Liam Neeson en 10 rôles

Simon Riaux | 27 février 2012
Simon Riaux | 27 février 2012
Irlandais élevé au grain, comédien à la carrière aussi prolifique que diverse, Liam Neeson est un de ces caméléons dont les choix attirent, fascinent et questionnent. Bourrin burné, cérébral peu banal, héros tendance mélo ou histrion tout de passion féru, Liam est aujourd'hui aussi crédible quand il invoque les forces de l'esprit que quand il broie l'échine d'un souteneur écorchant la langue de Samuel Beckett. Le pourquoi du comment en 10 rôles mémorables.

 

 

 

Excalibur, 1981

C'est un film culte qui accueille le premier rôle remarquable de Liam Neeson. John Boorman remarque le comédien sur les planches de l'Abbey Theater et voit immédiatement en lui Gawain, celui qui confondra la trahison de Lancelot et Guenièvre. Une première partition qui contient une bonne partie des futurs ingrédients de sa filmographie : un classicisme classieux, une virilité toute chevaleresque et une habilité en selle que relèveront tous les membres de l'équipe. Tout preux et noble qu'il soit, le beau Liam impressionne déjà par son port de l'épée.

 

 

Mission, 1986

Neeson remporte ici haut la main le défi qui attend tout aspirant star à Hollywood : la confrontation avec les dieux vivants. Et si Robert de Niro et Jeremy Irons tiennent incontestablement le haut de l'affiche, l'acteur n'a jamais à rougir face à eux, et sait atirer la caméra sur lui à la moindre de ses répliques. Une force nouvelle, qu'il n'avait pas su exploiter au mieux deux ans plus tôt, face à Mel Gibson et Anthony Hopkins, dans The Bounty. Mais cette époque est révolue, et l'on sent l'irlandais capable de en faire qu'une bouchée du proto-parrain et de Hans Gruber.

 

 

Darkman, 1990

Sam Raimi n'est pas encore le réalisateur de Spider-man, et Liam attendra encore pour gagner ses galons de déboiteur de mâchoires, mais déjà tout est dit. Le comédien joue comme personne de sa douceur apparente pour laisser poindre une rage éruptive, qui s'accommode singulièrement des prothèses, masques et autres maquillages. Contre toute attente, la mise en scène délirante et insaisissable du réalisateur n'étouffe jamais son personnage, servi par un comédien impeccable, dont on commence à comprendre qu'il sera bientôt un grand. Un rôle qui symbolise avant son avènement la nature protéiforme de l'artiste déjà suffisamment au fait de son art pour faire cohabiter académisme british et comics amerloque, soit la recette inégalée pour une tourte grand public qui tienne au corps.

 

 

La Liste de Schindler, 1993

Pour gagner ses galons de grand cinéaste (que le public lui avait déjà offert depuis longtemps) Spielberg devait se mesurer à un sujet difficile et profond, capable de l'élever, et pour y parvenir, se projeter à travers un comédien qui trouve là une nouvelle dimension. Ce sera le cas avec Liam Neeson, déjà identifié par les spectateurs, et qui trouve ici son plus grand rôle à ce jour. Immortalisé par le noir et blanc tour à tour grandiose et funeste du metteur en scène, son visage, son intonation et son jeu font petit à petit corps avec une œuvre remarquable, qui a posé des jalons encore inoubliables aujourd'hui pour une grande partie de l'audience.

Michael Collins, 1996

"Reviens Liam ! On a les mêmes à la maison !" Se sont exclamés les irlandais comme un seul homme, probablement un poil agacé de voir leur géant d'artiste maison faire les beaux jours du cinéma outre-Atlantique. Pas encore tout à fait américanisé, et désireux de rappeler aux mangeurs de burger que sa contrée natale n'exporte pas que des pommes de terre, Liam a recours à la pirouette la plus efficace quand il est question de se bâtir talentueusement une réputation : l'incarnation du Patriote. Et avouons sans ambages que le résultat est autrement meilleur que Rob Roy.

 

 

La Menace Fantôme, 1999

Liam, il ne perd pas son temps. Peu de ses confrères seront parvenus à jouer dans un nanar cosmique et une œuvre de légende en même temps. Et pourtant, grâce à un George Lucas bourré à la liqueur de radis, des CGI à faire vomir un borgne daltonien, un scénario écrit par un poisson rouge, et une implication personnelle que nous qualifierons de flottante, l'artiste a réussi. Homme de paradoxes et de contradictions, il le sera jusque dans le plus important projet (sur le papier) auquel il lui aura été donné de participer. Personnage attendu par des millions de fans, Qui-Gon Jin ferait passer les héros de Mortal Kombat pour des condensés de conflit Shakespearien. Une contre-performance sans doute, mais d'une ampleur telle qu'elle en devient majestueuse.

 

 

Gangs of New York, 2002

Comme me disait une vieille tante, « en cinéma comme en amour, moins c'est long, plus c'est bon. » Un adage qu'a dû entendre Liam dans son enfance, prononcé par quelques pythie irlandaise, dans un patois aussi glorieux que le dialecte auvergnat que mon aïeule et moi-même invoquions lors de rites dont la teneur crapoteuse m'interdit de révéler les détails. Tout cela pour dire que le Prêtre Vallon est aussi peu présent dans la fresque baroque de Scorsese que marquant, et qu'il n'y avait probablement que Neeson pour lui insuffler en une poignée de plans l'essence profondément paradoxale qui est la sienne. Prédicateur, homme de l'esprit, protecteur, guerrier sanguinaire. Irlandais quoi.

 

 

Batman Begins, 2005

La boucle est bouclée. 15 ans après avoir incarné un héros sans visage, Liam Neeson prête ses traits au méchant matriciel d'une des plus belles et symboliques licence de l'univers DC, Rah's al Ghul. Mentor et Nemesis de Batman, il aura pour tâche de lui faire affronter ses propres démons et in fine, choisir une voie. On passera sur son evil sidekick aussi effrayant qu'un épileptique à l'hygiène douteuse, Épouvantail de pacotille qui écorchera hélas la crédibilité de Rah's. Mais qu'importe, une fois encore, le personnage écrase tous les autres, et le voir abandonner Bruce Wayne dans le brasier de son manoir pulvérisé demeure un des plus impressionnants moments de bravoure de la saga, tout interprète et réalisateur confondu.

 

 

Taken, 2009

Depuis son petit rôle sur L'Inspecteur Harry est La Dernière Cible, Liam se disait qu'il lui irait comme un gant ce rôle de héros tellement priapique et puritain qu'il en conçoit un irrépressible besoin de briser les os de tous les proxénètes qu'il croise. Vingt ans plus tard, l'acteur est prêt à emmener la figure du justicier badass dans ces derniers retranchements, grillades de cojones option pinces croco, dispersion de rotules diplomatiques, un festival de violence ahurissant, qui nous prouve qu'il manque à Bruce Willis bien plus qu'une coiffure pertinente pour redevenir le roi de la tatane. Notez que jamais à court de contradictions, Liam se sera fait naturaliser américain après le tournage de Taken, et envisagerait de se convertir à l'islam après son travail sur le second.

 

 

Le Territoire des loups, 2012

Après quelques partitions peu recommandables du côté de L'Agence tous risques et du remake de Pour Elle, Liam veut prouver que sous le bourrin, un cœur d'acteur bat. Mission accomplie avec ce rôle dense, qui tient comme jamais le grand écart entre survival et drame dépressif. Un flingue dans la bouche ou une machette de fortune à la main, le personnage d'Ottway habite le film d'une présence tantôt fantomatique, tantôt carnassière, à mi-chemin entre London et Melville, tandis que Carnahan l'inscrit dans un décorum naturaliste grandiose.

 

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