Prometheus, la promesse de Ridley Scott

Simon Riaux | 19 mars 2012
Simon Riaux | 19 mars 2012

La campagne de marketing de Prometheus est en passe de marquer l'époque. Considérant qu'elle se compose des bandes-annonces de trailers, de ces derniers, en passant par les teasers, photos, campagnes virales et déclarations sibyllines de ses auteurs, force est de constater que le tout forme un ensemble d'une exceptionnelle cohérence, qu'il sera bien difficile de distinguer du long-métrage lui-même, pour peu que ce dernier soit une réussite, ce que notre enthousiasme et notre en foi en Ridley Scott nous poussent à croire.

 

 Cliquez ici pour découvrir le trailer français VOST en HD

 

On aura longtemps espéré un nouvel épisode de la saga Alien, au gré des rumeurs et bruits de couloir les plus fous, jusqu'à ce que le honteux diptyque Alien vs Predator vienne mettre à mal la réputation de la série, et ses potentialités artistico-budgétaires. Seul un homme providentiel pouvait relancer, continuer le grand œuvre amorcé en par Le Huitième passager, en l'occurrence son créateur, Ridley Scott, lui-même géniteur de la représentation actuelle de science-fiction. Cette dernière aura connu deux face-huggers aux gènes encore influents, Blade Runner et Alien, qui ont propulsé la SF populaire vers les cimes que seul 2001 était parvenu à tutoyer. Rien d'étonnant donc à ce que ce soit ce maître d'œuvre historique qui reprenne les rênes du projet. Un temps séquelle, puis pure préquelle, celui qui s'intitule encore Paradise se mue en Prometheus, mystère organique non identifié, officiel ancêtre de la saga xénomorphe.

 

 

Toutefois, le connaisseur de l'univers d'Alien, ou tout simplement de la mythologie grecque, aura tôt fait percer les soit disant mystères de la chose, aidé par quelques fuites scénaristiques sur le web (dont la campagne actuelle laisse à croire qu'elles ont été tolérées, sinon orchestrées). Nous apprendrons donc comment l'Alien, cette machine parfaite, a été conçue, nous découvrirons ce qu'est le space jockey, nous saurons qui a trouvé et apporté ce feu de lumière et de mort. Les thématiques de Scott, les innombrables pistes disséminées dans la saga, et les premiers éléments dont nous disposons permettent d'entrevoir la quasi intégralité du scénario, du moins le semble-t-il. Une invitation stellaire est découverte, qui se révélera d'une nature bien moins sympathique que de prime abord, mettra les hommes aux prises avec leur fantasmes de contrôle et de manipulations déistes pour aboutir à la révélation d'un pouvoir immense, mais voué à les consumer. Articulez cela autour du résultat déjà bien connu (le premier acte du Huitième passager) et vous aboutirez à une structure aussi classique qu'attendue, gravée dans le marbre depuis longtemps.

 

 

Ridley Scott et sa campagne promotionnelle ne nous promettent pas l'originalité. Preuve en est les innombrables trailers, teasers et vidéos promotionnelles, contenant un nombre potentiellement inquiétant d'images et de séquences essentielles. Sauf que le cinéaste n'est pas venu nous promettre la révolution, mais l'évolution. Ce à quoi s'engage Prometheus, ce n'est pas la renaissance de la saga, mais son retour à la maison, en quelque sorte. Car si la série a connu des itérations grandioses et passionnantes (Aliens en tête) aucune ne sera parvenue au niveau de maîtrise formelle de Ridley Scott. Revoir aujourd'hui Le Hutième passager, c'est réaliser que trois diodes, un couloir anthracite et une tirade monocorde peuvent offrir un univers entier en pâture à notre imagination.

 

 

Il y a fort à parier que si l'on avait pu cloisonner totalement les audiences, et analyser l'effet de chaque trailer, teaser, ou vidéo sur chacun des publics, des résultats très différents seraient apparus. Un remake pour les un, un reboot pour d'autres, une préquelle pour les derniers, pur trip de science-fiction glapiraient certains, tandis que d'autres frissonneraient devant cette aventure horrifique. On pourrait également s'interroger sur les thématiques dickienne toujours sous-jacentes, peut-être enfin prêtes à exploser au grand jour, à moins qu'il ne s'agisse de déployer la colonne vertébrale monstrueuse d'une saga qui n'aura eu de cesse de ramener l'homme à son statut de vermisseau pensant, incapable de renoncer à une Tour de Babel spatiale qui aura tôt fait de le broyer.

 

 

 

 

Ce que veut nous dire avec éclat la campagne marketing, c'est que nous connaissons déjà la substance et la chair du récit Prometheus. Mais si nous savons ce qui nous sera raconté, nous ignorons comment. Et c'est bien là le serment de Ridley Scott, renouer avec la profondeur, la richesse et la poésie funèbre de l'original, nous offrir une nouvelle fois un film inclassable, qui dynamite la frontière des genres, des époques et des styles.

 


 

 

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