Top Science-fiction n°30 : Le Jour où la Terre s'arrêta

Jean-Noël Nicolau | 16 novembre 2009
Jean-Noël Nicolau | 16 novembre 2009

Pour lancer le compte à rebours avant l'évènement Avatar qui sortira sur nos écrans le 16 décembre prochain, la rédaction d'Ecran Large a remis le bleu de chauffe et a recommencé à se plonger dans une classement impossible. Après vous avoir proposé notre classement des 31 meilleurs films d'horreur dans l'histoire du cinéma, nous avons opté pour l'univers de la science-fiction et ainsi d'élire ce qui sont pour nous les 31 meilleurs films du genre. La règle de ne pas avoir plus d'un film par cinéaste ne s'applique pas ici (c'était au dessus de nos forces pour certains réalisateurs). La seule règle que l'on a décidé d'appliquer (et qui sera critiquable comme beaucoup de règles) : un film qui était déjà dans notre classement de l'horreur ne pouvait pas réapparaître dans ce nouveau classement.  14 membres de la rédaction ont donc été invités à envoyer leur liste de leurs 70 films préférés. A partir de ces listes, on n'a gardé que les films cités plusieurs fois par chacun d'entre nous. On a alors resoumis la liste finale à un vote pour obtenir le classement final que nous allons vous faire découvrir quotidiennement jusqu'au 16 décembre 2009 qui révèlera le numéro 1 de la rédaction. Un éclairage par jour durant 31 jours sur des incontournables du cinéma de science-fiction.  Et en guest star pour commenter nos choix, on retrouve Vincenzo Natali, le réalisateur de Cube, Cypher, Nothing et du très attendu Splice, étant un parfait ambassadeur du futur de la science-fiction au cinéma.

 

30 - Le Jour où la Terre s'arrêta (1951) de Robert Wise

 

 

 

Vincenzo Natali : « Même si le film fait un peu daté aujourd'hui, cela reste une œuvre intelligente et sensible qui parvient avec subtilité à jouer de la parabole christique dans un contexte de SF. Je l'ai découvert récemment pour la première fois et j'ai été marqué par sa simplicité et son innocence. »

 

Patrick Antona :   

Le premier vrai film de SF pacifiste, courageux pamphlet à contre-courant de l'idéologie dominante et de surcroît une superbe parabole christique qui évite de tomber dans le lénifiant.

Jean-Noël Nicolau :

L'un des monuments de la science-fiction adulte.

Sandy Gillet :   

De la SF engagée et visionnaire qui délivrait un message malheureusement prophétique. Grandiose mais aussi déprimant !

 

 

« Klaatu barada nikto ! »

Depuis La Guerre des mondes de H.G. Wells, roman fondateur, l'extra-terrestre était perçu comme une menace, un envahisseur cruel. Au moment de sa sortie, en 1951, Le Jour où la Terre s'arrêta se retrouvait face à La Chose d'un autre monde de Christian Niby, modèle dominant de l'horreur venue de l'espace. Pour la première fois, le monde allait découvrait un alien pacifiste. Mais, et c'est la grande force du film de Robert Wise, son Klaatu n'est jamais niais. Portant un regard à la fois acéré et bienveillant sur les humains, cet étranger essaie de dresser un portrait objectif de nos tares, mais aussi de nos qualités.

 

 

 

Grâce à l'interprétation magnétique de Michael Rennie, dans l'une des performances les plus mémorables de toute l'histoire de la SF, Klaatu touche le spectateur. Sa mort et sa résurrection purement christiques, en appellent à la mythologie la plus ancrée dans l'inconscient occidental. Sorte de demi-dieu descendu des étoiles pour nous juger, l'extra-terrestre s'échappe sans cesse des conventions scénaristiques. Pas de place pour des amourettes hors normes, trêve d'angélisme. Lorsqu'il faut agir, lorsqu'il faut frapper les esprits, le messager ne reculera presque devant rien. Il stoppera le monde, pour quelques instants, histoire de nous rappeler nos vanités.

 

 

 

Par-delà son propos indémodable, Le Jour où la Terre s'arrêta s'impose par sa grande modernité visuelle. La mise en scène de Wise vise à rendre crédible ce conte moral et l'intervention des effets spéciaux se fait parcimonieuse et discrète. Le plus réussi d'entre eux demeure un acteur dans un costume. C'est le géant Lock Martin qui souffrit dans la peau métallique de Gort, le robot. Devenue une figure incontournable de la SF, Gort s'impose par sa simple présence immobile. Lorsque le robot se met en action, on ne doute pas une seule seconde de sa puissance.

 

 

 

Le producteur Julian Blaustein souhaitait créer un film illustrant les peurs liées aux commencements de la Guerre Froide et de la menace atomique. Il étudia plus de 200 nouvelles et romans de science-fiction à la recherche de l'histoire qui permettrait d'illustrer au mieux ces préoccupations. Il sélectionna la nouvelle Farewell to the Master, rédigée par Harry Bates en 1940. Après avoir reçu le feu vert de Darryl F. Zanuck, Blaustein engagea Edmund North (Patton) pour écrire le scénario.

Robert Wise, qui avait presque une décennie d'expérience derrière lui, obtint le poste de metteur en scène. Le réalisateur était déjà un spécialiste du cinéma de genre, ayant débuté par La Malédiction des Hommes-Chats, et poursuivant aussi bien dans le film noir (The Set-up) ou le western (Les Rebelles de Fort Thorn). Bernard Herrmann, déjà célèbre pour son travail avec Orson Welles et Mankiewicz, délivra une partition à base de theremin qui fit date.

 

 

 

L'essentiel du tournage se déroula dans les studios de la 20th Century Fox. Une seconde équipe s'occupa des plans d'insert situés à Washington, mais la production ne s'y déplaça jamais. Robert Wise fit au mieux pour que le film paraisse le plus réaliste possible, de cette façon le message en serait d'autant plus fort auprès du public. Julian Blaustein estimait quant à lui que l'œuvre était un soutien aux Nations Unies. En 2008, un remake signé Scott Derrickson fit son apparition. Keanu Reeves y tenta vainement de faire oublier Michael Rennie et le film passa relativement inaperçu, là où l'original avait fait date.

 

 

 

Avec sa tonalité sérieuse et son économie dans le spectaculaire, Le Jour où la Terre s'arrêta ouvrit la voie à des œuvres telles que Planète interdite et, plus tard, au 2001 de Stanley Kubrick. Comme ces films, il est ici question d'extra-terrestres nettement plus évolués que les humains, dont la connassance peut mener à l'évolution ou à la destruction. Et, comme dans ces œuvres, la question de savoir si nous sommes dignes de ces connaissances demeure en suspend, et plutôt sur une note négative. Il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir avant d'atteindre la sagesse. C'est la leçon essentielle que nous apporte Klaatu, ange et alien, dernier messager avant l'Apocalypse.

 

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