Top horreur n°23 : Le loup-garou de Londres

Thomas Messias | 8 octobre 2009
Thomas Messias | 8 octobre 2009

Pour fêter le mois d'Halloween, la rédaction d'Ecran Large a pris son courage à deux mains et s'est lancée dans l'impossible : élire ses 31 meilleurs films d'horreur dans l'histoire du cinéma. Pour être le plus rigoureux possible, des règles ont été établies comme celle de ne pas avoir plus d'un film par cinéaste dans le classement final (sauf une exception mais chut on vous expliquera à la fin du mois pourquoi). 12 membres de la rédaction ont donc été invités à envoyer leur liste de leurs 40 films préférés. A partir de ces listes, on n'a gardé que les films cités plusieurs fois par chacun d'entre nous. On a alors resoumis la liste finale à un vote pour obtenir le classement final que nous allons vous faire découvrir quotidiennement jusqu'à la fameuse nuit d'Halloween qui révèlera le numéro 1 de la rédaction. Un éclairage par jour durant 31 jours sur des incontournables du cinéma d'horreur.   

 

 

23 - Le loup-garou de Londres (1981) de John Landis

 

Sandy Gillet :

C’est simple dans le genre on n’a pas fait mieux depuis !

 

Laurent Pécha :

Incontournable lorsqu’on parle de Loup-garou. A faire regretter que John Landis n’ait pas continué dans cette veine par la suite. 

 

 

À la fin du mois d'août dernier, le FrightFest de Londres proposait une projection de la version remasterisée du Loup-garou de Londres de John Landis, 28 ans après sa sortie. Un gros travail sur l'image qui permettra d'ici peu la sortie d'un Blu-ray forcément riche en bonus, mais qui ne saurait se passer du documentaire Beware the moon, également présenté à Londres, et sorti depuis en DVD et Blu-ray. Un précieux documentaire d'une heure quarante, revenant en détails sur chaque étape de la production d'un film devenu culte pour de nombreuses raisons.


Le loup-garou de Londres trouve son inspiration du côté des films de la Hammer, avec notamment des films tels que La nuit du loup-garou de Terence Fisher. Mais l'idée du film est véritablement venue à John Landis au cours du tournage de De l'or pour les braves, de Brian G. Hutton, sur lequel il officiait en tant qu'assistant réalisateur à 19 ans à peine. Au cours d'une promenade dans le village serbe où se tournait une scène du film, Landis croisa et observa un groupe d'hommes en train d'enterrer un violeur... au beau milieu d'une route. Un curieux choix résultant d'une croyance ancestrale selon laquelle les personnes enterrées dans les cimetières peuvent revenir à la vie. D'où une simple question : que se passerait-il si un mort ressuscitait réellement ?  Landis choisit de greffer à cette interrogation l'univers des lycanthropes et écrivit aussitôt le premier jet de ce qui, une dizaine d'années plus tard, deviendrait Le loup-garou de Londres.

Il fallut le succès des Blues Brothers en 1980 pour que les studios daignent enfin entendre parler de ce projet qu'ils trouvaient peu engageant. La suite n'est qu'une succession de luttes acharnées pour parvenir à faire le film souhaité par le réalisateur et non la manne financière dont rêvent les studios. Landis dut d'abord se battre pour imposer les méconnus David Naughton et Griffin Dunne là où PolyGram lui imposa d'abord de réunir à nouveau le duo Belushi - Aykroyd. La grande difficulté fut de faire comprendre à tout le monde que le réalisateur des Blues Brothers était capable et désireux de faire un film qui ne soit pas une comédie, mais une oeuvre réellement effrayante. Mais la réécriture poussa Landis à se rendre à l'évidence : son film allait faire peur, mais il avait écrit sans s'en rendre compte des situations pouvant prêter à rire. D'où ce choix de basculer dans la comédie horrifique afin d'assumer l'humour au lieu de le subir.

Le loup-garou de Londres est donc l'histoire de deux jeunes ricains venus se promener en Europe, et victimes d'une étrange bête poilue lors d'un séjour nocturne dans un inquiétant village gallois (dont les autochtones se révèlent assez peu accueillants dans une scène aussi crispante que Les chiens de paille mais autrement désopilante). Se réveillant à l'hôpital, David (David Naughton) apprend que son pote Jack (Griffin Dunne) est mort, mais celui-ci réapparaît pourtant afin de le mette en garde : David est devenu loup-garou et risque de perpétrer massacre sur massacre à chaque nuit de pleine lune. S'ensuit un long cauchemar pour le jeune homme, qui doit concilier son amour naissant pour une belle infirmière (Jenny Agutter) et ses soudaines montées de rage qui le transforment en une bête assoiffée de chair. Le tout sous le regard de son meilleur ami, toujours aussi mort (et pourrissant d'ailleurs à vue d'oeil) mais toujours aussi présent.

Bien que mené sur un rythme un peu étrange, non dépourvu de flottements,  Le loup-garou de Londres réussit pleinement cette alliance peu évidente entre une comédie à l'humour très varié (du potache au burlesque) et un film d'effroi vraiment réussi, bénéficiant notamment d'effets visuels hallucinants. Grâce soit rendue une nouvelle fois à Rick Baker, le roi du maquillage et de l'effet spécial, qui créa prothèses, truquages et dispositifs mécaniques pour réussir pleinement les scènes où apparaît un Jack en décomposition (joué par Dunne sauf à la toute fin, où un pantin complètement décharné le remplace) ou un David en mutation. La scène où le héros se transforme en loup-garou est toujours aussi impressionnante, et on imagine qu'elle aurait pu l'être plus encore si Landis avait eu les moyens suffisants pour parvenir à tourner en plan-séquence, comme il l'avait souhaité au départ. Telle quelle, c'est déjà une saisissante montée d'adrénaline, transcendée par un son à vous vriller les tympans, pour mieux exprimer la douleur ressentie par ce type qui voit (la plupart de) ses membres s'allonger, des crocs pousser et des poils apparaître en nombre sur toutes les parties de son corps.

Ce sont ces instants de mutation qui passionnent Landis, qui les place au coeur d'un film par ailleurs pas si violent, les tueries se déroulant fréquemment hors champ (en partie pour des raisons de budget). Mais si la transformation de l'homme en loup-garou est une souffrance, le retour à la normale est au contraire propice à quelques scènes absolument craquantes, dont celle où David se réveille au zoo dans la cage des loups, nu comme un ver, et doit emprunter un ballon à un enfant pour dissimuler ses parties les plus intimes avant de piquer l'horrible manteau de fourrure d'une visiteuse un peu distraite. Mais la noirceur finit toujours par reprendre le dessus, que ce soit dans la scène - un peu gratuite - où David rêve que sa famille est massacrée par des mutants en costume nazi, ou surtout dans la scène finale qui débute dans un cinéma porno (un vrai-faux film X a d'ailleurs été tourné par Landis lui-même pour les besoins du film) et se termine en plein coeur de Londres, dans un carambolage aussi bruyant que dévastateur.

La conclusion est un déferlement de violence qui achèvera de convaincre tout le monde que Landis ne sait pas faire que de la comédie, et que Le loup-garou de Londres n'en est réellement pas une. Le film laisse un drôle de goût dans la bouche, la partie comédie ayant rendu les personnages si sympathiques qu'il est bien difficile de les voir terminer ainsi, passés à la moulinette d'une société impitoyable et d'un mythe voué au tragique. Landis aura d'ailleurs dû lutter avec la censure pour préserver ces montées de violence : contraint par un comité de censure de couper çà et là quelques bribes jugées trop choquantes, il revint quelques semaines plus tard avec une copie absolument inchangée, laquelle fut aussitôt jugée bien plus regardable par des experts pas si attentifs.

À la fin du siècle dernier, un Loup-garou de Paris tentait de reproduire cet univers dans un curieux mélange de suite, de remake et d'hommage. Mais un scénario faiblard, des effets horriblement numériques et un casting mal fichu (Julie Delpy, certes, mais aussi deux mecs pas très bons et des acteurs français catastrophiques) faisaient du film d'Anthony Waller au mieux un léger ratage, au pire une pure hérésie filmique. Aucun autre remake ne semble prévu, et c'est tant mieux, d'autant que le Wolfman de Joe Johnston en constitue un substitut idéal.

 

 

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