Top horreur n°31 : Hurlements
Pour fêter le mois d'Halloween, la rédaction d'Ecran Large a pris son courage à deux mains et s'est lancée dans l'impossible : élire ses 31 meilleurs films d'horreur dans l'histoire du cinéma. Pour être le plus rigoureux possible, des règles ont été établies comme celle de ne pas avoir plus d'un film par cinéaste dans le classement final (sauf une exception mais chut on vous expliquera à la fin du mois pourquoi). 12 membres de la rédaction ont donc été invités à envoyer leur liste de leurs 40 films préférés. A partir de ces listes, on n'a gardé que les films cités plusieurs fois par chacun d'entre nous. On a alors resoumis la liste finale à un vote pour obtenir le classement final que nous allons vous faire découvrir quotidiennement jusqu'à la fameuse nuit d'Halloween qui révèlera le numéro 1 de la rédaction. Un éclairage par jour durant 31 jours sur des incontournables du cinéma d'horreur.
31 – HURLEMENTS (The Howling, 1980) de Joe Dante
Laurent Pécha :
Une relecture moderne et cinéphile du mythe du loup-garou. Effrayant, troublant et spectaculaire (les transformations sont toujours aussi impressionnantes), Hurlements a terriblement bien vieilli.
Patrick Antona :
Innovant, impressionnant, perturbant, cette relecture moderne du thème de loup-garou est à la fois irrévérencieuse et complètement respectueuse du mythe fantastique qu'elle est censée illustrée. Un des sommets de la série B horrifique. Mainte fois copié sans être égalé.
Vincent Julé :
Qu’est-ce qui fait un bon film de loup-garou ? Les transformations ? Hurlements est alors une révolution, un indétrônable.
L'avis de Vincenzo Natali (Cube, Splice)
Joe Dante fait partie, tout comme Carpenter, de ces réalisateurs qui n'ont pas la reconnaissance qu'il mérite aux Etats-Unis. Hurlements fait partie de ces films qui s'améliore à chaque vision.
Après le succès de Piranhas en 1978, Joe Dante se vit accabler de demandes concernant de nouveaux projets aquatiques comme Orca 2, Alligator ou encore Jaws 3 : Population 0 mais son ambition tout autre. Achevant un dernier travail pour Roger Corman (la coréalisation de la comédie Rock’n’roll High School), il entreprend ensuite la préparation de Hurlements (The Howling en VO) pour la compagnie Avco Embassy, continuant dans le mélange horreur/comédie qui avait fait sa renommée alors, mais en mettant la pédale douce sur le côté parodique.
Car son ambition est de loin supérieure, souhaitant carrément réinventer une mythologie devenue désuète, celle du loup-garou. Et ce, quelque mois avant Le Loup-Garou de Londres de John Landis qui devait faire de l’année 1981 celle du grand retour du lycanthrope. D’ailleurs, bien que amis dans la vie, John Landis, inquiet de l’avancement du film de Joe Dante, n’hésitera pas à lui piquer son concepteur d’effets de maquillage, le grand Rick Baker. Mais ce dernier laissa la main à un jeune assistant qui devrai laisser sa marque dans le monde des maquilleurs, le tout jeune Rob Bottin tout juste âgé de 21 ans.
Autre talent associé à la confection du film, le scénariste John Sayles (futur réalisateur de City of Hope et Lone Star) décide d’ancrer cette histoire de communauté de loup-garous dans un groupe en plein revival champêtre, prétexte pour se moquer ainsi de la vogue de la psychanalyse. De son côté, Joe Dante affuble ses protagonistes de des noms de réalisateurs ayant traité de la lycanthropie (George Waggner, Fred Francis, Terry Fisher), montrant le grand respect qu’il avait des classiques de la Universal et de la Hammer. Plus de 20 ans avant l’avènement des cinéastes dits « geek » comme Tarantino, Joe Dante, John Landis, sans oublier Steven Spielberg avaient ouvert la voie aux réalisateurs qui mettaient en avant leurs références au cinéma fantastique sans pour autant faire dans le plagiat.
Au niveau casting, Joe Dante aussi se livre à un savant mélange entre ancienne et nouvelle génération : dans l’une, Patrick McNee, John Carradine, Slim Pickens, de l’autre, Dee Wallace, Christopher Stone, et Robert Picardo. Ce dernier, uniquement connu du monde de la TV ou des planches, devait être la révélation de Hurlements dans le rôle de Eddie Quist, le loup-garou psychopathe adepte des cabines de sex-shop ! Il est à regretter qu’à part Joe Dante dans ses films ou son rôle récurrent du Docteur dans les spin-off de Star Trek, personne n’a su utiliser son talent de manière plus efficace.
Mais le film de Joe Dante est resté mémorable pour la révolution qu’il a induit dans la manière de filmer et de présenter les incroyables transformations, amenant l’homme jusqu’à la bête. Jusqu’ alors, la mutation était illustrée soit par un simple fondu enchainé, soit était suggérée quand elle ne l’était pas off-screen. Innovant dans le domaine des systèmes mécaniques et du perfectionnement de la technique des bladders, Rob Bottin propose un festival d’effets qui, alliés à des effets sonores percutants (craquements d’os, déchirements de tissus), ont fini de rendre obsolète les simples poussées de poils du passé et sont restés de grands moments d’anthologie. En grand fan des cartoons, Joe Dante a poussé pour que les loups-garous ressemblent le plus au Grand Méchant Loup des vieux dessins animés de Walt Disney, mais son inspiration quand à la violence des mutations vient aussi d’un autre classique de l’oncle Walt : Pinocchio et ses enfants transformés en ânes ! Même la stop-motion est utilisée brièvement pour une scène d’orgie virant à la fête païenne (la sexualité est mis en avant et plus sous-entendue) et le gore n’est nullement absent, le tout devant la caméra de John Hora qui réussit à retrouver la texture du Technicolor d’antan.
Mais qui dit film de Joe Dante, dit apparitions et clins d’œil qui lui assurent la connivence d’un public qui était alors conquis par ses films. Ainsi l’on peut voir au détour d’une scène les apparitions de Forrest J. Ackerman, « le » spécialiste des monstres à Hollywood, l’inévitable Dick Miller en libraire spécialisé dans le paranormal, Roger Corman dans une cabine téléphonique et le co-scénariste John Sayles en employé d’une morgue.
Traversé de clips faisant référence au Loup-Garou avec Lon Chaney Jr, Joe Dante pense et tourne son film comme s’il était aux commandes d’un dessin animé, en grand admirateur de Chuck Jones qu’il est, et fait de Hurlements un classique inaltérable, si ce n’est une dernière scène de transformation moins convaincante.
Après une première mondiale au Festival d’Avoriaz en Janvier 1981, le film devait faire un joli score au box-office (quoique moins important que celui du Loup-Garou de Londres qui sortira cinq mois plus tard) mais il devait consacrer Joe Dante comme un des nouveaux maîtres de l’horreur à l’égal de Tobe Hooper ou Wes Craven. Il est à regretter que les producteurs confièrent par la suite les sequels (dont le calamiteux Howling 2 : Your sister is a werewolf) à des réalisateurs moins talentueux, ruinant ainsi le potentiel d’un film qui avait réussi à ressusciter un des mythes essentiels du fantastique.
Patrick Antona.