Top science-fiction n°11 : Rencontres du 3e type

Florent Kretz | 7 décembre 2009
Florent Kretz | 7 décembre 2009

Pour lancer le compte à rebours avant l'évènement Avatar qui sortira sur nos écrans le 16 décembre prochain, la rédaction d'Ecran Large a remis le bleu de chauffe et a recommencé à se plonger dans une classement impossible.

Après vous avoir proposé notre classement des 31 meilleurs films d'horreur dans l'histoire du cinéma, nous avons opté pour l'univers de la science-fiction et ainsi d'élire ce qui sont pour nous les 31 meilleurs films du genre. La règle de ne pas avoir plus d'un film par cinéaste ne s'applique pas ici (c'était au dessus de nos forces pour certains réalisateurs).

La seule règle que l'on a décidé d'appliquer (et qui sera critiquable comme beaucoup de règles) : un film qui était déjà dans notre classement de l'horreur ne pouvait pas réapparaître dans ce nouveau classement.  14 membres de la rédaction ont donc été invités à envoyer leur liste de leurs 70 films préférés.

A partir de ces listes, on n'a gardé que les films cités plusieurs fois par chacun d'entre nous. On a alors resoumis la liste finale à un vote pour obtenir le classement final que nous allons vous faire découvrir quotidiennement jusqu'au 16 décembre 2009 qui révèlera le numéro 1 de la rédaction.

Un éclairage par jour durant 31 jours sur des incontournables du cinéma de science-fiction.  Et en guest star pour commenter nos choix, on retrouve Vincenzo Natali, le réalisateur de Cube, Cypher, Nothing et du très attendu Splice, étant un parfait ambassadeur du futur de la science-fiction au cinéma.

 

 

11 - Rencontres du 3e type (1977) de Steven Spielberg

Vincenzo Natali : Je l'ai revu récemment et j'ai été impressionné par sa sophistication. Le film évoque des concepts très abstraits et subtils (proche de ceux de 2001) mais d'une manière totalement émouvante et humaine. C'est à ce moment que Spielberg était à son zénith en tant que réalisateur. Chaque instant du film est rempli d'invention cinématographique et de performances remarquables. Et tout respire l'authenticité. Richard Dreyfuss, le Roy Neary timbré qui abandonne sa famille pour aller chasser l'alien... c'est typiquement le genre de choses que les gens faisaient tout le temps dans les années 70 !

Laurent Pécha :   

Le film somme d'un des plus grands génies du 7ème art !

Jean-Noël Nicolau :

Le plus angélique des films d'extra-terrestes, avec sa poésie de sons et de lumières.

 

 

 

Incontournable dans le sens ou, soudain, il redéfinit totalement le genre en lui insufflant une fraicheur et énergie nouvelle, Rencontres du troisième type est assurément l'une des expériences cinématographiques les plus intenses et les plus originales qui soit. Véritable tour de force d'un jeune réalisateur -la trentaine et déjà un chef d'œuvre au compteur- le métrage de 1977 aura bouleversé les foules et largement contribué à la gloire de la science-fiction populaire. Coup de cœur universel et immortel jonglant aussi bien avec une maestria surprenante de la mise en scène et la puissance sincère d'un scénario brillement écrit, ces Rencontres sont absolument à découvrir: plus encore qu'un passage obligé, il s'agit d'un remarquable classique qu'il serait regrettable voir même impardonnable de manquer... Certainement l'un des meilleurs Steven Spielberg!

 

 

 

La grâce absolue d'un film tel que Rencontres du troisième type est de parvenir à se mettre à la portée de tous le monde. Sans jamais tenter de niveler son sujet ou la forme de son œuvre vers le bas, Spielberg s'accommode de l'éventuelle dimension populaire et en fait une arme: en abordant les thématiques et les rebondissements avec un regard humaniste et généreux, il livre une extraordinaire palette de degrés de lecture et confère à son travail une grandeur rare, puisant autant dans la complexité et l'ambigüité que dans l'innocence et la douceur fragile. Aussi, même s'il fera de ce rapport une marque de fabrique et qu'il se révélera apte à appréhender n'importe quel sujet et à le rendre identifiable et compréhensible de tous, Rencontres du troisième type marque une date importante dans sa filmographie. Contrairement aux mastodontes sublimes que sont E.T. l'extra-terrestre ou Jurassic Park et qui ciblent directement et impitoyablement leurs objectifs, celui-ci sacralise l'œuvre la plus abstraite et pourtant la plus riche de son réalisateur. Le temps d'une aventure, il ne fera pas que parsemer son intrigue de pistes plus ardues mais les livrera en plein jour, les faisant même ses axes premiers de lectures. De même, s'il garantira un spectacle grandiose, il évitera la surenchère sensationnaliste pour révéler une apothéose de sons et de lumières à la lisière de l'interprétation mystique et cérébrale d'un Kubrick et d'une magie irrésistible à la Disney. Dans Rencontres du troisième type, il tente d'offrir une véritable liberté à son public en lui confiant le soin d'apprivoiser et de ressentir plus que de théoriser, une tâche à la portée de tous.

 

 

 

Pourtant, à l'instar des aventures de Elliot et de son extra-terrestre d'ami, il s'agit là d'un des films les plus personnels du réalisateur qui glisse ici et là quelques souvenirs plus ou moins bons. A commencer par le thème même du métrage, ces différents et hypothétiques contacts avec des êtres d'un autre monde et qui renvoie directement à un épisode de son enfance: si le héros du film, Roy, emmène en pleine nuit toute sa famille pour observer quelques ovnis, c'est bel et bien le père de Spielberg qui le réveillera pour un voyage nocturne en van dans le but de contempler une pluie de météorites! Une anecdote qui trouve écho ici puisque servant de base de l'histoire, Roy mettant peu à peu sa vie de famille de côté pour trouver quelques réponses et  accomplir sa quête: un sacrifice dont pâtira ses enfants et sa femme, Spielberg en profitant pour confier ses douleurs lointaines et offrir une raison et  une certaine forme de solution salutaire à ce chaos. Un conflit qu'il exorcisera inconsciemment en fin d'intrigue léguant un message de paix universel sous la forme d'un message lumineux et sonore renvoyant directement à l'osmose des métiers de ses parents, l'une musicienne et l'autre informaticien.

 

 

 

Spielberg évoque donc la fragilité des choses et apaise ses terreurs au travers d'une histoire aussi bouleversante et onirique que terrifiante et cruelle. Un entre-deux surprenant qui trouve une explication dans la genèse du projet: quelques mois plus tôt, tandis qu'il est sur le tournage des Dents de la mer, il fait part au comédien Richard Dreyfuss de sa volonté de faire un film sur l'ufologie. Bien qu'il commence à détailler avec ce dernier les quelques points centraux de l'intrigue, il confie bientôt l'écriture d'un premier jet à Paul Schrader, scénariste venant de boucler l'écriture du Obsession de De Palma et du Taxi Driver de Scorsese. Si celui-ci s'appliquera sur le sujet, il en livrera pourtant à Spielberg une variation beaucoup trop sombre et bien éloignée des attentes premières. Au point même que suite à un désaccord et une réécriture totale par le metteur en scène, le futur réalisateur de Hardcore réclamera à ce qu'on ne le crédite pas sur le projet! Le script sera donc finalement entièrement rédigé par Spielberg qui demandera tout de même à une poignée d'amis de venir y mettre leurs grains de sel: parmi eux on trouvera par exemple le producteur David Giler et le réalisateur Walter Hill.

 

 

 

Fort du succès planétaire de ses fameuses Dents de la mer, Spielberg obtient plus de dix-huit millions de dollars pour boucler une œuvre titanesque: Watch the skies, titré ainsi en hommage à La chose d'un autre monde, se révélera surprenant et terriblement ambitieux. Là où on aurait pu s'attendre que le réalisateur ne se consacre qu'à la cellule familiale (ce qu'il fera dans E.T l'extra-terrestre, réponse intimiste au démesuré Rencontres du troisième type), il va au contraire tenter de rendre l'ensemble extrêmement crédible! Délaissant l'axe consacré à Roy, il développe aussi celui de Lacombe (un ufologue français inspiré du véritable scientifique Jacques Vallée) ainsi que celui de Ronnie, une mère célibataire habitant dans un milieu plus rural. Une manière pour lui de tabler sur différents milieux, différentes croyances, différentes réactions... Et si Roy incarnera la Foi, le second se fera science et la dernière raison: par cette trinité, Spielberg est enclin à relater les événements d'une pluralité de points de vues et, par la même occasion, de relever le caractère merveilleux et indicible de ces rencontres. D'ailleurs le final, symphonie extraordinaire, pacifiste et hypnotisante par laquelle la communication se fait entre les races, mettra en exergue cette richesse, les trois se retrouvant enfin côte à côte et chacun s'y retrouvant finalement...

 

 

 

Trois personnages habilement décrits mais qui auraient pu être bien différents. Roy, par exemple, était d'abord envisagé comme un militaire, statut au combien différent de son caractère définitif qui penchera plus vers l'ouvrier middle-class. C'est pourquoi le premier a être envisagé pour le rôle sera Steve McQueen: celui-ci refusera n'étant pas capable de pleurer à l'écran. Beaucoup d'autres seront pressentis mais tous refuseront: Dustin Hoffman, Al Pacino, Gene Hackman, Jack Nicholson... Finalement ce sera Dreyfuss qui, pourtant là dès le développement des personnages, revendiquera le rôle expliquant même à Spielberg que Roy se doit d'être un enfant perdu! En revanche pour le personnage de Lacombe, Spielberg sait qui il souhaite: sans trop y croire, il envoie le script à son réalisateur favori, François Truffaut. Très impressionné, le papa des 400 coups acceptera de redevenir acteur, tâche qu'il n'avait accompli que pour La chambre verte, L'enfant sauvage et La nuit américaine! Il apportera énormément au film, se refusant d'influer sur la réalisation mais offrant à son personnage une belle sensibilité. Ainsi qu'un accent inimitable qui lui vaudra de devenir la cible des moqueries de toutes l'équipe. Quand à Ronnie, le rôle sera confié à Melinda Dillon, embauchée quelques jours avant le tournage de ses prises mais qui sera tout de même nominée aux Oscars pour sa prestation.

 

 

 

Autre rôle important, celui de Barry, fils de Ronnie et nourrisson kidnappé par les aliens: Cary Guffey, âgé de quelques années, sera d'une spontanéité rare, Spielberg se faisant toujours un peu plus ingénieux pour obtenir des réactions crédibles. Il ira même jusqu'à faire intervenir des techniciens costumés en gorille en clown, les faisant apparaitre à sa guise en hors champs pour distraire le gosse: il ne faudra généralement qu'une seule prise pour obtenir l'émotion souhaitée! Le jeu du môme sera tel que Kubrick l'auditionnera quelques années plus tard pour le rôle de Danny dans Shining. Une recherche de naturelle qui obsède Spielberg au point qu'il décide de ne pas s'entourer uniquement d'acteurs professionnels: tandis qu'il fait des recherches et qu'il part en repérages, il remarque le professionnalisme des contrôleurs aériens et leur confie directement des rôles! Il en fera de même avec des agents du FBI que l'on retrouvera lors de l'explication du signal par Lacombe!

 

 

 

Le tournage s'étendra sur une très longue période, Spielberg sillonnant le monde pour les besoins du film: de mai 76 à février 77, il établira ses prises de vues aussi bien en Alabama qu'en Inde! C'est d'ailleurs là-bas qu'il aura l'idée définitive du visuel du mothership, vaisseau gigantesque apparaissant durant les dernières minutes: en quittant le plateau après une longue journée, il observe de nuit une raffinerie de Bombay! La navette trouvera ici son inspiration, Douglas Trumbull (responsable des effets de 2001, l'odyssée de l'espace) allant même filmer de nuit la vallée de San Fernando pour en capter les milliers de lumières ensuite réinsérée sur la maquette! Un élément primordial dans cette séquence de clôture qui est réalisée et montée sur la piste déjà composée par le fidèle John Williams pour l'occasion: il signera ici l'un de ses plus beaux scores explorant à la fois le minimalisme des fameuses cinq notes et la grandiloquence nécessaire (la reprise du Quand on prie sa bonne étoile de Pinocchio)... Et si Spielberg emploiera pour la première fois le monteur Michael Kahn (qui deviendra par la suite un incontournable), il reconnaitra aussi que ces vingt-cinq dernières minutes auront été les plus difficiles de sa carrière! D'autant plus que la date de sortie vient de changer: elle passe de l'été 78 à l'automne 77, privant le jeune réalisateur d'un peu de recul! Il supprimera donc quelques séquences non finalisée, perdant ainsi quelques sous-intrigues. Mais il obtiendra réparation un peu plus tard, le film devenant une œuvre majeure acclamée au travers le monde et bientôt transcendée par plusieurs sorties et ressorties: si l'édition spéciale permettra à Spielberg d'intégrer quelques prises sacrifiées (et d'en tourner quelques nouvelles non désirées), il se rattrapera la décennie suivante avec un director's cut correspondant pleinement à ses désirs premiers! Mais quelle que soit la version découverte, tous sont unanimes: trois versions, trois films, trois chefs d'œuvre !

FLORENT KRETZ

 

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