Venise 2011 : jour 5

Simon Riaux | 4 septembre 2011
Simon Riaux | 4 septembre 2011
Retranscription d'une communication cryptée entre J. Edgar Pécha et l'Agent S.


J.E.P : Bon agent S, c'est quoi ce bordel ?

Agent S : Mais quel bordel chef ?

J.E.P : Tes rapports sur Venise, tout le monde s'en bat les steaks. Même la Strike team de Deauville fait plus d'audience, et sans voir les films ! T'as intérêt à corriger ça vite fait, sinon je t'envoie faire des newsletters à Saïgon.

Agent S : Je ne comprends pas chef, j'essaie de faire tout bien pourtant, je parle des longs-métrages projetés, je raconte quelques anecdotes... Je peux tenter un peu de versification, mais c'est pas trop la hype les alexandrins en ce moment.

J.E.P : Et les conférences de presse espèce de stagiaire, tu en parles des conférences de presse ?

Agent S : C'est que heu... il ne s'y dit pas grand chose en fait.

J.E.P : Tu me prends pour un cave ? Tu y es allé aujourd'hui ? Qu'est-ce qu'il s'est dit ?

 



Agent S : J'ai vu celle de James Franco, venu présenter Sal, son biopic sur Sal Mineo. Il est arrivé visiblement un peu fatigué, faut dire qu'il était seulement midi, alors il s'est fendu d'un « Merci d'être venu. » Le jeune homme semblait craindre un peu la confrontation avec la presse, mais tout s'est très bien passé. Quand on lui a demandé pourquoi il avait opté pour une forme proche du cinéma expérimental, il a répondu qu'il avait souhaité « faire un portrait émotionnel plus que factuel de Sal Minéo, pas quelque chose que l'on puisse trouver sur Wikipedia, quelque chose que seul un acteur, un artiste, puisse transmettre. » Il a ajouté que Gus Van Sant était sa principale influence, avant de se lancer dans une diatribe polie contre le système, qui ne serait pas autre chose que du business, et auquel il voulait échapper en tant que réalisateur.

 

 



J.E.P : Ok, je vois le genre, mais Shame, ça a dû être un peu plus consistant non ?

Agent S : Il y a d'abord eu une série de questions sur les nombreuses scènes de nudité frontale du film, leur raison d'être et ce qu'en pensait Michael Fassbender. Ça eu l'air de pas mal agacer Steve McQueen, qui a rappelé à plusieurs reprises que les acteurs sont « payés pour communiquer avec leur corps, et que la nudité ne changeait pas la nature de leur travail. » Il a en plus précisé que Shame traitait d'un homme qui « bâtissait une prison avec son propre corps, » un homme « à la recherche de l'intimité, mais qui ne peut pas la trouver, elle n'existe plus. » Michael Fassbender a simplement ajouté qu'il n'était pas à l'aise avec les scènes en question, mais excité par le challenge global du film. Après il m'a semblé faire une plaisanterie sur une certaine partie de son anatomie, mais la traduction s'étant brusquement interrompue, je dis peut-être une énorme connerie.

J.E.P : Énorme* comment ?

Agent S : Quoi donc ?

J.E.P : Le... heu... enfin, la... Bref, c'est quoi cette histoire de traduction ?

 

 

 

Agents S : Les micros se sont mis à couiner, on n'entendait plus rien, c'est dommage, parce que Steve McQueen était justement en train d'expliquer pourquoi « New York est un personnage à part entière » de son film, et comment cette ville, emblématique de la société occidentale, est partiellement responsable de la condition de son héros.

J.E.P : Et Carey Mulligan, il en a parlé ?

Agents S : oui, il a dit « Carey Mulligan, elle est australienne, et j'en suis navré. »

J.E.P : Bon bah tu vois quand tu veux... J'espère que t'as vu pleins de films aujourd'hui.

Agent S : seulement Shame en fait. Qui soit dit en passant est brillant, Steve McQueen y fait montre d'une maîtrise du cadre absolument sidérante. Sa réalisation coupe souvent le souffle, rehaussée par un montage acéré, une lumière qui épouse à merveille l'état d'esprit des personnages. Ces derniers sont joués par Fassbender et Mulligan, et ils en jettent grave, pas évident pourtant de donner corps à ces deux écorchés vifs, cadre supérieur obsédé suexuel pour le premier, soubrette chanteuse en perdition pour la seconde. Le propos est fascinant, le metteur en scène dresse un état des lieux tranquillement apocalyptique des relations humaines dans le monde occidental. Pour l'Agent G. et moi-même, cela devrait rester une des claques du festival. Si vous voulez en savoir plus chef, je vous recommande la critique, qui se trouve par ici.

Il y a encore deux films que nous devons voir mais les projections commencent à partir de 20h, alors je me disais que je ferais bien d'écrire le compte-rendu maintenant, parce que je ne serais pas sorti avant 1h du matin. Dites chef, je peux le faire maintenant mon compte-rendu ?

J.E.P : T'as le numéro de Montana Fishburne ?

Agent S : Non.

J.E.P : bah voilà, t'as ta réponse.

 

 * en français dans le texte

 

 


 

 

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