L'Etrange festival 2009 : Focus sur Mario Mercier
Ancien élève des Beaux-Arts, Mario Mercier s'est fait connaître du public au début des années 60 par le biais du monde de la peinture, s'appuyant sur la description d'un réel transfiguré par le fantastique et d'un art libéré de toute contrainte, dans une veine qui rappelle les voies choisies par Alejandro Jodorowky ou Alain Robbe-Grillet. Mario Mercier eut maille à partir avec la censure des années 60 et 70, que ce soit pour ces écrits attaqués violemment, ou pour ces films. Car il est auteur-réalisateur de 3 longs métrages entre 1965 (Les Dieux en Colère) et 1975 (La Papesse) devenus cultes, grâce à leur mélange d'érotisme et de fantastique, et qui ont vu leur carrière grandement compromise à l'époque de leur sortie par les garants de la morale civile.
Devenu au gré des années chaman, processus spirituel qu'il décrit dans une série d'ouvrages poétiques et réputés par quelques aficionados, il a été un des invités les plus atypiques que l'Etrange Festival ait réussi à convier depuis de nombreuses années. Ne refusant aucunement le ping-pong verbal pour exprimer son point de vue, Mario Mercier a pu paraître quelque peu agacé par les réactions du public de 2009 par rapport à ces produits d'un temps bien particulier (et surtout pour la projection de La Papesse), mais il n'empêche qu'il est bien question d'un des rares auteurs-cinéastes purement fantastiques français dont la maigreur des budgets n'a pas empêché de signer des œuvres plus qu'estimables, et que l'on espère être éditées en DVD pour bientôt.
La Goulve (1972)
Second long-métrage de Mario Mercier (l'incunable Les Dieux en Colère était aussi au festival mais EL n'a pas pu être de la partie), La Goulve narre la possession du jeune apprenti-sorcier Raymond (Hervé Hendrickx à la voix bien particulière), jeune apprenti-sorcier, par la succube invoquée par ses soins pour l'aider dans ses aventures sexuelles compromises. Malgré une copie aux couleurs délavées, La Goulve a gardé tout son cachet d'OFNI filmique particulier avec son mélange d'érotisme suranné (ah les formes généreuses de la gironde Maïka Simon ...) et d'horreur gothique, auquel il ne manque même pas des SFX visuels, certes sommaires mais néanmoins surprenant dans le cadre d'un drame pastoral. Ce premier essai de « witch-cinema » comme cela est affiché dans le générique du début mérite indéniablement sa place entre les œuvres de début de Jean Rollin (La Vampire Nue, Le Frisson des Vampires) ou de Bruno Gantillon (Morgane et ses nymphes).
La Papesse (1975)
Plus déroutant par son thème, celle de la conversion d'un artiste en crise au paganisme, le dernier essai filmique en date de Mario Mercier prête plus à la controverse. Alternant scènes de torture physiques et psychologiques typiquement sadiennes, et orgies païennes où la nudité est affichée de manière conséquente, La Papesse nous rappelle qu'elle est une pure œuvre de l'ère post-hippie, avec toutes les scories que l'on peut regretter. Le film souffre ainsi d'une interprétation quelque peu approximative et d'un sérieux affiché au premier degré. Alors que La Goulve était assez fun à suivre, ici on navigue entre deux eaux. D'un côté, on est pris par un rire parfois incongru, surtout du fait de dialogues assez croustillants (« Avant j'étais comme elle, une pauvre conne ») et de l'autre on demeure surpris par l'orientation sexuelle pleinement avérée du propos. Même si on a vu plus choquant au cinéma depuis, le film connut les foudres de la censure et reste un must d'une certaine forme de cinéma contestataire français des années Giscard. Il demeure néanmoins mémorable pour la peinture censée être vraie de personnages vivant selon des codes non conventionnels, dont la fameuse Papesse, nommée Geziale, qui s'était déclarée « Grande Prétresse de l'Ere du Verseau » !