur la scène du glorieux théâtre Le Nouvel Olympia, j'enfile un sac de jute en guise de manteau et vous laisse.

Bon Mauvais Genre à tous.

 


 

 

 

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