Titanic 3D, le choc

Simon Riaux | 30 mars 2012
Simon Riaux | 30 mars 2012

Alors que son Avatar est encore le mètre étalon de la troisième dimension, James Cameron n'avait semble-t-il plus rien à prouver en la matière, toutefois, l'annonce de la ressortie de son magistral Titanic en 3D pouvait légitimement soulever appréhensions et questionnements. Entre les cascades de conversions hâtives voire scandaleuses, les annonces de reprises intempestives, et quelques ratages embarrassant (qui a dit La Menace fantôme ?) sa démarche pouvait à tout le moins être taxée d'opportuniste, centenaire du naufrage ou pas. Heureusement, ce sera le visionnage qui tranchera ces éventuelles polémiques, et les renverra à fond de cale.

 


Que les choses soient claires, Titanic 3D réussit le tour de force d'être non seulement la plus aboutie conversion qu'il nous ait été donné de voir, mais probablement la plus belle 3D, tous médias, styles et techniques confondus. On aura beau ironiser sur le refus de Big Jim de se laisser aller au spectaculaire simpliste et à une profusion de jaillissements, force est d'admettre qu'il réussit à nous en mettre plein la vue, sans jamais opter pour des solutions de facilités, mais en travaillant avec une précision diabolique la profondeur de champ et la gestion de l'espace. C'est à un ballet romantique et funèbre que se prêtent sous nos yeux les personnages durant plus de trois heures, dont l'impact et la magnificence se retrouvent sublimés à chaque plan. C'est parfois au détour d'un simple champ contre-champ que des visages, une perspective où une ligne de fuite dévoilent une harmonie, une puissance que nous ne pouvions guère qu'entrevoir en deux dimensions.

Impossible de revoir le film dans sa version d'origine après cette expérience, tant certaines séquences y trouvent un souffle supplémentaire, une âme nouvelle, un impact décuplé. Le naufrage bien sûr, mais également la poursuite enragée entre les amants maudits et un Billy Zane furieux au cœur d'un navire en plein déréliction. Les plans d'ensemble du bâtiment se transforment en une suite d'instants surréalistes, si bien qu'il devient impossible d'anticiper clairement les émotions que déclenchera chez nous cette œuvre pourtant vue et revue. On notera combien la mise en scène, incroyablement re-dynamisée, constitue l'une des plus belles études qui soit sur le kairos, concept qui imprègne l'ensemble de son œuvre.

 


Devenu un classique instantané lors de sa sortie, Titanic fait désormais figure d'œuvre visionnaire, de blockbuster résolument inclassable et audacieux (qui d'autre osa depuis, au sein d'un même film, glisser subrepticement un « fuck », une scène de sexe explicite et charnelle, des morts d'enfants, un climax où culminent le désespoir et l'horreur ?). Il n'est pas, plus, “seulement“ une grande romance hollywoodienne, mais bien le récit de la mort du XIXème siècle. Ainsi, s'il est courant en Histoire de considérer 1914 et la première Guerre mondiale comme l'avènement du XXème, la symbolique voudra désormais qu'on y associe le naufrage du R.M.S. Titanic, qui préfigura non seulement une certaine industrialisation de la mort, mais aussi l'éclatement des classes sociales telles qu'elles étaient alors constituées, vouées à périr communément ; dans un monde désormais uniquement capable d'envisager l'humain comme individu, les groupes sont vouées au massacre de masse promis par un système entropique à l'inertie létale.

Le film n'a pourtant pas changé d'un iota, Cameron n'a rien retouché, pas même ses plans numériques. Il faut dire que l'ajout de la perspective est particulièrement indulgent avec eux. Ce Titanic 3D n'est donc pas une nouvelle version, ni même une réinvention, il est le dévoilement stupéfiant d'une œuvre dont la richesse incroyable n'avait été jusqu'alors qu'entrevue.

 


 

 

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