Sarlat 2011 : Du foie gras, du canard...et des (bons) films

Laurent Pécha | 29 janvier 2012
Laurent Pécha | 29 janvier 2012

Soyons honnêtes quelques instants : il y a des festivals que l'on couvre avant tout pour l'attrait cinématographique qu'ils proposent et il y a des festivals qui vous attirent pour des qualités autres comme c'est le cas de celui de Sarlat. L'odeur de la bonne chair, celle du foie gras et du canard sous toutes ses formes, a donc eu raison de la résistance de votre serviteur. Un coup de fil à sa nutritionniste pour annuler le rendez-vous prévu et lui expliquer vaguement que de petites entorses à son menu allait être opérées dans les jours à venir et direction le sud-ouest de la France pour découvrir ce que le 20ème festival de Sarlat allait me réserver dans l'assiette...euh aussi en films. Car, c'est bien beau de manger et boire divinement pendant quelques jours (merci à ma charmante collègue, Geneviève Cheval de Paris Normandie de ses dons généreux au niveau des desserts et du vin), il est de bon ton de relayer la solide sélection que nous avait concocté la fine équipe du festival (on ne dit pas ça pour être réinvité, quoique, mais l'organisation a été des plus efficaces tout au long du séjour).

 

(c) Eric Catarina
 

 

Dans un festival destiné à la jeunesse, Sarlat accueillant les lycéens de France et de Navarre (600 cette année) pour les faire notamment rencontrer les professionnels tout en travaillant sur leur épreuve de cinéma du bac, cette année c'est le Conte d'Eté d'Eric Rohmer, 8 films français étaient en compétition avec à chaque fois des membres de l'équipe des films pour venir faire la promotion et rencontrer la presse et le jeune public.  Mais ce n'est pas tout puisque le festival proposait aussi de découvrir 21 autres films, essentiellement français avec quelques exceptions comme Le Chat potté, qui vont faire ou font l'actualité des jours et semaines à venir. On a pu ainsi rattraper notre boulette de Saint-Jean de Luz où le vainqueur nous avait échappé en allant voir Une bouteille à la mer, joli film sur l'histoire d'amour virtuelle entre une jeune française juive installée à Jérusalem et un jeune palestinien. Un film que l'on a pu découvrir dans une salle remplie de ces jeunes lycéens visiblement touchés par cette histoire universelle.

 

 

 (c) Eric Catarina
 

 

Mais place à la compétition qui a montré un éventail assez large de la production française : film politique engagé, polar, comédie vaudevillesque, romance, drame social,...Il y avait de tout pour satisfaire son auditoire. Mais celui qui a vraiment fait l'unanimité, c'est le film de Mathieu Kassovitz, L'Ordre et la morale que vous pourrez voir mercredi prochain. C'est simple, il a raflé tous les prix possibles : prix du public, prix des lycéens et prix du jury jeune. C'est grâce aux acteurs que les autres films ont pu exister avec François Damiens qui remporte le prix d'interprétation pour sa performance lunaire et désopilante dans l'attendrissant La Délicatesse de David et Stéphane Foenkinos. Pour Deborah François, lauréate du prix d'interprétation pour son joli rôle de caissière aspirant à un monde meilleur dans Les Tribulations d'une caissière, bluette décevante sous forme de conte de noël adaptant le roman à succès du même nom d'Anna Sam,  la compétition n'était pas élevée faute de rivales d'envergure si ce n'est Audrey Tautou dans La Délicatesse.

 

(c) Eric Catarina

 

Autre film léger mais qui est lui reparti bredouille, Un jour mon père viendra, a permis de découvrir pour la première fois à l'écran la chanteuse, Olivia Ruiz. Sobre et appliquée, la jeune femme laisse transparaître un talent pour la comédie que l'on a envie de revoir. Elle a en tout cas déjà un visage qui imprime bien la pellicule. A ses côtés, le scénario qui « oppose » deux pères pour le cœur de leur fille, est du pain béni pour le duo retrouvé des Choristes, François Berléand et Gérard Jugnot. L'un joue le détachement et la froideur avec délectation pendant que l'autre interprète ce « beauf » au grand cœur qui lui va si bien. Dommage que les rebondissements autour du mariage de la belle ne décollent jamais vraiment faisant d'Un jour mon père viendra une comédie vite vue vite oubliée. (2,5/5)

 

 

 

Beaucoup plus plaisant, Et si on vivait ensemble ?  joue presque sur du velours avec son casting estampillé « mémoire du cinéma que l'on aime ».  Unir sur grand écran le grand blond (Pierre Richard) et la belle blonde (Jane Fonda), voilà bien une idée de cinéma qui emporte notre adhésion. Et comme le sujet, la communauté à 75 ans peut-elle envisageable ?, offre tout loisir au casting carte vermeille de grande classe (Claude Rich, Guy Bedos et Géraldine Chaplin complète la distribution) de faire leur joli numéro, on s'amuse beaucoup durant la projection. (3/5).

 

 

 

Après ces légèretés plus ou moins satisfaisantes, l'heure n'était plus à la rigolade avec les trois derniers films de la compétition (on n'a pas vu Let my people go, projeté en fin de festival et qui devrait sa sélection, selon une légende urbaine, à l'empressement d'un enthousiaste attaché de presse nommé....chut, on garde le secret de nos sources). Cédric Kahn fait vivre l'enfer à Guillaume Canet dans Une vie meilleure, drame social montrant avec une belle justesse comment les rêves d'entreprise peuvent vite se briser face à un système économique où l'humain n'a que peu de place.  Superbement interprété par le comédien bien épaulé par le jeune Slimane Khettabi et Leila Bekthi (à qui le drame va si bien), Une vie meilleure confirme la bonne santé du cinéma éclectique et intelligent de Cédric Kahn. (3,5/5).

 

 


 

Les Lyonnais et L'Ordre et la morale, les deux poids lourds nationaux de cette fin d'année 2011 pour cause notamment de sujets brûlants et de réalisateurs charismatiques à la barre (Marchal et Kassovitz) ont fait honneur à l'attente qu'ils avaient pu susciter mais sans jamais réussir à convaincre totalement. Les Lyonnais souffre d'une durée bien trop courte pour ne pas laisser la frustration s'installer face à l'ambitieuse narration de la saga d'un des gangs de braqueurs les plus célèbres que la France ait connus. Une frustration tempérée par une deuxième vision qui permet de gommer le manque d'empathie pour un récit qui file trop vite. En l'état et même si de l'aveu du réalisateur en personne le montage initial de 3h10 était « chiant », Les Lyonnais possède une réelle efficacité narrative tout en distillant des valeurs à l'ancienne presque romantiques, marque de fabrique de Marchal, dur au cœur tendre. Des valeurs que les comédiens incarnent parfaitement à l'image de Gérard Lanvin à qui le cinéma de l'auteur de 36 convient vraiment bien. Après avoir discuté avec le cinéaste qui nous a bien expliqué la genèse complexe du montage du film (la vidéo à la sortie le 30 novembre), on n'abdique pas pour autant et on espère bien un jour voir, au moins en scènes coupées bien introduites, ce que l'on nous a enlevé.  (3,5/5)

 

 

 

Le grand vainqueur de cette 20ème édition fait plaisir à voir car c'est en rentrant enfin au bercail que Mathieu Kassovitz retrouve une grande partie de son talent narratif qui lui avait tant fait défaut dans sa parenthèse américaine. Son Ordre et la morale, retraçant la prise d'otages tragique d'Ouvéa en 1988, permet de retrouve le cinéaste engagé de ses débuts. Celui qui sait manier un sujet brûlant en n'oubliant jamais qu'il fait aussi un film de cinéma à l'image de deux magnifiques plans séquences. Fidèle à la réalité ou pas (les déclarations se multiplient ces derniers temps dans les deux sens), son film a l'immense mérite de remettre sur le devant de la scène un moment peu glorieux de notre Histoire avec un sens du savoir-faire technique et narratif qui est l'apanage plus coutumier du cinéma américain.  (3,5/5)

 

 

 

Palmarès du 20ème Festival du Film de Sarlat

 

LONGS METRAGES

 

PRIX DU PUBLIC (vote du public, prix de la ville de Sarlat)

L'Ordre et la morale de Mathieu Kassovitz

 

PRIX DES LYCEENS (vote des lycéens, prix du conseil régional d'Aquitaine)

L'Ordre et la morale de Mathieu Kassovitz

 

PRIX DU JURY JEUNE TPS STAR (prix du conseil général de la Dordogne)

L'Ordre et la morale de Mathieu Kassovitz

 

PRIX D'INTERPRETATION FEMININE 

Deborah François dans Les Tribulations d'une caissière de Pierre Rambaldi

 

PRIX D'INTERPRETATION MASCULINE 

François Damiens dans La Délicatesse de David et Stéphane Foenkinos

 

COURTS METRAGES

 

1er prix, doté par France 3 Aquitaine

Micha Mouse de Mathieu Busson

 

2ème prix, doté par KODAK:L

L'Accordeur d'Olivier Treiner

 

PRIX DES FILMS LYCEENS (jury) doté par le Festival

 

1er prix: Lycée d'Arsonval à Brive pour Hasta Cuando

 

2ème prix: Lycée de Noordover à Grande Synthe pour Le Voyage d'Edmond 

 

3ème prix: Lycée René Cassin à Bayonne pour Presque 

 

Un grand merci à Eric Catarina pour ses photos.

Remerciements à l’ensemble des membres du festival pour leur accueil. Et en particulier à Julie, la reine de la logistique. Et un grand merci à Muriel Alphen et Nicolas Hoyet pour leur disponibilité et réactivité.

 

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