Koji Wakamatsu et Masao Adachi à la Cinémathèque

Nicolas Thys | 27 novembre 2010
Nicolas Thys | 27 novembre 2010

Voici trois ans déjà, alors que Koji Wakamatsu n'était connu que d'une poignée de cinéphiles aventureux et pointus, amateurs de festivals, seuls lieux où il était possible de voir ses films, Ecran Large, sous la plume de Francis Moury, prenait la défense du cinéaste lors de la ressortie nationale de Quand l'embryon part braconner réalisé en 1966 et frappé d'une interdiction aux moins de 18 ans, une première pour une œuvre de patrimoine. (voir ici) Cette censure aura eu comme seul mérite de faire parler de ce film phare d'un réalisateur japonais trop souvent mis au placard.

 

 

Aujourd'hui les choses semblent avoir bien évoluées. Dès 2008, United red army, tourné en 2007 passait en festival et l'année suivante, la société Blaq out décidait de le sortir en salles, une première depuis Les Six épouses de Ch'Ing près de 40 ans avant. Cette sortie fût accompagnée de plusieurs coffrets DVD, chroniqués ici et , retraçant une partie de son parcours. Le 26 novembre 2010, un ouvrage lui est consacré aux éditions IMHO : Koji Wakamatsu, cinéaste de la révolte avec entre autre, des entretiens et des textes de Jean-Baptiste Thoret ou Nagisa Oshima. Et jusqu'au 9 janvier 2011, la Cinémathèque Française, à l'occasion de la sortie de son dernier film : Le Soldat Dieu, se lance dans une rétrospective.

 

Disons le tout de suite, cet hommage n'est pas une intégrale. D'abord pour une raison simple : Wakamatsu est prolifique. La cinémathèque ne présentera donc qu'une quarantaine de films sur plus d'une centaine réalisés en 47 ans de carrière, essentiellement dans le genre Pinku eiga, c'est-à-dire plus couramment le film érotique japonais même si celui-ci n'avait pas toujours l'érotisme pour objet central et qu'il possédait une véritable vocation cinématographique et parfois une indéniable valeur artistique. Ensuite pour des raisons de copies, la plupart étant quasiment impossible à dénicher et aucun sous-titre français n'ayant été officiellement fait puisque les films sont restés invisibles.

 

 

Mais l'intérêt d'une telle affiche dans un lieu comme la Cinémathèque n'est pas l'exhaustivité. Elle est davantage à la découverte. A cause du genre abordé dans ses films, Wakamatsu fût souvent renié et considéré comme un réalisateur de seconde zone, bien loin derrière d'autres réalisateurs du renouveau du cinéma japonais dans les années 1960. Et à part L'Etrange festival en 1998, connu pour diffuser et promouvoir des cinéastes rares mais importants, très peu se sont intéressés à redécouvrir cet auteur. De même, à cause de son engagement il a beaucoup été conspué dans son pays natal et il l'est encore. Car, pour Koji Wakamatsu, le sexe pour le sexe n'a que peu d'intérêt. Il est le plus souvent lié au politique, au pouvoir ou à la domination et la soumission, métaphore d'une société en déroute, d'un code moral périmé ou d'une nation qui peine à se reconstruire. En outre, ses films, souvent violents et parfois pervers, fourmillent de trouvailles visuelles et d'inventivités.

 

Loin d'être un simple cinéaste oublié de plus dont on essaierait en vain de vanter les mérites, Koji Wakamatsu a fait des films majeurs à la fois d'un point de vue cinématographique que sociologique puisqu'il jauge avec une force certaine l'intérieur trouble d'un Japon démoli. Et, on le placera sans aucune difficulté à côté d'un Kiju Yoshida ou d'un Nagisa Oshima, dont il a produit avec Anatole Dauman L'Empire des sens, dans l'histoire de la Nouvelle vague nippone.

 

 

Et sous l'impulsion de Jean-François Rauger, programmateur averti qui n'hésite pas à plébisciter le cinéma Bis, la Cinémathèque a compris la nécessité de faire exister certains cinéastes parfois conspués à tort, et de faire vivre et ressusciter certaines filmographies a priori destinées à des cloitres de geeks, quitte à être incomplet comme pour Jess Franco voici un an et demi.

 

Pour connaitre la programmation exacte de la rétrospective suivez ce lien.

 

A voir également, une conférence de Nicole Brenez sur le réalisateur lundi 29 novembre à 29h sur Koji Wakamatsu et en parallèle, une rétrospective consacrée à Masao Adachi (voir ici) dont l'œuvre possède plus d'un point commun avec celle de Wakamatsu.

 


 

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