Festival CinémaScience 2009 - J3 & J4
Vendredi commence avec Domaine, un film en compétition que
j'avais sacrifié la veille au profit de Lignes de front. Là, le mal est
réparé et dans la petite salle du Trianon, où je n'ai pas encore mis les pieds
cette année, je découvre la descente aux enfers de Nadia (Béatrice Dalle),
mathématicienne sulfureuse d'une quarantaine d'année qui entraîne avec elle
dans les arcanes de la folie son neveu Pierre. Alors que celle-ci se laisse peu
à peu glisser définitivement dans l'alcoolisme, Pierre la retient à bout de
bras puis la délaisse afin de devenir un homme. Cette histoire tragique à
l'issue prévisible sait faire monter la tension et mettre le spectateur en
insécurité pourtant la mise en distance est évidente à cause de dialogues
théâtralisés à l'extrême. Nadia vit dans la monde des mathématiques et
s'enveloppe dans leur poésie, leur ordre afin d'éloigner le chaos qui la
répugne et malgré le jeu impeccable des deux acteurs principaux, difficile pour
le spectateur de toucher du doigt ne serais ce qu'un millième de la névrose des
grands cerveaux (ou celle plus cruelle, des cerveaux supérieurs aux capacités
insuffisantes). Un film déconcertant donc, formellement attirant mais trop
froid pour nous emmener à 100% dans son univers. (3/5)
Preuve que Domaine est un film complexe et difficile d'accès, je sors de
la séance avec une migraine qui me vrille le crâne. Il ne me faut que quelques
secondes pour prendre des dispositions : il faut que je retrouve l'hôtel, ma
chambre, mon lit le plus vite possible et qu'en chemin, je trouve une
pharmacie. Manque de chance, cette belle ville de Bordeaux cumule magasin
Hermès, magasin Vuitton et autres grandes marques de luxe mais point de
pharmacie en vue. Je m'écrase lamentablement sur mon lit pour plusieurs heures
en sacrifiant au passage une séance.
19h, la migraine a gagné du terrain, il fait nuit et ce ne serait pas
raisonnable de mettre fin au festival sur une note pareille (oui, j'ai quand
même pensé à prendre le premier train pour Paris). Je trouve enfin une
pharmacie qui a pitié de moi et me fournit le stock de médicaments propices à
me faire tomber dans une douce torpeur artificielle d'ici la fin du festival. Après
un buffet à volonté de restaurant chinois (La Chine, pas mauvais du tout) et les premiers
cachets, je suis de nouveau d'attaque pour un film.
Et pas n'importe quel film puisqu'il s'agit d'Agora d'Alejandro
Amenabar avec Rachel Weisz. La beauté formelle du film et l'histoire
passionnante d'Hypatia, une femme philosophe en plein bouleversement religieux
à Alexandrie m'emportent dans un autre monde. Et bien que l'histoire ait été
réellement glamourisée façon blockuster américain, on redécouvre avec plaisir
et effroi les fondements de la carte religieuse actuelle. Un voyage au combien
plaisant, dépaysant et passionnant. (4/5)
Autant vous dire tout de suite que samedi matin, avec le
rythme de vie de cette semaine et une petite perte de motivation (fin de
festival oblige), je me réveille l'oeil en berne et la bouche pâteuse. Mais pas
le temps de réfléchir à ça que la douche s'impose, le petit déjeuner est avalé
à la quatrième vitesse et que le tram est enfourché pour rejoindre le Mégarama
pour la projection d'Oscar et la Dame rose et l'interview de son
réalisateur Eric-Emmanuel Schmitt . Un mauvais pressentiment m'assaille (et j'ai
toujours raison pour ça), et à 10h15 au Mégarama, il n'y a guère plus que les
femmes de ménage qui font vivre les lieux.
Eric-Emmanuel Schmidt a en effet annulé sa venue au dernier moment. Et pour ne
rien gâcher de la surprise (peut être est-ce encore le fameux « Roi des démons
» qui m'accompagne toujours en déplacement), les personnes au courant n'on
jamais réussi à me joindre pour cause d'erreur dans mon numéro de portable... la
poisse, j'vous dis. Je me retrouve donc de l'autre coté du pont et décide de travailler
un peu en attendant de trouver autre chose à faire. Je connais bien le deuxième
MacDonald's de repli pour y avoir passé des journées entières l'année dernière
(ou plutôt les bouts de journées entre les séances). Mais le wifi défectueux
des MacDo se confirme et je dois me faire violence pour taper un scandale au
comptoir à ce propos. Le gentil gérant a pitié de moi, y voit sûrement
l'occasion de jouer les preux chevaliers sauvant une demoiselle en détresse et
me donne carrément les identifiants wifi de son domicile... beau geste ! (note
pour moi-même : penser à écrire un livre sur les nouveaux indices du
romantisme).
Le temps passe pourtant lentement dans ce MacDo très accueillant et comme la
moutarde commence à me monter au nez je décide de carrément boycotter le film
d'Eric-Emmanuel Schmidt, Oscar et la dame rose. Direction :
le centre ville, ma prochaine projection s'y trouve et entre-temps j'aurais
l'occasion de finir mes achats de Noël. Une séance de shopping et une sieste
réparatrice plus tard, je retrouve enfin une salle obscure et, agréable
surprise, pour ce qui s'avère être mon chouchou du festival : Dirty
Mind de Pieter Van Hees (Left Bank).
Dirty
Mind est l'histoire de Pedro, le frère timide d'un cascadeur raté à la
coupe de cheveux improbable. A la suite d'une cascade qui a mal tourné, sa
personnalité change complètement. Pedro devient Tony T., casse-cou sans peur et
sans reproche, accro aux femmes à l'adrénaline, accro à la catch phrase qui tue. Son cas relève bien sûr de la science, mais Pedro
aka Tony a-t-il vraiment envie d'être guéri ? Dans un univers kitsch, glauque
mais sympathique, le réalisateur Pieter Van Hees décrit un héros aux combles du
machisme, un de ces personnages crétins mais jouissifs à la Will Ferrell et pas
une minute ne s'écroule sans qu'un éclat de rire n'éclate dans la salle. D'un
cas scientifique, le syndrome frontal, le réalisateur nous emmène dans une
fable humaine, une comédie sociale mais aussi une love story déjantée... Mon cœur
a fait boum pour Tony T. et son « dirty mind ». (4,5/5)
Après un dîner avec une partie de l'équipe du festival, la résolution de
l'histoire passionnante des billets de train récalcitrants (seconde partie), il
est temps de se faire une beauté pour l'événement de CinemaScience, la
désormais culte nuit des Savants fous. De minuit à 6h du matin, trois films, du
café à volonté, une salle chauffée à blanc et une ambiance survoltée nous
emmènent au bout de la nuit pour un délire partagé. Cette année, et comme je
suis une petite fille sage, je ne reste que pour la première partie, L'homme
invisible de 1933 en copie restaurée. Sur grand écran, je redécouvre un
film plus drôle que dans mon souvenir et, pour l'époque, à la pointe des effets
spéciaux. Un classique qui laisse présager la fin proche du festival et un très
bon moment pour la salle quasi remplie de l'UGC.
Demain, dernier jour... encore tant de questions en suspens, Qui va donc gagner
la compétition (Dirty mind, Dirty Mind et Dirty Mind ?!?) ? Jaco
Van Dormael va t-il lui aussi me poser un lapin ? Mr. Nobody est-il si
étrange qu'on le dit ? Vais-je réussir à me lever à temps pour l'avant-première
d'Astro
Boy ? Et enfin, vais-je réussir à attraper mon train de retour pour la
capitale ? La suite (et fin) au prochaine épisode...