Sur la route avec Viggo Mortensen et John Hillcoat

Pierre-Loup Docteur | 1 décembre 2009
Pierre-Loup Docteur | 1 décembre 2009

C'est un sacré défi que s'est lancé le réalisateur John Hillcoat (The Proposition, qui sortira le 16 décembre) : adapter La Route de Cormac McCarthy, considéré comme l'un de ses meilleurs romans, et récompensé par le prix Pulitzer en 2007. Il se risquait en plus à une comparaison avec les frères Coen, dont le No country for old men (autre adaptation d'un roman de McCarthy) sorti l'an dernier avait remporté tous les suffrages (succès critique et public, quatre Oscars dont celui du meilleur film...). Pour cette adaptation attendue, Hillcoat s'est entouré de fidèles (Nick Cave, qui a composé la musique de tous ses films) et de Viggo Mortensen qui, avec deux grandes prestations chez David Cronenberg (A history of violence et Les Promesses de l'ombre), a déjà prouver qu'il pouvait jouer autre chose que Aragorn dans Le Seigneur des anneaux.

 

 

Comme le roman de McCarthy, La Route décrit l'errance d'un père et de son fils au milieu d'un monde dévasté dans lequel les hommes ont perdu leur humanité. Si la fin du monde est au cœur de nombreux films ces dernières années (Les fils de l'homme, Je suis une légende ou plus récemment 2012), John Hillcoat et Viggo Mortensen refusent de limiter La Route à un énième film apocalyptique. Pour l'acteur, « ce n'est pas un film sur la fin du monde. La fin du monde sert seulement de contexte, peut-être pour que tout le monde se sente concerné. » La destruction du monde tel que nous le connaissons et l'extinction de la vie humaine est tout de même l'une des grandes préoccupations des cinéastes aujourd'hui, et John Hillcoat propose une explication très personnelle : « Je pense que cela vient du fait que nous sommes conscients du réchauffement climatique et préoccupés par l'environnement. C'est une peur commune, et le sujet nous intéresse peut-être parce que l'on sait qu'il n'est pas encore trop tard pour sauver la planète... ».

 

 

 

Même si Hillcoat refuse de se reposer sur les images d'un monde ravagé, beaucoup de soin a été porté à la constitution de ces décors. « J'avais dans mon équipe un directeur artistique très talentueux, qui a recherché une multitude de lieux pouvant servir de décor. Nous avons finalement retenu cinq Etats que nous avons choisis parce qu'ils ont connu des catastrophes naturelles, comme par exemple le passage de l'Ouragan Katrina en Nouvelle Orléans... Ils se rapprochaient des paysages apocalyptiques décrits par Cormac McCarthy dans son roman. », confie le réalisateur.

La plus grande crainte du cinéaste était d'ailleurs de ne pas respecter le roman de McCarthy et de ne pas arriver à retranscrire sa subtile description de la relation entre un père et son fils. Pour l'acteur principal, l'intérêt du film réside dans « l'évolution de leur relation. » Viggo Mortensen s'est investi dans ce rôle afin de signifier au mieux cette évolution : « avant le tournage, je me suis documenté : j'ai lu le livre et diverses notes afin d'avoir toutes les informations nécessaires pour cerner mon personnage. Et avant chaque scène, je me remémorais ce qui s'était passé dans la séquence précédente afin de préserver une certaine continuité... ».

Le fait que La Route ait été un roman plébiscité a poussé John Hillcoat et son équipe à travailler tout aussi rigoureusement que Viggo Mortensen. Ils ont multiplié les discussions pour trouver le ton que réclamait cette adaptation. Le réalisateur revient sur cette période de tâtonnements : « Le film a été difficile à faire, et nous avons eu de nombreux débats au sujet du public qui n'avait pas lu le livre : Nous avons beaucoup réfléchi pour trouver comment on pouvait expliquer le contexte à ceux qui ne le connaissaient pas tout en restant fidèle à l'esprit du livre... Par ailleurs, adapter la prose de McCarthy a été un vrai challenge. Quand j'ai lu le livre, je me suis dit : comment vais-je pouvoir transcrire cette poésie dans mon film ? Il fallait rendre l'histoire de ce père et son fils riche et intense, et, pour cela, le casting était la clé de la réussite du film. D'autant plus que le père et son fils sont souvent seuls et dans la plupart des scènes du film... ».

 


Force est de constater que l'intense travail de préparation de Viggo Mortensen a porté ses fruits, puisque Hillcoat ne tarit pas d'éloges à son égard : « Viggo est extraordinaire... Son jeu est intense, et proche de celui de Ray Winstone dans The Proposition : il a un physique de brute, mais il est incroyablement sensible et attendrissant... Son visage me rappelle ceux que l'on peut voir dans Les Raisins de la colère, ces figures de la Grande Dépression, ces visages de gens en détresse... Ce qui m'intéresse le plus, c'est cette humanité qu'il arrive à donner à son personnage. Il a su jouer sur la large gamme d'émotions proposée par l'histoire. » Viggo Mortensen complimente pour sa part son partenaire de jeu, le jeune Kodi Smit-Mcphee, estimant qu'il a une grande part de responsabilité dans l'émotion renvoyée par ce père et ce fils.

Vient enfin le moment de la première projection du film achevé, en présence de Cormac McCarthy. Le cinéaste revient sur cette angoissante séance : « J'appréhendais beaucoup la première projection, et en regardant le film, j'ai eu l'impression que tout était exagéré. Cormac le voyait pour la première fois, et j'étais bien sûr très angoissé à cette idée. Heureusement il a adoré le film, qu'il a trouvé très précis et respectueux de son roman. » Cette approbation de l'auteur est un argument suffisant pour aller découvrir La Route, à partir de mercredi sur les écrans.

 

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