13 Polars de série B pour acteurs de Catégorie A

César Léoni | 16 décembre 2010
César Léoni | 16 décembre 2010

Nicole Garcia, réalisatrice d'Un balcon sur la mer, est d'abord actrice dans près de 50 films.  Pour de grands réalisateurs (Sautet, Deville) mais aussi dans des films moins remarqués mais non moins intéressants. En effet, les acteurs qui font et défont le box-office aujourd'hui n'ont pas toujours été au sommet dans des rôles de patrons de presse, de grands avocats ou de ministres. Les années 80 leur ont offert, pour leurs débuts, des emplois de flics ou de justicier  qui dépareillent dans des filmographies désormais bien plus sages. Voici une liste de 14 séries B, de plus ou moins bon goût, qui ont le mérite de remettre la lumière sur un cinéma d'exploitation populaire à la française qui réjouit encore et toujours les noctambules du satellite. 


Mort un dimanche de pluie (1986) de Joël Santoni avec Jean-Pierre Bacri, Nicole Garcia, Dominique Lavanant et Jean-Pierre Sentier

Il existe de nombreux films surestimés mais le cas est plus rare de films ignorés à leur sortie et dont le culte monte petit à petit. Mort un dimanche de pluie, thriller jusqu'au boutiste  et affûté comme un scalpel en est un exemple frappant. L'histoire de ce couple bourgeois torturé psychologiquement par deux tordus, incrustés en tant que jardinier et gardienne d'enfants est tenu de bout en bout par un Joël Santoni en état de grâce. Il y a certes quelques relâchements « 80's » dûs à un chanteur de funk lippu, légèrement hors-sujet mais le film est sans concessions et son final traumatisant serait difficilement réalisable aujourd'hui.

 


Le quatuor d'acteurs y est pour beaucoup et Jean-Pierre Bacri donne une leçon de jeu totale lors de sa découverte d'un cadavre dans le derniers tiers du film. L'ambiance est lourde et le décor de cette maison pseudo-moderne, comme il en fleurissait il y a 20 ans ,distille un malaise irrépressible. Dans le genre « French terror », très peu de films peuvent se targuer d'être aussi marquants.

 

Rue Barbare (1984) de Gilles Béhat avec Bernard Giraudeau, Christine Boisson, Bernard-Pierre Donnadieu

La moustache de docker hongrois, le surnom « Chet » qui résonne comme un coup de fouet, le poing américain : Bernard Giraudeau crée une icône du film d'action avec Rue Barbare. Dans des décors suintant la luxure et la pisse, l'ex-gendre idéal se mue en combattant de rue pour affronter l'ignoble Donnadieu. L'affrontement entre ces deux marginaux est un vrai plaisir de spectateur.

 



 

Gilles Béhat, grand faiseur de séries B (l'excellent Les Longs manteaux), distille un vrai parfum d'exotisme avec ses lanceurs de couteaux, ses hangars à bagarre et ses catogans graisseux. Pour l'anecdote, Rue Barbare restera aussi comme le premier film avec, au casting,  un certain Jean-Claude Van Damme.

 

Preuve d'amour (1988) de Miguel Courtois avec Gérard Darmon et Anaïs Jeanneret

Bien avant les palabres d'enfants riches au bord d'une piscine dans Le Cœur des hommes 1&2, Gérard Darmon errait dans des films obscurs où sa brosse grisonnante faisait merveille. Alternant les rôles de petites frappes (Le beauf, La baraka), il trouve ici un emploi de journaliste dans un thriller gentiment érotique.

 

 

 

Baladé par une femme fatale dans une inspiration vaguement hitchcockienne, Darmon joue l'intellectuel introverti pour le premier film de Miguel Courtois, réalisateur de deux autres séries B, deux décennies plus tard (Un ange et Skate or die). Rien de bien extraordinaire hormis le plaisir de voir un polar sans grande ambition au bon parfum 80's.

 

Stress (1984) de Jean-Louis Bertucelli avec Guy Marchand, André Dussolier et Carole Laure

Il était une fois une époque bénie où Guy Marchand (déjà dans le rôle d'un détective privé) tenait le rôle titre d'un film d'angoisse avec tension, suspense et adrénaline. Bon, on n'est pas non plus dans du Friedkin, loin de là, mais cette histoire d'harcèlement nous rappelle que le cinéma français d'alors ne dédaignait pas à jouer gratuitement avec nos nerfs.

 

 

André Dussolier s'échappait de chez Resnais pour aller fricoter avec Carole Laure, habituée de ce type de productions (l'excellent Asphalte). Jean-Louis Bertucelli préparait, lui, la cohorte des réalisateurs fans de genre qui furent contraints de rejoindre la télévision face au peu d'engouement de leurs productions, à l'instar de Joël Santoni et de son génialissime Mort un dimanche de pluie.

 

Le Faucon (1983) de Paul Boujenah avec Francis Huster, Maruscka Detmers et Vincent Lindon

Attention film improbable ! Le frère de Michel Boujenah qui dirige un vigilante avec dans le rôle-titre de Franck Zodiak (!!!), Francis Huster, personne n'y aurait songé, ils l'ont fait. Huster, dont la théâtralité impressionne sûrement beaucoup d'élèves du cours Florent, est ici à hurler de rire tant le décalage entre son apparence et ce qu'il a à jouer est immense. Aux USA, ils ont Clint Eastwood ou Charles Bronson, en France, on a Huster... C'est un peu ce qu'il y a retenir de ce nanar force 10 d'où surnage le sex-symbol de l'époque Maruschka Detmers et un débutant nommé Vincent Lindon.

 

 

 

Les scènes d'action molles succèdent aux moments d'émotion guimauve et si, cinématographiquement, il n'y a rien à en retirer, Le Faucon mérite bien une place au Panthéon des navets du cinéma de genre mondial.

 

Tir groupé (1982) de Jean-Claude Missiaen avec Gérard Lanvin, Véronique Jannot et Michel Constantin

Gérard Lanvin s'est imposé très tôt dans sa carrière comme un héros crédible et volontaire de films d'action. Des Spécialistes au Prix du danger, les exemples ne manquent pas et Tir groupé, vigilante brut et violent, ne déroge pas à la règle. La première scène dans le RER est à l'image du film, sec et sans fioritures. Les pourris sont pourris et le vaillant Lanvin ira jusqu'au bout pour leur faire regretter d'avoir croisé son chemin.

 



Rien de honteux dans ce film qui ne cherche pas la grandiloquence mais bien l'efficacité à tout crin. Les seconds rôles servent parfaitement l'intrigue (les immenses Constantin et Roland Blanche) et Missiaen sait y faire dans le brutal. Il reste d'ailleurs l'un des rares metteurs en scène français à avoir entièrement voué sa carrière au cinoche de genre (La baston, Ronde de nuit). Lanvin poursuivra cette volonté d'œuvrer dans le film qui charcle jusqu'à récemment avec l'excellent A bout portant.

 

Tir à vue (1984) de Marc Angelo avec Sandrine Bonnaire, Jean Carmet et Michel Jonasz

Un casting bigarré pour une série B rétro avec un couple de petits voyous qui se retrouve dans une affaire de meurtre. Sandrine Bonnaire, espoir confirmé, montre déjà l'étendue de son talent face au fadasse Laurent Malet, espoir oublié. Le duo de flics Carmet/Jonasz leur tourne autour dans ce film sans grand intérêt si ce n'est de s'apercevoir, une fois de plus, le décalage dans la confection d'un film avec notre époque.

 

 

 

 

On montre ici une jeune actrice nue sur l'affiche, le titre est directement alléchant, le casting avec un vieux de la vieille plutôt axé comédie et un chanteur au fait de sa gloire pour incarner un duo de flics est loin d'être évident  (imaginez un binôme Pierre Richard/Pascal Obispo...). Pas de doute, nous sommes en présence d'un pur film 80's que le réalisateur n'aura pu faire fructifier, relégué aux prime-time de TF1.

 

Un été d'enfer (1984) de Michael Schock avec Thierry Lhermitte et Véronique Jannot

Le regard bleu acier de Thierry Lhermitte s'échappait du Splendid pour endosser le blouson de cuir d'un détective privé, près de 20 ans avant de trouver son meilleur rôle avec le même emploi dans le culte Une affaire privée. Comme il en était de même pour nombre de films de cette époque, les méchants seront des loubards, motards de leur état, trempant dans des affaires de came. Un peu plus agressifs que dans Les compères (quoique), la bande plus Angels qu'Hell's va trembler devant le chevalier noir Lhermitte.

 



Quand on vous dit que le rôle de la belle est tenue par Véronique Jannot et que la musique est signée François Valéry, on se doute assez vite qu'Un été d'enfer ne va pas être le film le plus « bad-ass » de la décennie. Le réalisateur Michael Schock montrera d'ailleurs son vrai visage avec son film suivant Trocadéro bleu citron, dont le titre et la thématique iront davantage de pair avec le tempérament de son œuvre.

 

L'agression (1974) de Gérard Pirès avec Catherine Deneuve, Claude Brasseur et Jean-Louis Trintignant

Vingt ans avant Taxi, Gérard Pirès réalisait ce formidable film de « terreur routière » qui montrait un vrai potentiel de tension et de dramaturgie dans sa mise en scène. Très marqué années 70 par sa violence sèche et brutale qu'édulcorera la décennie suivante, L'agression fonctionne aussi grâce à un casting de luxe. Catherine Deneuve qui aura, l'air de rien, touché au film de genre de nombreuses fois (Le choix des armes, Le Choc, L'Africain) est ici raccord avec le ton métallique et glacial du film. Sa beauté froide fait merveille et Pirès ne cède pas à la tentation de la sublimer pour rendre son film plus séduisant.

 

 

 

Dans un rôle secondaire de motard, Daniel Auteuil débute et entamait sa période « perfecto », Brasseur et Trintignant, eux, assuraient la cadence dans un type de cinéma qu'ils auront honoré de leur présence à maintes reprises. L'agression se pose comme une des pépites de ce dossier et mérite d'être redécouvert séance tenante.

 

Les Chiens (1978) d'Alain Jessua avec Gérard Depardieu et Victor Lanoux

Dans la tradition des films sécuritaires européens des années 70 (dont l'Italie a fait ses choux gras), Les Chiens s'impose depuis quelques temps comme un petit classique en puissance. Victor Lanoux, après ses extraordinaires rôles de crapules dans Dupont Lajoie et Canicule, est ici un homme ordinaire débarquant dans une ville étrange aux limites de la science-fiction. Dans des décors de banlieue moderne sans âme, tous les autochtones se barricadent et achètent des chiens d'attaque afin de se protéger d'une menace invisible. A l'image du terrible Dressé pour tuer de Samuel Fuller, Les Chiens dépeint une société fasciste, recroquevillée sur elle-même et incapable de voir une autre issue que la violence.

 

 

 

Dans le rôle de l'éleveur canin, Depardieu trouve un immense rôle de méchant mielleux, psychopathe sirupeux qui fait monter la tension auprès des citoyens. Alain Jessua, responsable du très bon Traitement de choc, réalise un grand film, analytique et divertissant à la fois, qui fonctionne comme un cauchemar éveillé.

 

Urgence (1985) de Gilles Béhat avec Richard Berry, Fanny Bastien et Bernard-Pierre Donnadieu

Le duo Béhat/Donnadieu remet le couvert, aidé cette fois de Richard Berry, autre figure du cinéma de genre français (Spécial Police, L'Addition, Cayenne Palace). Moins d'un an après le succès de Rue Barbare, Béhat faisait monter la violence d'un cran avec cette histoire d'attentat fomenté par un groupe néo-nazi dirigé par, je vous le donne en mille, Bernard-Pierre Donnadieu. On ne peut s'attarder quelques lignes sur cette légende du genre français, gueule patibulaire et voix doucereuse, qui, après avoir tiré dans le dos de Bébel (Le Professionnel) se sera ramassé tous les rôles d'ordures imaginables. Il atteint une sorte de paroxysme avec ce nazillon à brosse, irrécupérable jusqu'au bout.

 

 

 

 

Berry, dans son rôle de journaliste, court contre la montre avec l'aide de Fanny Bastien, la rebelle de Pinot, simple flic, dans un film alerte et très agréable à suivre. On rêverait presque d'une relecture de ce type de films en imaginant ce que des talents comme Fred Cavayé ou Eric Valette en feraient.

 

Un dimanche de flic (1981) de Michel Vianey avec Jean Rochefort et Victor Lanoux

Un tandem de flics, de la drogue, des ripoux, la mafia qui s'en mêle : Un dimanche de flic possède tous les ingrédients d'un bon polar. Sous la direction d'un spécialiste du genre (Spécial police, Plus ça va, moins ça va), le film a tous les atouts d'une série B sérieuse et appliquée. Rochefort et Lanoux crispent la mâchoire et servent la cause d'un film sans second degré qui assume pleinement son statut. Ce n'est pas grand chose mais devant le second degré qui ridiculise régulièrement le cinéma de genre, revoir une série B à l'ancienne, sans post-modernisme, ni recul cynique, cela fait du bien.

 

 

 

 

Zone rouge (1986) de Robert Enrico avec Richard Anconina et Sabine Azéma

Richard Anconina et Sabine Azéma dans un thriller nucléaire devant la caméra du metteur en scène du Vieux fusil, voilà un postulat qui a de l'allure. Certes, le rythme est tangent et la dénonciation est grossière mais la volonté d'offrir du spectacle est concrète. Des Aventuriers aux Grandes gueules, Robert Enrico a toujours aimé filmer des histoires aventureuses à spectacle. Il adapte son expérience pour un scénario à l'américaine où des personnages ordinaires tentent de mettre à jour un gigantesque complot impliquant ici les puissances financières liées au nucléaire. Un croisement entre Le syndrome chinois et Le Nouveau protocole (autre exemple de bon thriller français) qui permet d'éloigner ses deux acteurs d'un cinéma plus confiné.

 

 

 

 

Anconina trouvait un rôle physique, loin de Doillon et de Lelouch, et Azéma s ‘éloignait de Resnais afin de servir un pur film du dimanche soir, pour lequel Enrico appliquait tout son savoir-faire.

 

L'Arbalète (1984) de Sergio Gobbi avec Daniel Auteuil et Marisa Berenson

 L'affiche parle pour le film, L'Arbalète est un nanar pur sucre avec une bonne dose de plaisir coupable. L'Italie a eu Les Nouveaux barbares,  la France sort L'Arbalète. Des terrains vagues, des néo-nazis, des bandes de voyous ethniques et du cuir, toujours du cuir. Daniel Auteuil chausse la défroque d'un flic & voyou chargé de rétablir l'ordre dans les terrains vagues et de combattre un poulet boiteux, incarné par Marcel Bozzuffi, figure de méchant culte des années 70/80.

 

 

Sergio Gobbi, spécialiste ès navets, y va à fond dans le Z et ne rechigne à aucune caricature. Les asiatiques font des arts martiaux, la pute a un grand cœur, les méchants sont ultra-sanguinaires bref L'arbalète est un régal pour les amateurs d'exploitation vulgaire et décérébrée.

 

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