Nos adaptations littéraires préférées

Jean-Noël Nicolau | 1 décembre 2009
Jean-Noël Nicolau | 1 décembre 2009

Avec la sortie de La Route, la question des adaptations à la hauteur de l'oeuvre littéraire originale se pose à nouveau. La rédaction d'Ecran Large a sélectionné les films que nous estimons être aux moins aussi bons, si ce n'est supérieurs, au roman dont ils s'inspirent. Du plus classique au plus contemporain, tous les genres sont représentés. A découvrir ci-dessous.

 

Patrick Antona

Autant en emporte le vent

"Frankly my dear, I don't give a damn !"

Ce qui était à la base un flamboyant roman confit de nostalgie sur le Vieux Sud, fleurant bon le manichéisme et flirtant avec la caricature raciste, devient grâce à la clairvoyance de son génial démiurge, David O. Selznick, une immortelle ode à la persévérance, une spectaculaire fresque dépressive et une peinture on ne peut plus fine sur le paradoxe de la nature humaine. Et il est impossible de concevoir d'autres interprètes que Vivien Leigh en Scarlett O'Hara et Clark Gable en Rhett Butler tant il est vrai que leurs performances relèvent encore d'une imparable modernité, rendant (heureusement!) impossible toute tentative de remake.

 

 

 

Stéphane Argentin

Blade runner

À partir d'un matériau littéraire déjà riche en réflexions sur un monde néo-futuriste en pleine perdition qui se raccroche tant bien que mal à ses avancées technologiques, le film extrapole et va encore plus loin pour livrer une œuvre somme sur les relations entre l'homme et la machine doublée d'une noirceur insondable quant à l'avenir de l'humanité.

 

 

 

Lucile Bellan

Le Festin nu

Quand David Cronenberg se confronte au génie junkie William S. Burroughs on en tire une œuvre à la croisée des plumes, juste milieu entre les différents univers de ces artistes. Une interprétation audacieuse et hypnotique, aux effets visuels à la fois rebutants et séduisants (les insectes géants, le "mugwump" ou les drogues aux formes étranges) qui brode une histoire "cohérente" autour d'un délire psychédélique et névrosé. Juste superbe.  

 

 

Ilan Ferry

Les Lois de l'attraction

Réputé inadaptable, Bret Easton Ellis a pourtant trouvé son maitre en la personne de Roger Avary. En proposant une forme et un fond à la fois accessible et en totale adéquation avec le livre d'Ellis, Avary est parvienue à capter encore mieux que l'auteur original, la détresse d'une jeunesse engoncée dans le nihilisme le plus total. Du chaos, le réalisateur de Killing Zoe était parvenu à faire émerger une forme de poésie, chose à coté de laquelle Ellis était totalement passé dans son livre.

 

 

 

Julien Foussereau

De beaux lendemains

Un bien beau film pour un cas d'école. Le roman de Russell Banks était déjà un déchirant compte-rendu polyphonique d'une communauté en train de panser ses plaies après un terrible accident ayant coûté la vie de ses enfants. Atom Egoyan décide de faire une analogie avec le conte du Joueur de flute de Hamlin. Une idée tellement belle que Russell Banks réécrira en partie son roman pour intégrer ce parallèle quelques années plus tard.

 

Sandy Gillet

L'Etrange histoire de Benjamin Button

Il faut croire que la très courte nouvelle de F. Scott Fitzgerald recelait en son sein la graine d'une adaptation cinématographique épique. Si l'on y trouve en effet les prémisses de ce que sera Gatsby le magnifique, chef-d'œuvre en forme de radiographie d'une société qui a trop vite grandi, bien malin celui qui aurait pu prétendre y voir un film aussi fort et radical sur le temps qui passe, la transmission et le concept de la jeunesse éternelle. En cherchant sans cesse à rester fidèle à la nouvelle sans pour autant s'interdire des digressions lumineuses et géniales, le film de Fincher atteint une sorte d'idéal, un parfait compromis entre l'univers racé d'un écrivain et ses propres obsessions...

 

 

Vincent Julé

The Mist / Un élève doué

Stephen King au cinéma, Stephen King meilleur au cinéma, la plupart citeront Misery, Shining, Les évades ou Stand By Me. Mais ma préférence va à The Mist et Un élève doué, dans leur manière qu'ils ont de sonder le mal, et dans la manière dont leurs auteurs (Frank Darabont et Bryan Singer) respectent l'esprit du matériau d'origine tout en se le réappropriant dans le traitement et l'exécution. Je dirais même qu'ils le transcendent en proposant des fins inédites et définitives.

 

Florent Kretz

Les Dents de la mer

Il y a des adaptations qui sont salvatrices pour leurs oeuvres matricielles: le film de Steven Spielberg est bien évidemment de celles-ci. Bien que sacré best-seller avec ses quelques neuf millions d'exemplaires vendus, le livre de Peter Benchley est reconnu d'emblée par les critiques comme une imposture: si tous s'accordent à reconnaitre l'originalité du thème (les attaques de requins), on souligne surtout le manque de profondeur de l'intrigue, le survol des personnages ainsi que leur manque d'épaisseur. Passé entre les mains de plusieurs scénaristes dont Howard Sackler et John Milius (qui rédige le fameux et légendaire monologue de Quint), le script finit par être porté à  l'écran par le jeune Spielberg, vingt-huit ans, et qui y insuffle une gravité et une maestria déconcertante. Faisant fi des contraintes budgétaires et techniques, il propose une mise en scène inventive et intuitive ouvrant ainsi les portes de la gloire et d'une phobie collective pour la baignade.

 

 

 

Thomas Messias

Fight Club

Sous la plume très personnelle et très agaçante de Chuck Palahniuk, Tyler Durden apparaissait comme un gourou new age héroïque et admirable, une sorte d'icône absolue des années 2000. Adapté par Jim Uhls et filmé par David Fincher, il devient un personnage absolument faramineux, fantasme ultime mais complètement creux. La mise en scène toc, débordant de gimmicks en tous genres, accentue cet incroyable paradoxe, qui offre une nouvelle lecture bien plus profonde et critique du roman.

 

 

Jean-Noël Nicolau

Orange mécanique

Stanley Kubrick est le spécialiste des relectures qui transcendent les oeuvres littéraires (Lolita, 2001, Barry Lyndon, Shining... que des films supérieurs aux livres ou peu s'en faut). Pourquoi Orange mécanique, alors ? Parce que le roman de Burgess semble parfaitement conçu pour l'ajout des images et de la musique choisies par Kubrick. Le tour de force est de pourtant rien perdre des qualités du texte, en particulier au niveau du langage utilisé par Alex et ses Droogs. L'audace est d'autant plus grande que le réalisateur n'édulcore en rien la violence de l'histoire et va même jusqu'à ignorer un dernier chapitre inutile. Un chef-d'oeuvre d'adptation intelligente qui atteint des sommets de cinéma sans jamais renier ses origines.

 

 

 

Laurent Pécha

Les Gens de Dublin

Faire mieux que James Joyce, voici une gageure que seul un cinéaste de la trempe de John Huston pouvait accomplir. Dans sa carrière prolifique et admirable, on ne compte plus les adaptations de grandes oeuvres (Hammett, Melville, Williams, Kipling) que le réalisateur a su transformer en films mémorables. Et puis à quelques mois de la fin de sa vie, il nous offre Gens de Dublin, adapté de la nouvelle Les morts du recueil, Gens de Dublin de Joyce. Son chef d'oeuvre crépusculaire ! Parvenant à retranscrire les mots et l'ambiance de l'écrivain irlandais, Huston, malade, filme le temps qui s'écoule et le sens profond de l'amour avec une justesse déchirante. Quand il cadre sa propre fille dans l'escalier, dans l'un des ultimes plans du film, l'émotion est alors à son comble et Les Gens de Dublin de devenir en quelques minutes terriblement poignantes, l'un des plus beaux joyaux de l'histoire du cinéma.

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
Aucun commentaire.
votre commentaire