Audrey Tautou : De l'institut de beauté au salon de coiffure

César Léoni | 8 décembre 2010
César Léoni | 8 décembre 2010

En un peu plus de 15 ans de carrière, Audrey Tautou s'est imposée comme l'une des actrices préférées des français. Sans bruit, sans frasques, l'espoir couronné d'un César s'est muée en actrice réfléchie qui tourne peu mais fait mouche à échéances régulières.

 

1m60, des  yeux noirs emplis de malice, mignonne sans vamper, plaisant autant aux femmes qu'aux hommes, Audrey Tautou est devenue star sans avoir l'air d'y toucher. Débutant sous les ordres de Tonie Marshall dans Vénus beauté institut (1999), Audrey Tautou ne tarde pas à se faire connaître. Dans le rôle de Marie, esthéticienne rose bonbon, l'actrice impose son regard de faon étonné et sa voix acidulée. Tenant la dragée haute à Nathalie Baye et Mathilde Seigner, elle est immédiatement remarquée et décroche dans la foulée un César pour ce sympathique petit film, beau succès d'alors (1.300.000 entrées).


Arriver à se faire une place au sein d'un film choral n'est pas chose aisée mais la mutine construit un personnage à part dans le cinéma français et s'impose, pleine de malice non feinte. Ses quelques téléfilms et court-métrages sont déjà du passé et son intronisation dans le cinéma est louée à l'unisson.

 
 
« J'aime m'inventer des vies pour embellir mon existence. »
 

Suivent quelques films oubliables (Voyous, voyelles) voire embarrassants (Le Libertin) où, hormis une belle scène dénudée, Tautou se noie à l'image de tout le casting dans un chaos vulgaire et pathétique). Ces deux années post-César patinent un peu mais personne ne sait encore que, sous la direction de Jean-Pierre Jeunet,  la miss Tautou nous réserve un triomphe historique (8.600.000 entrées) avec son Amélie Poulain.


Près de 10 ans après, le film est devenu un classique et le rôle de cette fée des temps modernes restera gravé à vie à la peau d'Audrey Tautou. Il s'en fallut de peu qu'il en soit autrement car Jeunet hésita à engager Emily Watson à l'époque. Le contraste eût été total et le film a échappé de peu au "Funèbre destin d'Amélie Prozac" étant donné le pouvoir réfrigérant de l'actrice anglaise. A l'inverse, Audrey Tautou rayonne dans ce film et crée une icône cinématographique, mélange de fée Clochette et d'actrice de muet. Affichée sur des milliers de murs d'adolescents, associée à la musique entêtante de Yann Tiersen, liquéfiée pour la postérité dans le filtre jaune de Jeunet, Audrey  "Amélie Poulain" Tautou s'ouvre une voie royale.

 

 
 
«Exigeante, perfectionniste, je suis plus forte que je n‘y parais. »
 

Son image désormais ancrée dans l'esprit du grand public, l'actrice s'amuse à la briser avec son rôle d'érotomane/psychopathe dans A la folie, rien du tout. Le film, amusante série B, montre que la miss a du ressort. Elle l'exploite avec un rôle d'adorable chieuse dans le carton klapischien L'Auberge espagnole. 3 millions de spectateurs découvrent sa Martine, personnage râleur et coincé, qu'elle défend avec une conviction farouche. La voix est plus grave, le regard davantage agressif et Audrey Tautou confirme qu'elle n'est pas que le lutin de Montmartre.

 

Ayant désormais une large palette, aidée par le succès d'Amélie Poulain qui a largement dépassé nos frontières, Audrey Tautou fait envie à la planète cinéma qui ne tarde pas à faire appel à elle.  L'actrice entame en 2003 un périple dans la strate du cinéma d'auteur pour des films à faible vocation commerciale : immigrée clandestine turque pour Stephen Frears (Dirty pretty things),  apparition pour Claire Devers (Les marins perdus), lost in New-York chez Amos Kollek (Happy end), chanteuse d'opérette chez Alain Resnais (Pas sur la bouche)... Cette mise au vert auteurisante loin du box-office amorce les retrouvailles avec Jeunet pour un nouveau grand succès.

 

 

Un long dimanche de fiançailles nous montre Audrey Tautou en héroïne romantique partant à l'aventure pour retrouver son poilu d'amour dont elle ne sait s'il a péri sous les bombes durant la guerre 14-18. Les moyens sont à l'écran, la reconstitution est d'envergure et l'actrice trouve un "rôle à César", un peu affadi par la puissance des seconds rôles. Le public la suit comme il le fera pour la suite du diptyque Erasmus (Les Poupées russes).

 

Ce qui manquait à sa carrière pour asseoir pleinement son statut est une participation à un blockbuster américain, ce qu'elle trouve dans l'adaptation du Da Vinci code. Le film est un échec artistique mais un carton public et, de Cannes à Hollywood, Audrey Tautou foule plus de tapis rouges qu'elle n'a de répliques dans le film. L'expérience ne lui ayant pas apporté grand chose, elle revient en France pour deux succès  (Hors de prix et Ensemble c'est tout) où elle impose sa science du rythme et de la comédie. Le film de Salvadori prouve notamment qu'elle peut être sexy et drôle, irrésistible peste rendue crédible par l'abattage de son interprète.

 

 
 
« Chaque film est trop prenant. Je me dis à chaque fois : c'est le dernier. »

 

Désormais installée voire sanctifiée avec son rôle de Coco Chanel dans le film d'Anne Fontaine, Audrey Tautou a devant elle le champ des possibles. Coiffeuse cette semaine dans le nouveau Salvadori, De vrais mensonges, elle donne l'impression d'avoir juste traversé la rue du succès depuis 1999 et d'avoir troqué son uniforme rose et ses nattes contre des ciseaux et une coupe courte. Simplement, avec l'adoubement constant du public, Audrey Tautou est devenu l'une des figures majeures du cinéma français.

 

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