Notre Tony Scott préféré

Laurent Pécha | 12 novembre 2010
Laurent Pécha | 12 novembre 2010

A l'occasion de la sortie de Unstoppable, soit pour beaucoup la meilleure collaboration du duo Denzel Washington-Tony Scott, Ecran Large a voulu revenir sur un cinéaste qui n'a jamais fait l'unanimité (la preuve au sein même de ce dossier où les contradictions sont légions). Qu'on aime ou on déteste Tony Scott, le bonhomme n'a pas chômé au fil des années et à force d'expérimentations et d'un savoir-faire technique indéniable, il a su au moins éblouir une fois chacun des membres de la rédac. Le tour de force, c'est que ce n'est jamais avec le même film...

 

Julien Foussereau : Loving memory (1969)

Tony Scott parle peu de ce film comme s'il craignait le pire des coming-up : il a été capable de donner dans la finesse avec son premier film, de très loin le meilleur de toute sa filmo. Avec un noir et blanc ô combien racé, une absence totale de pyrotechnie et des dialogues relégués en second plan, Tony Scott démontre une belle science des cadrages et une conduite de récit parfaitement maitrisée. Il se montre capable de rendre inquiétant le Yorkshire rural dans cette histoire aussi macabre et dérangeante que belle et empreinte d'influences majeures (Clayton, Wise). Le potentiel du jeune Tony Scott était là, prêt à éclore dans ces 50 minutes que compte Loving Memory. Au lieu de ça, il a préféré troquer ce goût très sûr pour un oeil de pubard vulgos (Les Prédateurs et son esthétique ridicule de pub pour parfum capiteux) avant d'aller faire le mariole chez Bruckheimer et caresser la beaufitude reaganienne. Applaudissements.

 

 

 

Patrick Antona : Les Prédateurs (1983)

Venu de la publicité comme son frère Ridley, Tony se lance dans le cinéma avec ce film de vampires tendance new-wave. Avec Les Prédateurs, il aborde le fantastique avec ce sens de l'esthétique qui deviendra sa marque (pour le pire et le meilleur) et lui permettra de donner corps à des images d'une beauté quasi sensuelle. Qui mieux que Catherine Deneuve et David Bowie ne pouvaient incarner ce couple glamour de goules séculaires dont seul le sang humain peut garantir l'éternelle jeunesse? Les deux stars collent à la perfection en usant avec sens de leur image classieuse et sexy, le casting étant en outre auréolé de la présence de Susan Sarandon dans le rôle de la scientifique qui découvre leur terrible secret (ce qui lui vaut une scène de saphisme avec Catherine Deneuve désormais au Panthéon du genre) et on peut aussi apercevoir Willem Dafoe. Et les effets de vieillissement supervisés par Dick Smith sont parmi les plus réussis du genre, du temps où les CGI n'avaient pas tout envahi. Echec au box-office à sa sortie, Les Prédateurs a depuis acquis une réputation d'œuvre d'avant-garde qui a quelque peu dépoussiéré le mythe du vampire au cinéma et dont le style à la fois léché et crépusculaire n'en empêche moins de receler une substance dont il manquera si souvent dans la carrière à suivre de Tony Scott.

 

 

 

Laurent Pécha : Top gun (1986)

A mes yeux, le meilleur film de Tony Scott, c'est Julien Welter qui l'a choisi (voir plus bas). Alors, il me reste à opter pour celui qui aura marqué son époque, celui qui fit de Tom Cruise, une star pour l'éternité et qui stigmatise magnifiquement bien le style du frangin de Ridley : Top Gun. Juke-box sur pellicule, hymne à la gloire de l'armée américaine (a-t-on fait mieux depuis ?), sous-texte gay (que Tarantino s'empressera de mettre en avant), festival de gueules (on y retrouve les alors presque débutants, Val Kilmer, Meg Ryan, Anthony Edwards, Tim Robbins) Top Gun est aussi une sacré démonstration de la supériorité du savoir-technique américain sur le reste de la production mondiale. Nous, en France, presque 20 ans après, on sort Les Chevaliers du ciel. Tout est dit !

 

 

Tonton BDM : Le Flic de Beverly Hills 2 (1987)

Les mauvaises langues auront beau râler en disant que Le Flic de Beverly Hills 2 n'est qu'une pale resucée du premier film qui n'était déjà pas bien folichon, les vrais esthètes continueront à se gausser dans leur coin, car EUX ils savent bien que la vraie valeur ajoutée du film réside dans la présence au générique de Tony Scott, qui transforme un premier film poussif et visuellement laid en clip poussif et visuellement jaune (un peu comme si on visionnait le film à travers un urêtre). Blague à part, Le Flic de Beverly Hills 2 c'est Tony Scott dans toute sa splendeur : esthétisant à mort, mais esthétisant genre "années 80", voyez, le genre d'esthétisme publicitaire qui provoque aujourd'hui parfois bien involontairement le sourire, à l'image de son héroïne Brigitte Nielsen : vulgaire, tapée, mais too much, et tellement bling-bling qu'on croirait du Michael Bay. Mais la force de Tony Scott est là, dans cette aisance à capter l'air du temps, qui ne joue d'ailleurs pas forcément en faveur de la pérennité de son œuvre. Par conséquent, le film plaira surtout à ceux qui l'ont découvert enfant; l'humour d'Eddie Murphy ne change pas d'un iota, la formule Bruckheimer commence à se roder, et le film de Scott mise un paquet sur ses scènes d'action (dont une amusante course-poursuite en bétonneuse). Bref, la conclusion est simple : par rapport à son prédécesseur, Le Flic de Beverly Hills 2 c'est un peu comme la devise de Fort Boyard : "Toujours plus loin, toujours plus haut, toujours plus fort !" (toujours plus moche, toujours plus lourd, toujours plus con). Bah, Tony Scott, c'est comme ça qu'on l'aime, non ?

 

 

Jonathan Deladerriere : Revenge (1990)

Avant Man on fire et son épilogue tragique, il y avait Revenge. C'était l'époque eighties avec deux acteurs alors à l'apogée de leur carrière, Kevin Costner et l'incendiaire Madeleine Stowe (ah la scène de la jeep). Ajoutez à ce tableau, le mega guest  Anthony Quinn en mafieux sans pitié, une absence totale de happy end et vous obtiendrez un film sans concession, un de ceux qui imprime votre rétine pour longtemps. Pas sans défauts certes, mais un sacré bon film !

 

 

Julien Welter : Le Dernier samaritain (1991)

Ce n'est  pas le plus grand Tony Scott dans tous les sens du terme. Ce n'est ni celui qui évoque le mieux sa quête esthétique, ni son plus grands succès au box-office. Mais Le Dernier samaritain est sûrement son film le plus drôle. Il peut dire merci à Shane Black, Bruce Willis et Damon Wayans : son film est un vrai grand chewing-gum pour le cerveau.

 



Sandy Gillet : True Romance (1993)

Certainement le plus noir et le plus fun de sa filmo. Le scénario de Tarantino y est certes pour beaucoup et d'ailleurs le personnage joué par Christian Slater est très clairement son miroir fantasmé. Soit le geek version 80's, accoudé derrière son comptoir de vidéo club prêt à défendre la veuve et l'orphelin... avec Thriller : A cruel picture tournant en boucle derrière lui. Et rien que pour la scène d'anthologie entre Dennis Hopper et Christopher Walken où l'un démontre d'une manière scientifique à l'autre qu'en tant que rital, il a du sang de « nègre » dans les veines, le film vaut son pesant d'or...

 


 

Damien Virgitti : Ennemi d'état (1998)

Cours, Will, cours ! Avant Denzel, Tony Scott s'amusait déjà avec un autre acteur black. L'ancien Prince de Bel Air joue ici les Fugitifs dans ce thriller technologique qui nous livre une traque haletante et intense doublée d'une parabole hystérique sur les dangers de Big Brother où les plus grands satellites sont capables de vous regarder sous tous les angles. Will Smith ne souffre même pas de la présence de deux grands acteurs des 70's puisqu'il nous offre avec Gene Kackman un duo (d)étonnant !

 


 

Perrine Quennesson : Man on fire (2004)

Une réalisation à la fois calme et nerveuse qui fait le portrait d'un Mexico dangereux où la mort est à chaque angle de rue. Un Denzel Washington au top en garde du corps dévoré par ses propres fantômes qui découvre à travers les yeux d'une petite fille, une chance de revivre, une nouvelle façon d'exister. Man on Fire est l'un des meilleurs films de Tony Scott car c'est un fait divers du JT de 20h raconté par la mélancolie de ses personnages. En deux mots comme en cent : c'est violent et bouleversant.

 

 

Clément Benard : Domino (2005)

Non, Tony Scott ne s'est pas assagi au fil des années. Il semble même en pleine crise d'adolescence tardive et Domino peut être considéré le summum de toutes ses exubérances visuelles et sonores. Cette surenchère (filtres, montage cut, zoom) pourrait être taxée d'artificielle mais le réalisateur peut se targuer de proposer une mise en scène aussi nihiliste et irrévérencieuse que l'histoire qu'il raconte. C'est à Richard Kelly que l'on doit le scénario de Domino. Le réalisateur de Donnie Darko accouche d'une histoire imprévisible et bourré d'idées farfelues (le petit clin d'œil à Beverly Hills) qui offre l'occasion à Keira Knightley de prouver tous ses talents d'actrice.

 



Vincent Julé : Unstoppable (2010)

Déjà vu, L'attaque du métro 123 et Unstoppable forment presque un tout, une trilogie sur l'espace et la mobilité au cinéma d'où se dessine le portrait d'une Amérique profonde, perdue, mise à mal. Tony Scott ne fait pas seulement de Denzel Washington sa muse, mais un corps et une identité à la fois anonymes et héroïques. De ce point de vue, Unstoppable est leur chef d'œuvre, l'homme fragile et statique rencontrant le train monstrueux et unstoppable de la société. Sinon, y a des explosions et des hélicoptères aussi !

 

 

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