Top horreur n°6 : L'Exorciste

Vincent Julé | 26 octobre 2009
Vincent Julé | 26 octobre 2009

 Pour fêter le mois d'Halloween, la rédaction d'Ecran Large a pris son courage à deux mains et s'est lancée dans l'impossible : élire ses 31 meilleurs films d'horreur dans l'histoire du cinéma. Pour être le plus rigoureux possible, des règles ont été établies comme celle de ne pas avoir plus d'un film par cinéaste dans le classement final (sauf une exception mais chut on vous expliquera à la fin du mois pourquoi). 12 membres de la rédaction ont donc été invités à envoyer leur liste de leurs 40 films préférés. A partir de ces listes, on n'a gardé que les films cités plusieurs fois par chacun d'entre nous. On a alors resoumis la liste finale à un vote pour obtenir le classement final que nous allons vous faire découvrir quotidiennement jusqu'à la fameuse nuit d'Halloween qui révèlera le numéro 1 de la rédaction. Un éclairage par jour durant 31 jours sur des incontournables du cinéma d'horreur.

 

6 - L'exorciste (1973) de William Friedkin

 

 

Patrick Antona :

Par sa manière de gérer l'angoisse avec son crescendo savamment géré jusqu'au final grand guignolesque qui a perturbé plus d'une génération de spectateurs,  L'Exorciste joue habilement sur une ligne étroite entre métaphore sociale et questionnement religieux. Un des films les plus impressionnants du 7° Art, et ce ,que l'on soit croyant ou athée.

Sandy Gillet  

Même si le film a pris un coup de vieux niveau “peur primale” (le nombre de visionnages sans doute), il n’en demeure pas moins une oeuvre forte, majeure et fondamentalement dérangeante.

 

Et si Alfred Hitchcock avait réalisé L'exorciste ? Le bonhomme a eu l'occasion d'acheter les droits du livre éponyme de William Peter Blatty mais a passé son tour. Il n'est pas le seul, L'exorciste a vu défiler nombre de pointures qui ont décliné l'offre pour autant de raisons différentes. Stanley Kubrick était prêt à accepter à condition qu'il produise aussi le film. Pas question pour Warner Bros. Peter Bogdanovich préféra se focaliser sur d'autres projets et le regrettera. Arthur Penn donnait ses cours à Yale. Mike Nichols ne se sentait pas prêt à faire un film qui dépendait autant de la prestation d'un enfant. John Boorman aussi ne voulait pas y toucher, parce que le film était cruel envers les enfants. Il changera d'avis pour L'exorciste 2 : l'hérétique. C'est l'auteur William Peter Blatty lui-même, qui soumet le nom d'un autre William, Friedkin celui-ci, tout auréolé du succès de French Connection en 1971. Cette dernière raison finit de convaincre le studio de lui laisser faire le film.

 

Avant d'écrire L'exorciste, l'auteur William Peter Blatty était un spécialiste... de la comédie. Il a ainsi signé dans les années plusieurs scénarios pour Blake Edwards dont Quand l'inspecteur s'emmêle et Qu'es-tu fait à la guerre, papa ? Lorsqu'il revient au roman, il part s'isoler dans un châlet près du Lac Tahoe pour écrire sur un petit garçon de 12 ans possédé par un démon. L'histoire s'inspire d'un vrai exorcisme, qui a eu lieu en 1949 au Maryland et dans le Missouri. Plusieurs journaux locaux avaient relayé les propos d'un prêtre qui assurait avoir exorcisé un dénommé Robbie sur plus de six semaines. Chez William Peter Blatty, l'histoire commence en Irak, où le Père Merrin découvre une figurine du démon Pazuzu et est assailli de visions macabres. Parallèlement, à Washington, la maison de l'actrice Chris MacNeil est troublée par des phénomènes paranormaux : celle-ci est réveillée par des grattements mystérieux provenant du grenier et sa fille se plaint que son lit bouge. Les crises se font de plus en plus fréquentes, l'adolescente devient méconnaissable. Chris décide alors de faire appel à un exorciste, le Père Karras, qui est en pleine crise de foi.

 

Le casting du film a lui aussi était diabolique. Trouver l'interprète de la jeune Reagan a fait suer à grosses gouttes les pontes de la Warner. Les actrices Kay Lenz, Brooke Shields, Carrie Fisher ont auditionné pour le rôle, mais William Friedkin trouvait la première trop vieille, la seconde trop jeune et on ne sait pas ce qu'il pensait de la dernière. Le studio pensa à Pamelyn Ferdin, une habituée des séries et films de SF, mais eut peur qu'elle soit trop connue. Denise Nickerson de Charlie et la chocolaterie fut un temps considérée, avant que ses parents n'apprennent de quoi parlait le film. April Winchel est alors choisie, mais elle est bientôt hospitalisée pour une infection rénale. Friedkin a ainsi rencontré près de 500 actrices de 11 à 15 ans, et en était arrivé à un point, où il n'était pas contre l'idée de caster une naine pour le rôle. L'agence qui représentait Linda Blair proposa une trentaine d'autres filles, avant que la mère de l'actrice ne s'en mêle. C'est ensemble qu'elles vont à l'audition, et le réalisateur sait tout de suite qu'elle convient parfaitement, qu'elle va intégrer son personnage sans pour autant être traumatisé psychologiquement. Surtout lorsque la production a dû payé des gardes du corps pour la surveiller, même six mois après la sortie du film, contre une bande de fanatiques qui voyait dans L'exorciste une glorification de Satan. Plusieurs rumeurs ont couru pendant le tournage comme quoi le film était maudit, avec incendie, mort accidentelle et même la venue d'un prêtre pour bénir le plateau.

 

Mais c'est plutôt William Friedkin lui-même qui traumatisera son équipe avec une direction d'acteurs violente, où il n'hésitait pas à manipuler et frapper pour obtenir ce qu'il veut. Il gifla ainsi en plein visage le Révérend William O'Malley, qui joue le Père Dyer, avant qu'il ne dise les derniers sacrements au Père Karras. Il tira aussi  sans prévenir en l'air avec un pistolet sur le plateau pour faire peur aux acteurs. Et la chambre de Regan fut construite dans un frigo pour que leur souffle soit visible à la caméra. La pauvre Ellen Burstyn s'en est ainsi tirée avec un mal de dos permanent. Elle aurait peut-être préférée que ce soit Jane Fonda, Shirley MacLaine, Audrey Hepburn ou Anne Bancroft qui ait décroché le rôle à sa place. Entre Hepburn qui voulait que le film se tourne à Rome et Bancroft qui était enceinte, elles avaient toutes de bonnes raisons de refuser, surtout Fonda qui ne voyait dans le projet qu'une « espèce de merde capitaliste ». D'ailleurs, Warner voulait Marlon Brando pour jouer le Père Merrin, mais Friedkin posa immédiatement son veto ne voulant pas que son film devienne juste un film de Brando. C'est aussi lui qui choisit Jason Miller, après l'avoir vu dans une pièce à Broadway, alors que William Peter Blatty voulait Stacy Keach (qu'il dirigera finalement dans La neuvième configuration) et le studio Jack Nicholson.

 

Du vomi au crucifix, L'exorciste contient les scènes les plus chocs et cultes du cinéma fantastique. Le chef des effets spéciaux Dick Smith s'est même demandé comment le film a pu être classé R et non X. Quand aux cinémas américains, il distribuait des sacs à vomi à l'entrée. Ce n'est d'ailleurs pas Linda Blair qui joue dans les fameuses scènes de dégueulades, mais sa doublure Eileen Dietz. De même, que s'il était prévu à l'origine d'utiliser la voix modifiée de Linda Blair pour les séquences avec le démon, Friedkin décida après plusieurs essais infructueux de faire appel à une légende de la radio, Mercedes McCambridge. Avec ces deux révélations, la nomination de Linda Blair à l'Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle provoqua une polémique et la jeune actrice était au final sûre de ne pas gagner. Le film remporta tout de même l'Oscar du meilleur scénario adapté et celui du meilleur son. L'exorciste fut aussi au centre d'une autre polémique, concernant l'utilisation ou non d'images subliminales. Le réalisateur assume ces plans et William Peter Blatty coupe court en disant que ces images ne sont pas subliminales, car si elles l'étaient, on ne les verrait pas. La ressortie du film au cinéma en l'an 2000 dans sa version Director's Cut, ou "The Version You've Never Seen", souleva de nombreuses questions. Pour William Friedkin, il s'agit seulement d'être plus près de la vision de William Peter Blatty, qui s'était senti quelque peu trahi par le film original en 1973. Pour beaucoup, il ne s'agit que d'une exploitation mercantile, les 11 minutes supplémentaires d'incrustations et autres CGI ne servant qu'à rendre plus spectaculaire ce qui ne devrait pas l'être. A l'instar de la fameuse spider-walk scene.

 

Avec 402 millions de dollars de recettes dans le monde, L'exorciste est encore aujourd'hui le film d'horreur le plus rentable de l'histoire du cinéma. Mais surtout, il est devenu un mythe en puissance, le film qui se retrouve en tête de tous les tops des meilleures films ou scènes d'horreur... quoi que.  Rythmé par des scènes à vous retourner l'estomac et la rétine, le film embrasse aussi la pure poésie mortifère lors de son introduction et parle des peurs les plus humaines et les plus primaires. William Friedkin a construit toute sa mise en scène autour du Mal, qui s'infiltre, contamine, fascine et finalement s'abat sur le spectateur. Impossible d'entendre « Tubular Bells » de Mike Oldfield sans frissonner, impossible ne pas être assailli de visions à son tour par cette affiche... et impossible de regarder le premier trailer du film, très rare et interdit en salles ?

 

 

PS : L'exorciste a bien sûr eu le droit à plusieurs suites, avec l'échec artistique et public de L'hérétique, le Legion de William Peter Blatty himself sabordé par les studios, Le commencement tourné deux fois (pour le même résultat ?) par Paul Schrader et Renny Harlin et l'inénarrable Y a-t-il un exorciste pour sauver le monde ? avec Linda Blair (sic !).

 

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