Top horreur n°13 : Rosemary's baby

Thomas Messias | 18 octobre 2009
Thomas Messias | 18 octobre 2009

Pour fêter le mois d'Halloween, la rédaction d'Ecran Large a pris son courage à deux mains et s'est lancée dans l'impossible : élire ses 31 meilleurs films d'horreur dans l'histoire du cinéma. Pour être le plus rigoureux possible, des règles ont été établies comme celle de ne pas avoir plus d'un film par cinéaste dans le classement final (sauf une exception mais chut on vous expliquera à la fin du mois pourquoi). 12 membres de la rédaction ont donc été invités à envoyer leur liste de leurs 40 films préférés. A partir de ces listes, on n'a gardé que les films cités plusieurs fois par chacun d'entre nous. On a alors resoumis la liste finale à un vote pour obtenir le classement final que nous allons vous faire découvrir quotidiennement jusqu'à la fameuse nuit d'Halloween qui révèlera le numéro 1 de la rédaction. Un éclairage par jour durant 31 jours sur des incontournables du cinéma d'horreur.   

 

13 - Rosemary's baby (1968) de Roman Polanski 

 

 

Laurent Pécha :

L’un des modèles absolus de la peur psychologique. Alors que d’autres classiques du genre n’ont plus le même impact, Rosemary’s baby reste ce modèle d’effroi qui torture l’esprit comme peu ont su le faire.

Sandy Gillet :

Film terrifiant s’il en est à la première vision et encore plus une fois que le passage à la paternité frappe à la porte de votre vie. Ce mélange entre satanisme, maternité obsessionnelle et paranoïa de tous les instants laisse un goût de souffre dans la bouche et de malaise rétinien persistant.

Ilan Ferry :

Anxiogène au possible, Rosemary’s baby fait partie de ses expériences cinématographique dont on ne ressort pas indemne surtout au vu des événements qui ont succédé la sortie du film. 

 

Au départ était un roman. Signé Ira Levin, Rosemary's baby (Un bébé pour Rosemary en VF) fut un gros succès en librairie dès sa parution en 1967. À l'affût, la Paramount ne traina pas pour en acheter les droits et confier le projet à un certain Roman Polanski, cinéaste d'origine polonaise sortant du célèbre Bal des vampires réalisé l'année précédente. Signé par Polanski lui-même, le scénario reprend assez fidèlement l'intrigue imaginée par le romancier new-yorkais, à un important détail près. Dans le roman, Rosemary O'Reilly est membre d'une famille profondément catholique, qui a quasiment coupé les ponts avec elle depuis qu'elle a épousé un protestant. Un aspect religieux que Polanski a quasiment supprimé dans son film, ne l'évoquant que très épisodiquement afin de rester ancré dans un cinéma de genre rythmé et moins tourné vers Dieu que vers le Diable.



Alors en couple avec la splendide Sharon Tate (disparue en 1969 dans les conditions que l'on sait), Polanski aurait souhaité lui confier le rôle de Rosemary Woodhouse, mais fit rapidement machine arrière devant la moue des producteurs. Ceux-ci proposèrent quelques noms, de Jane Fonda à Julie Christie ; mais c'est finalement Mia Farrow, la plus angélique du lot, qui fut choisie. Face à elle, c'est l'inattendu John Cassavetes qui obtint le rôle du prévenant Guy Woodhouse, au nez et à la barbe d'acteurs chevronnés et reconnus comme Jack Nicholson ou Warren Beatty. Un choix compréhensible : Polanski souhaitait un monsieur tout-le-monde, au-dessus de tout soupçon, le genre de mari idéal et apparemment irréprochable.



Rosemary's baby  dépeint la psychose qui s'empare d'une jeune femme au foyer qui s'installe avec son mari comédien dans un vieil immeuble de Manhattan. Choyé par des voisins âgés qui n'ont plus guère d'occupation, le couple Woodhouse se sent bien, si bien qu'il aborde l'étape suivante : la conception d'un enfant. Une nuit, Rosemary fait un rêve horrible dans lequel elle est violée par une créature pas tout à fait humaine ; le lendemain, Guy confesse lui avoir fait l'amour dans son sommeil. Tombée enceinte, la voici en plein trouble, se posant un bon milliard de questions : pourquoi les voisins sont-ils si prévenants ? Pourquoi Guy a-t-il un comportement aussi étrange ? Comment est-il soudain devenu un comédien à succès ? Lui veut-on du mal ? Ou peut-être à son bébé ? Polanski met en scène un tourbillon fait de suspicion et de paranoïa aiguë, où même le spectateur n'est plus certain de savoir où est la vérité et ce qui est du domaine du simple fantasme chez cette Rosemary bien perturbée.



Alors dans sa meilleure époque, Roman Polanski était sans doute le cinéaste idéal pour réussir un tel film et le rendre singulièrement inoubliable : il instille un malaise permanent et une sensation d'inconfort, contrastant étrangement avec une photographie souvent claire et lumineuse. Avec ses soupçons et ses doutes, Rosemary se sent d'autant plus seule qu'elle se trouve cernée par une armada de gens souriants, ne semblant se rendre compte d'absolument rien. Gigantesque complot ou problèmes psychiatriques ? Raconté à la première personne, le film donne évidemment des pistes mais laisse longtemps planer le mystère. Et ce bébé, ce fichu bébé, qui n'apparaît jamais à l'écran mais qui parvient pourtant à faire naître une peur bleue et de vrais questionnements... À l'aise dans le minimalisme car ayant toujours réalisé des films fauchés, Polanski dispense une économie d'effets qui laisse pantois. Ces deux heures dix-sept avancent sur un faux rythme qui pourrait se faire ennuyeux ; mais il se passe toujours quelque chose, progression de l'intrigue ou mise en place d'une nouvelle atmosphère. À la tête du film, Mia Farrow excelle, poussée dans ses retranchements par un Polanski assez dur avec elle. Il n'hésita pas, lorsque c'était nécessaire, à lui rappeler ses problèmes personnels et ses problèmes de couple avec Frank Sinatra - le divorce survint peu après - afin de la rendre encore plus sensible...



Rosemary's baby est le premier film américain de Polanski ;  il marque aussi une autre première, puisque jamais le mot 'shit' n'avait été prononcé à l'écran dans un film US. Ce qui n'empêcha pas le film d'être nommé à l'Oscar, et d'obtenir une statuette pour le second rôle de Ruth Gordon, la mielleuse et donc étrange Minnie Castevet, voisine des Woodhouse. Cependant, le film ne fit pas que du bien à son réalisateur : comme le montre Marina Zenovich dans son doc Roman Polanski : wanted and desired, les scènes les plus malsaines du film ont sans doute pesé dans la balance de l'opinion américaine. Considéré aux États-Unis comme un pervers sadique, Polanski fut du même coup assimilé à un violeur de petites filles, ce qui poussa vraisemblablement le fameux juge Rittenband à prendre parti contre lui et à entamer la fameuse chasse aux sorcières qui entraîna sa fuite. L'affaire Polanski aurait-elle été la même s'il avait réalisé de gentilles comédies sans prétention ? On peut imaginer que non.



Comme toute oeuvre aussi culte que celle-ci, Rosemary's baby fit l'objet de nombreux projets de suites en tous genres. Relancée il y a peu, l'idée d'un remake a heureusement été abandonnée depuis. En revanche, il existe une suite officieuse, tournée pour la télévision en 1976, et intitulée Qu'est-il arrivé au bébé de Rosemary ?, avec Patty Duke en Romsemary et de nouveau Ruth Gordon en Minnie Castevet. Apparemment très dispensable. Un peu plus recommandable, le roman écrit par Levin peu avant sa mort : Le fils de Rosemary était visiblement conçu pour être adapté au cinéma, les personnages dont les interprètes sont décédés ne faisant pas partie de l'intrigue. Il se déroule 27 ans après Rosemary's baby, lorsque Rosemary sort du coma et découvre que son rejeton est devenu une star aux USA, mais qu'il n'est sans doute pas si parfait que cela. La suite n'est pas si difficile à imaginer... En tout cas, aucune crainte : ce projet a lui aussi été abandonné. Rosemary Woodhouse peut dormir tranquille.

 


 

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