Le Handicap en 15 films

Simon Riaux | 8 mars 2012
Simon Riaux | 8 mars 2012

Intouchables hier et Hasta la vista aujourd'hui nous rappellent que le handicap est toujours l'un des thèmes récurrent du septième art. Révélateur de notre (in)humanité, des failles de notre société, ou tout simplement de visions alternatives du monde, le traitement du handicap sur pelloche est l'occasion de retrouver quelques unes des plus fortes émotions cinématographiques que nous ayons connues.


Intouchables , de Nakache et Toledano

Impossible de ne pas dire un mot de la comédie de l'année, sinon du siècle, voire du millénaire (ne riez pas). 19 millions de spectateurs ont été conquis par cette fable optimiste et hilarante, qui ne cède jamais aux sirènes larmoyantes de l'humour policé. On y apprend que les handicapés portent des bas, ont les oreilles sensibles, une vie sentimentale compliquée, qu'ils aiment la musique classique, mais sont ouverts d'esprit. Plus sérieusement, le long-métrage aura à lui seul redressé les chiffres du box-office français, et connu un succès qui ne fait que se confirmer partout en Europe, alors qu'il s'apprête à débouler aux U.S.A, où il avait été qualifié par Variety de variation nauséabonde autour de La Case de l'Oncle Tom. L'artisan de cette sortie étant le désormais célèbre Harvey Weinstein, qui sait quel destin attend le film...

 

 

Freaks de Todd Browning

Rares sont les œuvres dont émane une semblable aura. Film historique, sulfureux, effrayant, culte, poétique, tragique, Freaks est tout cela à la fois, et bien plus encore. Alors que durant le tournage, la partie valide de l'équipe refusa de se voir mélangée aux artistes handicapés, le public fut durablement marqué par l'impact du long-métrage. On considère aujourd'hui que son influence dans la disparition des cirques de monstres fut décisive.

 

 

Le Scaphandre et le papillon, de Julian Schnabel

Petite merveille de photographie et de montage, le travail de Schnabel est parsemé de purs moments de grâce, tels une séance de rasage paternel, à la tendresse bouleversante, et quelques dialogues ou monologues d'une poésie douloureuse. Un tour de force que de mettre en scène la chute, et la terrible renaissance d'un homme enfermé dans un corps clos en caméra subjective, cette délicate alliance du fond et de la forme s'est vue primée à Cannes.

 

Né un quatre juillet, d'Oliver Stone

Un réalisateur passionné d'histoire et de politique, un acteur adepte des morceaux de bravoure, voilà la recette de ce brûlot puissant. À travers le portrait d'un homme réduit à néant par une nation qui préfère détourner les yeux du calvaire qu'elle lui a laissé en guise de médaille, c'est le portrait d'une Amérique en proie au désarroi et à la colère que fait Oliver Stone. Le temps d'un film, nous sommes tous des vétérans.

 

 

La Chambre des officiers, de François Dupeyron

La formidable densité historique du XXème siècle et les folies de la seconde guerre mondiale auront fait du tort à la mémoire de la Grande guerre. Une brume que dissipe partiellement le travail de Dupeyron, en nous rappelant un fait aussi poignant que passionnant : la destinée des milliers de gueules cassées, et les progrès faits par la chirurgie réparatrice pour les réinsérer. Chronique de la douleur, combat d'un homme, lutte désespérée d'une créature sans visage pour se reconstruire, La Chambre des officiers est un des plaidoyers les plus forts et sensibles contre les ravages d'un conflit qui aura entamé l'humanité au plus profond de ses chairs.

 

Forrest Gump, de Robert Zemeckis

Ce parcours d'un enfant du siècle un chouïa limité aurait pu s'empêtrer dans le misérabilisme et le pathos, au lieu de quoi Robert Zemeckis parvint à mettre en scène une fresque grandiose, toujours humaine, souvent drôle, et nous donna l'occasion d'entrevoir le monde à travers le regard candide d'un homme imperméable au cynisme, à la haine et l'amertume. À travers cette biographie d'un acteur de la petite et de la grande histoire, c'est une remise en perspective de notre monde, de ses soubresauts et de ses valeurs qui nous est proposée.

 

Le Huitième jour, de Jaco Van Dormael

Avant Mr Nobody, le cinéaste emballait cette plaisante fable, qui rencontra lors de sa sortie un beau succès, et qui pourrait, toutes proportions gardées, être comparé au précédent. Un de ses mérites, et non des moindres fut de (re)donner un visage à un handicap souvent tenu dans l'ombre en France, l'autisme. À ce titre, le long-métrage est à mettre en parallèle du Mur, ou la psychanalyse à l'épreuve, qui divise actuellement milieu associatif et communauté scientifique. L'occasion peut-être de cesser les polémiques stériles, et de considérer ceux de nos semblables qui connaissent cette condition comme les individus qu'ils n'ont jamais cessé d'être.

 

 

Rain Man, de Barry Levinson

Quand il est question de handicap, l'affliction, la condescendance polie et la compassion forcée ne sont pas les seules options disponibles. En bon entertainer, Barry Levinson choisit le divertissement efficace et généreux, et nous conte cette histoire de fraternité contrariée puis retrouvée avec l'aide de deux comédiens au sommet de leur art. Dustin Hoffman, bluffant comme d'habitude, et Tom Cruise, jamais aussi à l'aise qu'en yuppie arrogant, composent un duo inoubliable, et nous sert sur un plateau une tripotée de scènes cultes qui auront eu le mérite de rendre bien plus visible l'autisme qu'il ne l'était. Au moins, grâce à Barry, on sait que ces petits gars comptent vachement bien les allumettes.

 

 

Mar Adentro, d'Alejandro Amenabar

Sublime élégie pour les uns, mouchoir humide pour les autres, il est un mérite qu'on ne saurait enlever à Mar Adentro, c'est de poser une problématique essentielle, bien plus pertinente que l'éternelle question du regard porté sur le handicap. La vie doit-elle, peut-elle être vécue quand elle est cantonnée à des limitations extrêmes ? S'il appartient à chacun de donner une réponse, le film pose les bonnes questions avec force délicatesse, alors que le débat s'apprête à renaître dans l'hexagone.

 

 

Johnny s'en va-t-en guerre de Dalton Trumbo

Plus que le traditionnel plaidoyer pacifiste auquel on le limite trop souvent, le long-métrage de Trumbo profite de la condition tragique de son héros, mutilé de guerre réduit au dialogue intérieur, pour nous offrir une très spirituelle introspection. Des thèmes religieux aux questionnements existentiels et philosophiques, le récit ne nous épargne jamais et nous plonge dans la subjectivité d'une homme brisé par la guerre. Avec ce film unique, le cinéaste, menacé à Hollywood pour cause de communisme un peu trop voyant, a accompli une carrière plus riche que la majorité de ses confrères.

 

 

My Left foot, de Jim Sheridan

Avant de filmer Daniel Craig et Rachel Weisz flirter comme des cochons dans une Dream House, Jim Sheridan faisait du cinéma, et pas des moindres. Il collaborait ici pour la première fois avec Daniel Day Lewis, promis au succès que l'on connaît, et peignait le portrait de Christy Brown, atteint de paralysie spasmodique, artiste du verbe et du pinceau. Une pratique qui lui permettra de s'assumer aux yeux des autres, et d'être accepté par les siens comme un homme à part entière. Au delà du récit d'une lutte héroïque pour la considération, c'est le cruel constat du regard indifférent, voire cruel, des humains, qui frappe ici.

 

Seule dans la nuit, de Terrence Young

Non le handicap n'est pas que tristesse, escarres et amputations, c'est aussi un remarquable ressort dramatique, comme en témoigne l'incroyable performance d'Audrey Hepburn, mise en scène par l'un des pères cinématographiques de James Bond. Ce huis-clos tendu comme une arbalète devrait vous valoir quelques sueurs froides, alors qu'une malheureuse aveugle se retrouvent aux prises avec trois assassins bien décidés à lui faire avouer où elle aurait caché un objet qu'ils convoitent. Il faut le voir pour le croire.

 

 

Les Idiots, de Lars von Trier

Avant de découper des clitoris à la chaîne et rejouer Deep Impact, LVT nous a appris une belle leçon, qu'il a un tantinet oubliée depuis : l'idiotie est le plus grand des handicaps. Soit la preuve que quand on s'efforce de faire n'importe quoi, on ne peut qu'arriver nulle part. A bien des égards, les idiots du réalisateur sont beaucoup plus mal barrés dans la vie que les tétraplégiques et autres autistes qui peuplent cette page, d'autant plus qu'eux, n'auront jamais Daniel Auteuil pour meilleur copain.

 

 

 

 

Incidents de parcours, de George Romero

Cette œuvre traite-t-elle véritablement de la problématique du handicap ? Rien n'est moins sûr, mais si vous pensiez qu'on allait vous faire un dossier sans causer un peu de singe mutant, vous vous êtes mis la banane dans l'œil, et jusqu'au coude. Plus sérieusement, ce que Romero explore avec un talent inouï et sans se disperser, c'est la distinction entre homme et animal. Il questionne donc in fine la question de subordination généralement acceptée de l'un par l'autre, la dépendance qui en découlerait et la place de ces êtres dans le monde. Ces questionnements, traités avec une ironie mordante, qui symbolisent parfaitement la position du maître, écartelé entre expérimentation et divertissement, compose un excellent film d'épouvante.

 

 

Elephant man, de David Lynch

Si les trucs chelous d'Eraserhead et les lapins crétins d'Inland Empire vous laissent de marbre, mais que vous brûlez de comprendre la fascination provoquée par les travaux de David Lynch, Elephant man fera office de parfaite entrée en la matière. Le cinéaste y accomplit un superbe grand écart entre ses obsessions expérimentales et ses récits plus conventionnels, lequel aboutit à l'un des plus vibrants cris d'humanité jamais vu au cinéma, au propre comme au figuré. Tous les hommes n'ont pas toujours été considérés comme des humains, c'est ce que nous rappelle l'artiste, si bien qu'on ne l'oubliera plus.

 


 

 

 

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