Aaron Eckhart - Portrait
Pour Aaron Eckhart, 2011 sera une année chargée ou ne sera pas : Rabbit Hole, d'abord, plébiscité par la critique américaine, qui le confronte à Nicole Kidman, puis World Invasion : Battle Los Angeles, et enfin Rhum Express. Drame, SF, aventure : un éclectisme qui résume à merveille la carrière du californien de 43 ans.
Né un 12 mars 1968 à Cupertino de l'union d'un informaticien et d'une poétesse et auteure pour enfants, Aaron Eckhart a la particularité d'avoir été élevé dans la tradition mormone ; une éducation pieuse qui se matérialisera au cours de sa jeunesse par l'exécution d'une mission en Europe. Dévot, Eckhart ? Pas tant que ça : « Si je prie ? Je prie pour que ce film soit un gros succès », répond-il au journaliste qui l'interroge sur sa foi.
La famille Eckhart déménage en Angleterre, l'occasion pour Aaron de fréquenter l'American Community School, où il découvre la comédie. Après un passage par l'Australie où, selon ses propres dires, il passe plus de temps à surfer qu'à étudier, il est de retour dans sa contrée d'origine. C'est dans l'université américaine de Brigham Young qu'il rencontre le réalisateur et scénariste Neil laBute qui lui offre plusieurs rôles dans ses productions théâtrales, et reviendra vers lui en 1997 (et de nombreuses fois par la suite) pour lui proposer d'interpréter le personnage central de l'adaptation cinématographique de sa propre pièce, En compagnie des hommes. L'interprétation par Eckhart d'un jeune cadre frustré, sadique et manipulateur est remarquée, et même récompensée. Ce sera le premier d'une longue série de rôles cyniques, de personnages tantôt torturés, tantôt torturant.
Il obtiendra par la suite quelques rôles dans des longs-métrages (Molly, L'enfer du dimanche), mais c'est Erin Brockovich, en 2000, qui offre à sa carrière un véritable tremplin. Enorme succès au box-office (moins dans la critique), le film de Steven Soderbergh permet à Eckhart d'enchaîner à un rythme soutenu des prestations remarquées en côtoyant des monstres du cinéma américain tels que Jack Nicholson et Sean Penn (The Pledge). Les succès critiques ne sont pas toujours au rendez-vous (Paycheck, The Core), mais la carrière internationale d'Aaron Eckhart est lancée.
En 2005, Thank you for smoking lui permet d'endosser le rôle d'un lobbyiste œuvrant pour le compte des compagnies de tabac, dont Aaron Eckart reconnaît la complexité : « Vous devez dire ces choses complètement dingues, tout en gardant le sourire et en conservant la sympathie de l'audience. A un moment, je participe à une émission avec un petit cancéreux mourant, et je tourne les choses de telle façon que les anti-tabac sont les méchants, je suis le gentil, et je suis le meilleur ami de ce gars-là. Je veux dire, c'est complètement dingue ». Une satire grinçante et subversive à bien des égards, qui vaut à Eckhart une nomination aux Golden Globes et de nombreuses critiques élogieuses.
L'année suivante, il obtient un rôle dans le Dahlia Noir de Brian de Palma, adaptation du célèbre roman éponyme de James Ellroy, où il interprète le détective chargé de l'investigation du meurtre d'Elizabeth Short, au sein d'un casting très glamour, composé entre autres de Scarlett Johansson, Josh Hartnett, sans oublier la délicieuse Mia Kirshner dans le rôle de la victime. Malgré la réception mitigée du film par la critique, la performance d'Eckhart est une fois de plus saluée.
Las d'interpréter des personnages sombres et amoraux, Aaron tourne dans plusieurs comédies (Le goût de la vie avec Catherine Zeta-Jones, Bill), un genre qu'il défend farouchement : « Je suis en quelque sorte en train de tomber amoureux du fait de faire rire les gens. Cela fait peu de temps que je suis prêt à jouer dans des comédies romantiques, voire que j'y accorde un intérêt, ou aie une quelconque affection pour elles ». L'engouement n'est malheureusement pas partagé, et les films passent relativement inaperçus.
Une légèreté dont il s'écarte radicalement en 2008, année marquée par le Batman - The Dark Knight de Christopher Nolan, film de tous les records (recettes faramineuses, omniprésence dans les salles américaines) dont on retient l'interprétation habitée du regretté Heath Ledger, méconnaissable dans le costume d'un Joker halluciné et dérangeant. Eckart y interprète Harvey Dent, nouveau procureur de Gotham City, engagé dans une lutte contre le crime qui le mènera à la perte d'une partie de son identité, pour devenir finalement Double-Face, ennemi en devenir de Batman. Un personnage dense, vicié par les manipulations du Joker, et davantage dépeint comme un héros déchu que comme un « vilain » maléfique. Nolan admet d'ailleurs avoir été inspiré, pour son choix d'Eckhart (préféré à Liev Schreiber, Hugh Jackman ou encore Mark Ruffalo, excusez du peu), par ses rôles passés de personnages corrompus. « Je m'intéresse aux bons garçons qui ont mal tourné », avoue d'ailleurs Eckhart. On se faisait une joie de voir ce personnage, passé dans l'ombre du Joker, approfondi dans la suite directe du film, The Dark Knight Rises ; il faudra vraisemblablement s'en passer, Aaron Eckhart ayant appris (de façon plutôt brutale) de la bouche de Christopher Nolan qu'il ne ferait pas partie de l'aventure. Toutefois, l'acteur a ébranlé cette certitude il y a quelques jours, au cours d'une interview où, à la question de l'apparition de Double-Face, il a répondu, armé de ce petit rictus taquin qui a fait son succès : « Je ne reviens pas ? Je ne pourrais pas le dire... ».
Pour l'anecdote, il avait d'ailleurs été choisi par Darren Aronofsky pour interpréter l'inspecteur James Gordon dans son projet Batman : Year One, qui ne vit jamais le jour.
Aaron Eckhart est actuellement en tête d'affiche de World invasion : Battle Los Angeles, réalisé par Jonathan Liebesman, qui s'inspire d'un incident survenu à Los Angeles en 1942 au cours duquel des appareils aériens non identifiés furent repérés dans le ciel américain, sans que leur nature ne soit jamais déterminée avec certitude. La réponse donnée par le film donne bien entendu la part belle à des petits bonshommes verts armés d'une technologie plus qu'avancée, qu'affrontera le sergent Michael Nantz dans un métrage aux combats dantesques, nanti d'une atmosphère post-apocalyptique souvent éblouissante. Le film a connu un très bon démarrage pour son premier week-end d'exploitation dans les salles américaines, tout lui promet à un parcours similaire en France.
Rabbit Hole fera quant à lui son entrée dans nos salles au mois d'avril. Un drame déchirant, s'intéressant à un couple brisé par la perte d'un enfant. Sans verser ni dans le pathos stérile, ni dans l'optimisme déplacé, le comédien y livre avec Nicole Kidman le portrait bouleversant d'un couple à la dérive, en quête d'équilibre et de séreinité. Dans un registre plus trivial, Rhum Express permettra à Aaron Eckhart de donner la réplique à Johnny Depp et Amber Heard, LA blondinette montante d'Hollywood (All the boys love Mandy Lane, Hell Driver 3D et surtout The Ward, marquant le retour à la réalisation de John Carpenter), dans une adaptation d'un roman de Hunter S. Thompson, familier des interprétations cinématographiques (Las Vegas Parano, était l'adaptation d'un de smeilleurs roman dde l'inventeur culte du gonzo journalism) ; au programme, alcool, débauche et corruption à San Juan, Porto Rico.
Autrement dit, des costumes taillés sur mesure pour Aaron Eckhart, qui nous réjouissent autrement plus que de sempiternelles comédies romantiques.