Berlin 2011 : Jour 8 (Taxi Driver sauve notre séjour)
Il est effectivement temps que cela se finisse. Alors qu'il ne reste plus qu'un seul film en compétition à découvrir ce vendredi 18 février, on fait déjà les comptes et pour certains (en l'occurrence Laurent) le constat est sans appel : 10 films de la compét vus et une moyenne générale de 2,15/5. Sacré Berlinale que d'ailleurs les confrères du monde entier ne font que souligner à longueur de papier. Si Berlin pouvait encore rivaliser il y a quelques années pour être le dauphin de Cannes dans le panthéon des plus grands festivals de cinéma au monde, il n'en est plus rien aujourd'hui et Venise et sa Mostra pour ne citer que le plus grand rival, sont désormais bien loin devant.
La preuve nous en a été donnée encore aujourd'hui avec 3 films en compétitions. Alors oui, l'un des trois a de nouveau partagé implacablement nos deux chroniqueurs mais pour les deux autres, la sentence est la même : aucune raison d'être en compétition, au mieux une section parallèle.
L'œuvre qui nous divise, c'est le film coréen Come rain, come shine. Entre un 4/5 pour Martin et 1,5/5 pour Laurent, les deux n'ont effectivement pas vu le même film. L'histoire : Alors qu'il l'emmène à l'aéroport pour prendre son avion, un homme apprend de sa femme qu'elle va la quitter et accepte sans savoir comment répondre. Cette production au budget modeste, dont les deux protagonistes sont deux acteurs en vogue du cinéma coréen, notamment Lim Soo-jeong (I'm a Cyborg, but that's Ok). Le jour où elle vient chercher ses affaires pour déménager, elle se retrouve face à un monde de souvenirs qui commenceront à semer le doute dans son esprit. Et concours de circonstances, de fortes pluies l'obligent à rester ensemble un jour de plus.
Un grand film sur la séparation - l'un des thèmes décidément centraux de ce festival - traité avec une grande finesse par le coréen Lee Yoon-ki. Ses mouvements de caméra permettent de découvrir les silences et les gestes des deux personnages et en disent bien plus que de longs discours. Le travail sur le son est aussi très réussi puisqu'il n'y a pas de bande-son d'où un grand travail sur la modulation de la pluie qui fait office de bande-son. Quant aux deux acteurs, ils sont très justes dans ce difficile jeu où ils doivent en faire très peu pour signifier et transmettre beaucoup.
Voilà pour la vision positive du film. Mais le cinéma, c'est souvent un savant dosage et pour l'autre partie du duo d'EL, c'est l'absence totale de subtilité et même finalement de point de vue qui a irrité : c'est bien beau de filmer longuement deux personnes regarder la pluie tomber mais encore faut-il y ajouter un signifiant. L'épure et le non-dit ont également des limites. Come rain, come shine les dépasse allégrement durant 105 longues, très longues minutes.
Fin des débats puisque les deux autres films nous ont bien mis d'accord par
leur médiocrité ou leur superficialité. A commencer par le film allemand, Wer
wenn nicht wir. Aux débuts des années 60, Bernward Vesper, fils d'un
écrivain nazi, et Gudrun Ensslin se rencontrent à l'Université. Bernward est
convaincu que les écrits peuvent changer le monde et Gudrun, fascinée par la
littérature, s'embarque avec lui dans son projet d'édition. Ils se
mettent en couple et commencent à faire partie d'un groupe d'activistes de
gauche. Mais Gudrun sent qu'il faut aller plus loin et, quand elle rencontre le
radical Andreas Baader, elle laisse Bernward et se mêle à un monde de violence
sans pouvoir faire marche arrière.
Le réalisateur de documentaires Andres Veiel cherche à nous éclairer sur les origines de la bande à Baader tout en essayant d'en faire un film universel. Mais la façon dont il traite le sujet ne permet pas vraiment de rentrer dedans et, malgré de bons acteurs, l'empathie avec les personnages a du mal à se mettre en place. De plus, le film s'embourbe et devient finalement assez ennuyeux, du fait de sa durée - plusieurs ellipses auraient pu être faites - mais aussi d'une réalisation assez plate. (2/5)
L'avant-dernier film de la compétition, Lipstikka, n'est guère mieux loti. Œuvre israélienne réalisée par un canadien, le film nous fait découvrir une palestinienne, Lara, vivant à Londres dans un milieu bourgeois bien confortable. Elle reçoit la visite impromptue d'Inan, sa meilleure amie qu'elle a perdue de vue depuis quelques années. Visiblement ce retour ne plaît pas du tout à Lara. Que s'est-il passé entre les deux jeunes femmes ? Multipliant les flash-back, le film va nous donner la réponse. Malheureusement, à vouloir jouer sur plusieurs genres (drame, thriller, pamphlet politique,...), Jonathan Sagall se plante en beauté et notamment en terme de subtilité, son récit lorgnant au final du côté de Liaison fatale. Reste qu'il a le mérite d'offrir une belle photo, de filmer avec soin ses actrices, toutes les deux excellentes. Mais rien ne peut sauver une œuvre qui enchaîne de plus en plus les maladresses au fil des minutes pour perdre ou pire écœurer le spectateur. Au mieux une curiosité ! (2/5).
Allez, il est temps d'aller voir un vrai bon film : Taxi driver présenté pour la première fois à un public dans sa version restaurée en 4K.... Tout juste rentré de la projection, on peut le dire : on n'avait jamais vu le film de Scorsese avec une telle qualité d'image. On n'ira pas jusqu'à dire qu'il s'agit d'une redécouverte mais l'expérience est saisissante tant la restauration a été supervisée avec minutie par les principaux intéressés (Martin et son chef op) permettant d'obtenir une copie quasi vierge de défauts assortie d'une définition stupéfiante sans pour autant que l'on perde le grain qui rend le film si sombre et glauque. Rien que pour une telle séance de cinéma, cela valait le coup de venir à la Berlinale. Prochain objectif : voir le même niveau de qualité cinématographique en compétition. Bon, ok, on est déjà au lit en train de dormir là !