Gérardmer 2012 : jour 2

La Rédaction | 27 janvier 2012
La Rédaction | 27 janvier 2012

À peine remise de l'accueil chaleureux du Grand Hôtel géromois, de son sympathique Riesling et de son mythique Gin Fraise, la Team EL dut faire face à une rude et dense journée. Les festivités s'ouvrirent sur les sièges tannés par des générations de spectateurs du Cinéma Paradiso (sic), l'une des plus petites et pittoresques salles de Gérardmer. Le lieu, qui accueillit jadis la sélection des inédits vidéo, demeure une des salles les plus atypiques qui soit, où les talents stratégiques des divers spectateurs jouent à plein. En effet, pour profiter au mieux de l'endroit, une rigoureuse stratégie de placement s'impose : trop près de l'écran, vous devrez protéger vos frêles tympans d'une sono un chouïa gourmande, trop éloigné, vous découvrirez que projeter un film en sonorama n'est pas un concept porteur. Ambiance roots et bon enfant donc, soit la recette idéale pour apprécier à sa juste valeur The Woman de Lucky McKee, que Simon était le seul à ne pas avoir encore découvert.

 


Si le long-métrage a déjà fait la gloire de nombreux festivals et a été abondamment chroniqué chez nous, il n'en demeure pas moins une péloche énervée comme on en fait trop peu. Improbable brûlot, qui n'épargne rien ni personne, et surtout pas le patriarcat occidental, le film a été accueilli avec un enthousiasme impressionnant pour une séance matinale, preuve que l'on peut massacrer allégrement des bambins à l'écran, et faire le bonheur du public. Bonheur qui fut rapidement modéré lorsque la Team se reforma pour visionner le grotesque Beast, premier film de la compétition. Vague concept de court-métrage, étalé sur 83 minutes, la chose narrait la laborieuse descente aux enfers d'un Danois découvrant l'adultère de sa mutique épouse. À condition de ne porter que peu d'intérêt à la narration, de ne pas se soucier des (interminables) dialogues, d'ignorer une mise en scène monomaniaque et un concept redondant, il n'était pas interdit de passer un bon moment.

 


Rassérénés par un buffet plus que généreux, notre équipe de choc prit la lourde décision de se séparer, afin de faire honneur à notre légendaire réputation d'ubiquité. Aude prit donc le chemin de la conférence de presse de Sieur Ron Perlman, dont elle vous révèlera sous peu les arcanes, tandis que Laurent se précipita sur Jean-Jacques Annaud tel la vérole sur le bas clergé, bien décidé à obtenir une interview historique. Entretien que vous découvrirez sous peu, et où il aura été question du Nom de la Rose, et de la séquence mythique figurant dans notre classement des meilleures scènes de sexe... Simon, n'écoutant que l'amateur de Z sommeillant en lui, se rua sur la projection de The Day.

 

 

Faut-il y voir les effets conjugués du Gewurztraminer, d'une averse glaciale, suivie d'un vin chaud à forte teneur en sucre ? Nul ne le saura, toujours est-il que cette relecture de La Route, version série B d'jeuns fauchée fit son petit effet, grâce à une photographie léchée, et un budget aussi modeste qu'intelligemment utilisé. Ajoutez à cela un casting au poil, Dominic Monaghan et Shannyn Sossamon en tête, une poignée de scènes réussies, et vous tiendrez là la recette du parfait péché mignon festivalier. Fatigué mais heureux (voir vin chaud), Simon retrouva Aude, électrisée par les quelques minutes passées aux côtés de Ron Perlman, lequel la surnommerait depuis “mohn pétite Alien blonde.“ Ne sachant trop à quoi s'attendre, le duo prit le chemin de La Maison des ombres, premier film britannique dézingué par Laurent lors du festival de Toronto qui l'avait qualifié de "Les Innoncents du pauvre.

 



Un verdict probablement dicté par l'aigreur d'avoir loupé The Raid, tant le long-métrage impressionna la rétine des deux compères. Élégie funèbre et vénéneuse, le premier film de Nick Murphy pourra se vanter d'avoir été la première véritable claque du festival. Doté d'un scénario d'une intelligence et d'une profondeur peu commune, cette histoire de maison hantée parvient à manier quantité de thèmes et d'émotions avec une réussite qui confine souvent au virtuose. Aidé par une magistrale Rebecca Hall et un Dominic West impeccable, ce songe mélancolique finit de hanter le spectateur par son élégante poésie, et une fin bouleversante, d'une ambiguité glaçante.

 

 

« Ça vaut pas Darkest Hour » ! lança le rédac chef (NDRC, ou comment dire n'importe quoi pour faire de la belle tagline de festival), après avoir vigoureusement tancé ses troupes, privées de dessert pour faute de goût. « Puisque c'est ça, on va voir Pastorela tous ensemble ! » Heureusement la punition fut des plus douces, grâce à cette production mexicaine fleurant bon le délire azimuté, et l'évènement exceptionnel qui la précéda. Nous vous parlions quelques lignes plus haut de l'impressionnant Ron Perlman, venu à Gérardmer recevoir des mains de Jean-Pierre Jeunet et Jean-Jacques Annaud une coupe symbolisant son inoubliable carrière. Le comédien, visiblement ému, échangea quelques anecdotes avec un public fébrile. Nous apprîmes ainsi que le grand Ron se voyait honoré de la sorte pour la toute première fois, que le français demeurait pour lui un rite incantatoire mystérieux, malgré les efforts répétés de Jeunet pour le faire s'exprimer dans la langue de Joeystarr.

 

 

 

Un grand moment d'émotion, suivi d'un festival de n'importe quoi intitulé  Pastorela. Jugez plutôt : alors que se prépare comme chaque année la pastorela (pièce mettant en scène la nativité) d'une petite ville, un bouleversement dans la distribution provoque un affrontement acharné entre tenants du bien et du mal. Nanti de personnages incroyables, dont un cureton fornicateur et une nonne à la cuisse hospitalière, le film déroule des gags tous plus hénaurmes les uns que les autres, tandis que ce petit monde se dirige gentiment vers une apocalypse annoncée, au gré de délires et rebondissements invraisemblables. On pourra juger l'ensemble déséquilibré et un trop léger, le long-métrage n'en déclencha pas moins dans la salle et les rangs de la Team EL de francs éclats de rire.

 

 

Notre chef bien aimé ne fait pas que critiquer notre bon goût (pour rappel, cet homme aime Indy 4, GI Joe et même un peu Van Helsing), il va aussi voir les films hors compétition rappelant que lui le grand voyageur a déjà vu les oeuvres précitées. Sauf qu'il a beau faire le malin, quand il revient le lolo en fin d'après-midi, il a les yeux qui saignent. Alléché par les qualités cinématographiques que Tonton avait décelé dans Rabies (Un survival de petit malin qui fonctionne plutôt bien malgré quelques rebondissements bidons. Roh, et la blonde en jupette de tennis est une putain de bombe), Laurent est revenu avec l'envie d'étrangler à distance Tonton tant ces petits meurtres entre juifs lui ont paru bien vains. De toute évidence, le duo de réalisateurs fait preuve d'habilité technique pour jongler avec ce jeu de massacre aussi graphique que loufoque mais le but de l'entreprise reste plus que nébuleux. 

 

Mais Laurent était loin d'être au bout de sa peine puisque lui aussi a retrouvé la salle du Paradiso mais non pour se prendre une claque du type The Woman mais plutôt pour souffrir le martyr avec Comforting skin. Il a beau avoir envoyé des sms SOS, on l'a laissé s'ennuyer (un des sms évoquait la possibilité de s'immoler par le feu) devant cette histoire horriblement longue (110 minutes) d'une jeune femme mal dans sa peau qui va tomber amoureuse de son... tatouage. La jeune comédienne a beau se montrer convaincante et même se dénuder, rien n'y fait tant cette histoire de folie amoureuse souffre d'un traitement visuel insipide, sans parler d'une utilisation de la musique assourdissante, qui prit des allures de supplice insoutenable avec l'accoustique d'un autre âge du Paradiso.

 

 

 

Ainsi s'acheva cette deuxième journée de festival, aussi riche que variée. Mais rassurez-vous, la prochaine s'annonce d'ores et déjà dantesque, puisque Laurent et Aude ont décidé de s'adonner aux joies du strip-pyjama-poker, concept Vosgien très en vogue, tandis que l'auteur de ces lignes ira tâter du goujon teuton grâce au Blood Creek de Joel Schumacher, slasher débridé où Michael Fassbender joue les zombies nazis.

 


 

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