Le cinéma fantastique espagnol : Esthète et singulier !

Jonathan Deladerriere | 14 juillet 2011
Jonathan Deladerriere | 14 juillet 2011

Le cinéma fantastique espagnol : portrait d'un septième art esthète et singulier

Alors que la production fantastique ibérique explose depuis plus d'une décennie, et pour la sortie prochaine du film de Gonzalo Lopez-Gallego : Apollo 18, l'heure est au constat lucide, et forcément non exhaustif, sur une œuvre protéiforme.

 


 

Cicatrices et transgression

 

Du premier métrage réalisé par une caméra espagnole en 1897 : Rina en un café, à la propagande documentariste ou l'envolée des films indépendants (panacée des festivals occidentaux), nulle question ici d'évoquer l'intégralité du parcours d'un septième art aussi unique que respecté. Tâchons toutefois de nous pencher sur l'intérêt que porte aujourd'hui la planète cinéma aux films fantastiques du quatrième producteur mondial de longs-métrages.

 

Emergence et âge d'or

 

L'une des premières explications de cette propension à foutre les jetons est un douloureux passif. Alors que les japonais métaphorisent leur traumatisme du nucléaire dans le personnage de Godzilla, nos amis espagnols, eux, exorcisent leurs démons à travers peurs enfantines et personnification de l'indicible.

Eu égard à une censure franquiste n'acceptant une épouvante qu'en dehors des frontières et n'égratignant pas le régime, la production sous-évaluée de l'époque dût patienter jusqu'à la fin des années 60 pour y laisser exploser une créativité teintée de rage.

Tardive donc, mais portée par certaines figures locales, de Jorge Grau à Paul Naschy, la production se veut désormais figurative et inspirée. Forcément révérencieuse vis-à-vis du modèle anglo-saxon, celle-ci va pourtant surprendre ses anciens mètres-étalons grâce à deux auteurs devenus incontournables : Jésus Franco (quel pseudonyme !), et Narciso Ibáñez Serrador : uruguayen de naissance, espagnol de cœur.

Le premier, controversé et souvent raillé, demeure pour nombre d'amateurs de série B, le père de l'épouvante en Espagne. Aujourd'hui reconnu et récompensé (il reçut récemment un Goya et fut l'objet d'une rétrospective à la Cinémathèque de Paris), le cinéaste fut pourtant contraint de quitter sa terre natale pour tourner certains de ses films.

Il développera ainsi, sur près de vingt années, l'obsession lugubre d'une épouvante décalée.

 


 

En effet, avant de s'attacher, début 70, à une œuvre surréaliste et onirique oscillant entre psychédélisme et érotisme, le réalisateur livrera toutefois certaines adaptations très personnelles de classiques de la littérature.

S'inspirant des plus illustres : de Bram Stoker à H.P Lovecraft, le cinéaste cite, il est vrai, tous les poncifs du genre. Frankenstein, La Chute de la maison Usher ou Les Yeux sans visage de George Franju, le metteur en scène ne cache ni son admiration pour la célèbre firme Hammer, ni pour les monstres d'Universal.

Celui-ci dépassera toutefois son simple statut d'exécutant, en illustrant par exemple, et pour la première fois sur grand écran, les canines proéminentes d'un Dracula s'abreuvant du sang de ses victimes.

Adepte de certaines touches érotiques de plus en plus présentes, il s'exilera enfin  au milieu des années 60 afin d'échapper à la censure franquiste, et ainsi exercer son « art » en toute liberté. Mais ceci est une autre histoire...

Autre cinéaste aujourd'hui devenu culte : Narciso Ibáñez Serrador.

Après le déjà traumatisant La Résidence, le réalisateur livre avec ¿Quién puede matar a un niño? un film d'une puissance évocatrice absolument dévastatrice. Lorgnant du côté d'Hitchcock et de ses Oiseaux, le cinéaste filme avec une âpreté difficilement soutenable, l'impensable revanche d'enfants bien décidés à jouer avec ces adultes devenus insectes de proies.

 


 

Comme avec le sublime La Malédiction et sous les oripeaux de l'indicible, le metteur en scène dresse le portrait d'une jeunesse sans repères. Un traitement du parricide à son paroxysme qui influencera toute une génération de cinéastes, notamment avec les récents Esther ou Joshua.

Héritiers de l'esprit surréaliste, les deux réalisateurs forment donc avec Jorge Grau (Cérémonie sanglante), et Vicente Aranda (La Mariée sanglante), les adversaires véhéments de la bourgeoisie franquiste et des valeurs matriarcales.

Alors au creux de la vague à la  fin 70 (tout juste compte-t-on certains films de morts-vivants comme El Buque maldito en 1974 ou La Noche de las gaviotas en 1975), le cinéma fantastique espagnol va pourtant connaître dans les années 90,  une véritable renaissance. Grâce à une nouvelle génération de réalisateurs libérés des codes inhérents au genre, celui-ci, devenu outrancier, iconoclaste, ou parsemé d'humour noir, crache depuis une odeur de soufre sur la production mondiale.

A l'image d'un John Waters, cette "nouvelle vague" fait alors valser les conventions pour mieux les dénoncer. 

 

Paco Plaza, Alex de la Iglesia, Alejandro Amenabar : portrait d'une génération de surdoués.

 

Le cinéma fantastique est une affaire de transgression. Juan Antonio Bayona

Alors que l'Europe, dans sa littérature également, exprime ses peurs face à la machine, au progrès industriel, ou à la perte d'identité, l'Espagne elle, ne commence qu'à peine une remise en question salvatrice. En effet, sans libre cours aux croyances et aux superstitions, point de terreau fertile pour l'éclosion d'un cinéma transgressif.

Mêlant habilement satire sociale et politique autant qu'imaginaire enfantin habité de fêlures, le cinéma fantastique espagnol reste influencé par sa douloureuse Histoire. Il parvient désormais, grâce à une subtile alliance de poésie et de déviance, à atteindre une incontestable spécificité.

 


 

De cette transition démocratique féconde, il résultera par exemple : Cannibal man d'Eloy de la Iglesia, et une satire sociale désenchantée, ou L'Esprit de ruche et un  processus d'identification  désormais inhérent au pays.

Comme un passage de témoin, le film exprime l'un des points forts du cinéma horrifique espagnol : l'identification. L'enfant s'amuse à  se faire peur, mais les images continuent de hanter...  Autrefois redéfinition du vice et de la vertu, le septième art espagnol laisse désormais exploser son pessimisme.

Faire de la transcendance divine un dépassement créatif effrayant

Composée de réalisateurs talentueux aux concepts riches et innovants, la jeune garde venue d'Espagne fait montre d'une virtuosité et d'une érudition cinéphilique assez impressionnante. Portant un regard neuf sur un genre désormais transcendé, ces cinéastes, lorsqu'ils ne sont pas financés par des fonds venus d'outre-Atlantique et tournés en anglais, font ainsi désormais l'objet d'un remake systématique.

Pourquoi Hollywood vit aujourd'hui à l'heure de la « Jota » ? 

Il semble tout d'abord, par souci d'authenticité, que la capitale mondiale du cinéma souhaite de plus en plus développer la langue espagnole dans ses films. Que les personnages soient latino-américains, ou que l'intrigue se situe en Amérique du sud, l'utilisation de sous-titres ne semble donc plus synonyme de fantasme cinéphile au pays de l'Oncle Sam. 

Brassage ethnique par excellence, l'Amérique se doit en effet tout simplement de refléter fidèlement ses multiples visages. Jadis, il n'y avait sans doute que des acteurs pouvant  prétendre à une certaine reconnaissance : Antonio Banderas, Salma Hayek, Penelope Cruz...

 


 

Depuis, Pedro Almodovar a ouvert la voie aux réalisateurs, rayonnant à l'international notamment grâce à Tout sur ma mère Oscarisé en 2000. 

Le premier à (r)ouvrir la brèche du fantastique sera Alex de la Iglesia (ruez-vous d'ailleurs sur son récent et toujours à l'affiche Balada triste !), avec le déjanté Action Mutante puis l'hilarant Le Jour de la bête.

Sonnant la mort d'un cinéma frileux (notamment le courant de la "Movida"), ce coup de pied dans la fourmilière exacerbe les ruptures avec cet art de « transition ». Tel un  Don Quichotte à peine éveillé, il étudie désormais le monde sous un nouvel angle, scindé entre déception et échec.

Ce n'est qu' ensuite qu'Alejandro Amenabar prendra le pouvoir à Hollywood, qui depuis,  Ouvre les yeux ...

Après Vanilla Sky, remake du film précité, Hollywood lui fera les yeux doux afin de tourner le magnifique et traumatisant Les Autres, avec Nicole Kidman.

Enfin, ce fut plus récemment le tour de Jaume Balaguero et Paco Plaza d'avoir droit à leur « relecture à la sauce Yankee » avec l'adaptation de Rec, et sous la forme quasi-identique d'En Quarantaine.

 


 

Huis clos portant au firmament la notion de tension, le film entremêle avec doigté possession démoniaque et expérimentation médicale. Satire des médias autant que prétexte sensationnel, la pellicule cite avec brio Alien ou L'Exorciste. Ce cadrage « à la manière de » n'est toutefois qu'une astuce contemporaine supplémentaire pour un film qui n'en demandait pas tant. Une réflexion qu'aurait sans doute dû effectuer l'imposteur Oren Peli et son insupportable Paranormal activity...

Ainsi, alors que Paco Plaza oppose avec maestria peurs ancestrales contre craintes futuristes, nos voisins d'outre-Atlantique ne semblent pas saisir le second degré du propos. Vernis friable des métaphores sous-jacentes de l'enfermement, le film ne joue en effet pas dans la même cour que son piètre homologue américain...

 

Mais quel est donc le secret des cinéastes espagnols ?

 

Aujourd'hui, L'Orphelinat de Juan Antonio Bayona ou Les Autres d'Alejandro Amenabar ne se travestissent plus sous les masques du vampire ou de Frankenstein pour dénoncer les dérèglements sociétales. L'un promettait l'alternative d'immoralité, l'autre le futur scientifique. Pour instaurer la peur, ces cinéastes reviennent eux, aux craintes enfantines les plus primitives...

Alejandro Amenabar confie ainsi qu'il a toujours gardé un doute sur « ce que l'on ne peut pas voir ».

Les réalisateurs espagnols contemporains conviennent donc cette crainte de l'inconnu et du manque de lumière (il suffit  de contempler le très beau Darkness de Jaume Balaguero), et personnifient leur envie de « pousser cette porte vers l'au-delà » sous les traits d'apparitions fantomatiques.

Les Autres, L'Orphelinat (encore les thématiques de la mort, de l'enfance...) ne sont donc que des pathologies créatives, des manifestations plus ou moins assumées d'une immense difficulté à accepter la mort.

 


 

Voilà donc une raison simple de l'universalité du succès du cinéma d'épouvante espagnol actuel : la même finitude de l'homme, des craintes universelles, des doutes religieux.

Mais au-delà de certains poncifs inhérents à ce type de métrage (apparition fantomatique surprise ou facies émacié...), la vague fantastique contemporaine se veut bien plus subtile que ces quelques artifices.

 

Un seul mot d'ordre : sobriété

 

Une autre raison qui semble donc faire du cinéma fantastique espagnol le plus effrayant du moment semble  être sa simplicité. Cette proximité, cette empathie immédiate, convoque en effet des réactions d'un naturel assez édifiant. Nul besoin de monstre de foire, la peur palpable, la vraie, c'est justement celle que vous ne voyez pas.

Juan Antonio Bayona semble être d'accord avec cette prise de position : « A Hollywood, la direction artistique est devenue aussi importante que les stars. Les «executives» usent et abusent des effets spéciaux, du son et de la musique pour hypnotiser le public. C'est leur façon de cacher le manque de bons scripts. Ce n'est pas la faute du public. Des films récents comme Sixième Sens, Blair Witch Project ou Les Autres ont prouvé leur potentiel commercial sans en rajouter sur les effets spéciaux. »

 

Angoisse, mise en abyme et virtuosité

 

Les réalisateurs précités semblent donc être les dignes héritiers d'un Santos Alcocer.

Sous l'épaisse crapace du « documenteur » (comme ont pu l'être Punishment Park ou Le Projet Blair Witch), ces cinéastes traitent ainsi avec brio les thématiques de l'enfermement et des peurs enfantines.

« Mes films ne fournissent pas de réponses mais des questions ». Voilà comment le maître Amenabar qualifie son cinéma : une oscillation chancelante entre thriller et fantastique. De son multi-récompensé Tesis à son récent et ambitieux Agora, le réalisateur semble donc ne jamais souffrir l'analyse.

Pourtant, à l'instar du récemment redécouvert La Semana del Asesino d'Eloy de la Iglesia, le cinéaste conceptualise la peur, la radicalise.

Certains des plus illustres metteurs en scène américains ne s'y trompent pas : le vivier est incomparable.

Ainsi, en réaction aux insupportables et illisibles « torture-porns » comme les franchises Saw ou Hostel, des monstres sacrés comme Brian Yuzna ou Stuart Gordon (Réanimator), fonderont en 2002, leur label Fantastic Factory à Barcelone. Les films sont dorénavant coproduits, et donc visibles à l'international.

 

 


 

Ne bénéficiant, à contrario de leurs voisins nordiques des crédits de la télévision (voir la critique peu subtile qu'est en réalité Rec), les productions hispaniques bénéficient toutefois de certaines largesses publiques, les provinces n'hésitant pas aujourd'hui à investir dans l'univers du frisson.

Le prodige Nacho Cerda, auteur des célébrés Abandonnée ou Aftermath, déversera d'ailleurs, grâce aux deniers publics, une pluie d'atmosphère putride dans les films précités.

Voilà par exemple comment ce dernier conceptualise l'effroi pour Abandonnée : « J'ai peu misé sur le gore, même s'il y en a dans la partie finale. Tout repose plutôt sur l'atmosphère et sur la manipulation du spectateur à travers sa perception du temps et de l'espace qui sont ici maltraités. La structure narrative refuse la linéarité et favorise l‘imprévu. Le film a ainsi un caractère onirique et cauchemardesque.
Ce qui m'intéressait ce n'était pas de montrer des choses horribles et de finir par un rebondissement surprenant, mais plutôt d'insister sur le cheminement qui nous mène à l'inévitable conclusion. Je ne voulais pas de conclusion complexe, mais un final simple, comme dans Aftermath où l'on sait ce qui va arriver sans que cela nous prive de ce sentiment de peur pour autant. Pour moi, depuis Sixième sens, on tend à trop abuser des retournements de situations finaux et cela détourne les spectateurs de l'essentiel
. »

Plus récemment, le protégé du cousin mexicain Guillermo del Toro : Juan Antonio Bayona, parvint, avec L'Orphelinat, à synthétiser l'élégance de la production ibérique des années 70 et à  distiller angoisse et inquiétude avec maestria.

Sous couvert de films de maisons hantés des plus classiques, le metteur en scène magnifie l'iconographie usitée, entremêle les thématiques politiques et sociales actuelles, et fait accéder un genre autrefois dénigré au statut d'œuvre d'art.

Catholicisme omniprésent ou industrialisation tardive : le cinéma fantastique espagnol métaphorise avec  génie ses barrières sociales. L'émanation d'une transcendance divine se fait aujourd'hui par le prisme du cadreur.

 

Un concept simple pour effrayer

 



Déséquilibre du réel, le fantastique est comme une intrusion souvent épisodique dans nos univers.

Mais là où se situe le génie ibérique et des films comme Abandonnée ou Fragile de Jaume Balaguero, c'est dans ce leitmotiv contrariant énormément notre appréhension du réel.

Subtile alliance d'onirisme et de déviance, cet univers parallèle s'épanouissant peu à peu avec ses lois, ses formes ou ses démons, trouve alors écho en autant de consciences qu'il n'existe de spectateurs. Un univers fantasmé d'autant plus effrayant lorsque subit par n'importe quels quidams.

Pour la promotion d'Abandonnée, Nacho Cerda expliquait : Ce qui caractérise mon cinéma, c'est cette possibilité qu'ont les spectateurs de pouvoir s'identifier aux personnages, qui ont ici un vrai passé de quadragénaire, et à leur confrontation avec la mort. Cette empathie rend le film effrayant, d‘autant que mon approche du sujet est volontairement froide et distante. C'est un film que j'aime décrire comme un virus qui s'insinue en nous sans se développer. Je connais des gens qui, sans être choqués ou déçus, ont été un peu déconcertés, mais à chaque fois le film est revenu les hanter dans les semaines qui ont suivi. »

 

Technique hollywoodienne, angoisse existentielle et paranoïa locale

 

Avant de refermer ces pages, impossible de ne pas citer certains leitmotivs et artisans œuvrant avec intelligence pour le genre.

 


 

Guillem Morales avec Les Yeux de Julia, Jaume Balaguero pour La Secte sans nom, Darkness au casting international, ou Fragile avec Calista Flockhart : difficile de faire un choix...

Atmosphère macabre liée à un contexte historique éprouvant, poésie lugubre esthétisante et raffinée, les motifs de se réjouir d'un tel renouveau se font multiples.

Car oui, c'est sans doute pour toutes ces raisons que l'Espagne fait aujourd'hui figure d'Eldorado en matière d'épouvante. Autrefois relecture peu subtile des productions britanniques ou américaines, la péninsule ibérique est donc devenue le terreau fertile des aficionados de l'horreur.

Qu'il soit dramatique dans L'Orphelinat en 2007, stylisé et rythmé pour Rec l'année suivante, ou totalement décomplexé et jouissif avec Le Jour de la bête, le cinéma fantastique espagnol n'a définitivement plus rien à prouver.

Si vous en doutez, jetez donc un œil à la magnifique anthologie de 6 films réunissant les meilleurs cinéastes du genre en activité : un hommage rendu aux anciennes Historias para no dormir.

La Culpa de Narciso Ibáñez Serrador, Para entrar de Jaume Balaguero... Le casting laisse pantois.

 


 

Les mètres-étalons

 

Oscillations subtiles entre perte de raison ou apparition fantomatique, difformité inquiétante ou handicap, ces prises de conscience et ces remises en question se font enfin les ultimes fondements grâce auxquelles le cinéma fantastique espagnol rayonne à travers le monde.

Qui n'a jamais eu l'impression d'être suivi, de sentir une présence, de voir,  ou d'entendre des choses que vous seuls ressentiez ? Des artifices d'une simplicité tellement confondante qu'ils n'en deviennent géniaux !

Pour la sortie de L'Orphelinat, Juan Antonio  Bayona confiait : « Le cinéma fantastique est une affaire de transgression. Il est censé nous emmener là où nous avons peur d'aller, il cherche à nous révéler des aspects de nous-mêmes que nous trouvons dérangeants. La difformité, le handicap et la maladie menacent notre stabilité. Il faut briser cet équilibre et le renverser. Et là, on a VRAIMENT peur. Qu'est ce qui est pire, la réalité ou le monde imaginé ».

Le propos est juste et trouvera écho dans le très dérangeant Aftermath de Nacho Cerda.

Coincé entre la vie et la mort, réel et imaginaire, et peuplé de personnages étranges et inquiétants, le film est ce qui se fait de « pire » en matière d'ambiance glauque et malsaine.

Enfin, impossible de ne pas évoquer plus précisément le cousin et patriarche mexicain : Guillermo del Toro, producteur notamment de L'Orphelinat et réalisateur des sublimes L'Echine du diable et Le Labyrinthe de Pan. Un film au contexte historique suffisamment évocateur quant à ses liens avec l'Espagne.

Guerre civile espagnole et fantôme pour L'Echine du diable, fascisme et conte de fée pour Le Labyrinthe de Pan, voilà comment le maitre distille l'effroi. Un mélange de peurs fantasmées et de blessures existentielles.  La structure narrative refuse ainsi la linéarité, favorise l'imprévu, et, allié à une sonorité agressive,  maltraite la temporalité.

Dénicheur de talent obsédé par les chairs et les craintes primitives, le réalisateur est sans aucun doute l'un des plus grands metteurs en scène en activité.

 

Un constat optimiste

 


 

Septième art. Jamais l'expression n'a semblé résonner aussi fort que dans le récent regain qualitatif opéré par la production ibérique. Habile cocktail de classicisme hitchcockien, de superstitions rurales, et de dénonciation politique sous l'étendard du "tout sanguinolent", le cinéma d'épouvante espagnol exorcise les démons du franquisme et du conservatisme religieux à travers une catharsis salvatrice pour toutes les strates de sa population.

Aujourd'hui unanimement célébré,  ces cauchemars pelliculés, aussi bien contes gothiques que survivals naturalistes, laisseront à coups sûrs, de longues années durant, leur poésie morbide inonder nos salles obscures. Et cela, c'est ce que tous nous souhaitons.

 

 

Si vous souhaitez aller plus loin...

Bibliographie :

Le fantastique dans le cinéma espagnol contemporain de Marie-Soledad Rodriguez

Courts, moyens et longs métrages :

Spanish movie de Javier Ruiz Caldera (parodie)
Viva la muerte ! Autopsie du cinéma fantastique espagnol d'Yves Montmayeur (documentaire)
Cronocrimenes de Gonzalo Lopez-Gallego
Les Enfants d'Abraham de Paco Plaza
Un Chien Andalou de Luis Buñuel
L'Horrible docteur Orloff de Jess Franco

 

 

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