Festival du Film Britannique de Dinard 2009 - Compte-rendu

Vincent Julé | 14 octobre 2009
Vincent Julé | 14 octobre 2009

Comme nous l'évoquions à l'annonce du palmarès, le Festival du Film Britannique de Dinard a fêté ses 20 ans avec une édition comme les autres. Mais attention, la formule n'est pas à prendre au sens péjoratif. Dinard n'a jamais essayé de concurrencer ou de copier les autres festivals français, et se satisfait de son aura régionale sans courir après une reconnaissance nationale. Les organisateurs n'ont sorti ni les bougies, ni les feux d'artifice, et les cérémonies d'ouverture et de fermeture ont été émaillées de soucis techniques ou cafouillages qui renvoient directement à l'identité même du festival. Certains pourront parler d'une forme d'amateurisme, alors qu'il n'y est question que de modestie et de spontanéité. Pas besoin d'en faire des tonnes alors qu'il n'est question que de boire un peu de vin et de voir beaucoup de films. Et l'on verra d'ailleurs plus de gens dans les salles obscures qu'aux tables des restaurants. Les habitants de Dinard, Saint-Malo et les environs se rendent en effet aux séances avec assiduité et curiosité.

 

 

 

Le festival est aussi l'occasion de prendre des nouvelles du cinéma anglais, de voir par exemple si les spectres de Ken Loach et The Full Monty sont toujours dans les parages. Ainsi, une anecdote veut qu'il n'y a pas si longtemps, en 2003, le président du jury Charles Gassot ait donné le grand prix à La jeune fille à la perle, car il était le seul film à proposer autre chose que des chroniques sombres et sociales. Rien que l'année dernière, la même récompense avait été décrochée par le très beau mais très consensuel Boy A. Rebelote en 2009 avec en compétition, le film Shifty d'Eran Creevy, qui suit la journée d'un dealer de drogue dont le retour soudain de son meilleur ami déclenche une série d'évènements qui transforme sa vie en spirale incontrôlable. Déjà vu ailleurs, en mieux, ce premier film ennuie gentiment, même si le ton léger et la forme aérienne proposent une alternative au traitement démago que l'on pouvait attendre d'un tel sujet.

 

 

 

Même procédé avec Crying with laughter de Justin Molotnikov, qui suit Joey Frisk, un humoriste dont la vie n'est plus drôle : cocaïne, loyers de retard, incapacité à prendre ses responsabilités de père. Alors que sa semaine commençait déjà mal, le retour d'un ancien camarade de classe la fait tourner au cauchemar. La bonne idée du film est, à l'heure de Funny People, de revisiter l'univers du stand-up à la manière d'un thriller. La menace toujours plus pesante sur le héros et la manière dont il l'utilise pour ses sketchs permettent un équilibre assez inédit. Malheureusement, le film prend rapidement la tangente vigilante et s'enfonce laborieusement dans un (re)mix du Serpent et d'Old Boy.  

 

 

 

White Ligntin' de Dominic Murphy (Grande-Bretagne, 2008)

Au cœur des Montagnes Appalaches, vit une légende vivante, Jesco White, « le hors-la-loi dansant. Enfant, il est ballotté entre la maison de redressement et l'asile de fous, à cause de son comportement sauvage, ou de la drogue sous toutes ses formes. Pour tenter de le mettre à l'abri des problèmes, son papa D-Ray lui a enseigné l'art de la « danse de montagne » - une version frénétique de tap dancing sur de la musique country. Après le meurtre de son père par deux rednecks, Jesco s'en va danser dans les bars du pays, où il rencontre l'amour de sa vie, Cilla, de deux fois son âge. Mais ses vieux démons refont surface.

 

Grand prix du jury, White Lightin' est ce qu'on peut appeler, toutes proportions gardées, le film choc ou polémique de cette édition 2009. En gros, plusieurs dizaines de personnes ont quitté la salle. Il faut dire que le film sait ménager ses effets, chaque prise de drogue, éclat de violence ou délire du héros agissant comme une déflagration visuelle et sonore. Le portrait de cette Amérique profonde, fanatique et perdue est ce qu'il y a de plus réussi, surtout le rôle primordial accordé à la musique. La country devenant une sorte de chant du diable. Mais voulant coller au plus près de la folie de son antihéros, le film se lance dans un dernier acte désespéré, où les expérimentations narratives s'annihilent les unes les autres.

 

 

 

In the loop d'Armando Iannuci (Grande-Bretagne, 2009) - sortie le 18 novembre 2009

Le Président des Etats-Unis et le Premier Ministre britannique ont bien envie de se lancer dans une nouvelle guerre. Et ce sera court, cette fois. Promis ! Le Général américain Miller n'y croit pas trop, pas plus que Simon Foster, le Secrétaire d'État britannique pour le Développement international. Mais quand Simon soutient par erreur l'action militaire en prime time à la télé, il se fait plein de nouveaux amis à Washington.

 

Vous ne comprenez rien à la géopolitique ? Ce n'est pas grave, vous allez tout de même adorer. Tel un The Office sous acides, In the loop tape sur tout ce qui bouge à une vitesse et une virtuosité déconcertantes. Il faut voir Peter Capaldi sortir le plus de saloperies possibles ou Tom Hollander n'ouvrir la bouche que pour dire des conneries. Ils sont quatre au scénario, et il fallait au moins ça pour arriver à ce degré de folie verbale et culturelle. Car In the loop tiendrait presque de l'exercice de style, tant il aligne et entremêle les références pop, les insultes délicieuses et les têtes de cons. Et puis un film qui tape gratuitement sur J'adore Huckabees ne peut qu'emporter l'adhésion.

 

 

 

Sounds like teen spirit de Jamie Jay Johnson (Grande-Bretagne, 2009)

Documentaire qui se fait appeler « popumentaire » sur le destin croisé de quatre enfants, candidats pour leur pays  au concours Eurovision Junior de la Chanson.

 

Entre les rires et les applaudissements, il ne faisait aucun doute que Sounds like teen spirit emporterait le Prix coup de cœur du public. Car le réalisateur ne s'est pas contenté de suivre ses enfants candidats à l'Eurovision, il a créé autour d'eux et avec eux une vraie comédie musicale. Popumentaire donc, et non documentaire. En partant du principe que s'il n'y a plus de guerre en Europe depuis 1945, c'est grâce à l'Eurovision, qui est une sorte de guerre en soi, Jamie Jay Johnson s'amuse de ce grand moment de kitsch. Pour lequel il a pourtant le plus grand respect, car il reste toujours au niveau de ces enfants qui se prennent pour des adultes. Il lui suffit à peine de jouer avec le montage, pour que se joue devant nos yeux et dans nos oreilles la comédie (musicale) humaine.

 

 

 

Une éducation de Lone Scherfig (Royaume-Uni / USA, 209) - sortie en janvier/février 2010

1961, Angleterre. Jenny a seize ans. Élève brillante, elle se prépare à intégrer Oxford. Sa rencontre avec un homme deux fois plus âgé qu'elle va tout remettre en cause. Dans un monde qui se prépare à vivre la folie des années 60, dans un pays qui passe de Lady Chatterley aux Beatles, Jenny va découvrir la vie, l'amour, Paris, et devoir choisir son existence.

 

Le film fait sensation Outre-atlantique dans les festivals, et sa jeune interprète Carey Mulligan est déjà sacrée révélation de l'année. D'un classicisme et d'un romantisme à toutes épreuves, Une éducation fait un bien fou, que ce soit dans sa mise en scène limpide, ses situations délicieuses, ses acteurs parfaits et ce second degré quasi imperceptible mais qui fait toute la différence.

 

 

 

 

Fifty Dead Men Walking  de Kari Skogland (Grande-Bretagne / Canada, 2009)

L'histoire vraie dans les années 80 en Irlande du Nord de Martin McGartland, 22 ans, recruté par la police britannique pour servir d'espion au sein de l'IRA. Son mentor, Fergus, lui promet toute la protection nécessaire au fur et à mesure qu'il gravit les échelons, et cette double vie l'excite autant qu'elle le met en danger.

Si vous n'aviez pas été convaincu par Jim Sturgess dans Across the universe et surtout Las Vegas 21, Fifty Dead Men Walking apporte la preuve irréfutable qu'il est un acteur de charisme et de talent. « Based on true events », le film n'évite pas le didactisme voire la démagogie propre à appuyer la rédemption de cet antihéros devenu et célébré en héros. Il parvient par contre à créer un lien indéfectible entre tous les personnages, et surtout entre Jim Sturgess et ses mentors respectifs à l'IRA età la police, qui permet d'intensifier chaque séquence, chaque conversation. A noter la guest star surprise de Rose McGowan qui revient au pays pour l'occasion.

 

 

 

Boogie Woogie de Duncan Ward (Grande-Bretagne, 2009)

Quand un marchand d'art bien connu entend parler d'un tableau de très grande valeur, il fait tout ce qui est en son pouvoir pour encourager ses propriétaires, un couple de personnes âgées, à se séparer de leur précieux trésor. Cependant, quand son assistante lâche l'info à son riche petit ami, la situation devient assez compliquée. Les amitiés et le mariage sont mis à rude épreuve.

 

Il fallait bien un vilain petit canard. Alors qu'il se voudrait Le diable s'habille en Prada du monde des arts et des expos, Boogie Woogie devrait être aussi vite vu et oublié que Chromophobia. Ecrasé par sa prétention et sa condescendance, le film n'a réussi que son casting, juste affolant : Gillian Anderson, Danny Huston, Stellan Skarsgard, Heather Graham, Christopher Lee, Alan Cumming, Charlotte Rampling et Amanda Seyfried. Le film veut faire rire, toujours au dépend des artistes et des galeristes, mais ne réussit à éveiller l'intérêt que grâce à Danny Huston, qui prouve une nouvelle fois après The Proposition que le grand écran de cinéma lui appartient à lui tout seul, et Amanda Seyfried, qui se trimbale toujours, et même tombe, en minijupe et rollers.

 

Triangle et Moon sont des évènements incontournables sur lesquels nous sommes déjà revenus à travers une critique, accessible en cliquant sur l'affiche du film.

 

      

 

Remerciements à Yelena Communication, Isabelle Sauvanon et toute l'équipe du festival.

 

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