FrightFest de Londres : compte-rendu n°3
Le temps s'est couvert sur Londres, faisant de ce dimanche une journée moyennement engageante pour les touristes en goguette. Le programme dominical du FrightFest était à cette image, ni éblouissant ni catastrophique. Le facteur fatigue y est sans doute pour quelque chose, les plus affamés des festivaliers ayant gobé une vingtaine de films depuis jeudi soir ; mais l'absence de très grands noms et la tiédeur générale du programme est un fait.
Pour autant, pas question de jouer la fine bouche tant les oeuvres présentées pour ce quatrième jour étaient à la fois variées et de facture correcte. Dans la salle principale, les festivités débutent en fin de matinée avec la projection du film norvégien Dead snow, dont la deuxième partie (une lutte délirante et enneigée entre un groupe de skieurs et une horde de zombies nazis) compense largement une première moitié un peu plate. Ayant déjà vu le film de Tommy Wirkola, je retente ma chance dans la deuxième salle, celle consacrée aux découvertes et aux films fauchés (enfin, encore plus fauchés que les autres). Salvage, du british Lawrence Gough, n'a rien d'un chef d'oeuvre mais épate par sa capacité à créer l'effroi avec zéro moyen. Situé dans une résidence pavillonnaire subitement placée en quarantaine sous le contrôle de l'armée, ce quasi huis clos met du temps à dévoiler la véritable nature de la menace qui rôde, mais réussit à se rendre intéressant grâce à des dialogues d'une grande qualité. La dernière demi-heure, violente à souhait, parvient à faire oublier tant bien que mal le budget minuscule du film, le réalisateur privilégiant la qualité des scènes horrifiques plutôt que la quantité.
Se pose alors une question fondamentale : vaut-il mieux avoir le ventre vide ou plein avant d'assister à la projection de The human centipede (First sequence), film anglo-hollandais dont le synopsis a de quoi intriguer les fans de déviances et les curieux en tous genres ? Le héros du film de Tom Six est un chirurgien allemand qui s'adonne dans son sous-sol à des expériences peu orthodoxes, puisque son projet est de créer un mille-pattes humain. Comment ? En capturant (sans les tuer) trois jeunes gens puis en cousant l'anus de l'un avec la bouche du suivant, créant ainsi un animal bizarroïde et mouvant. Avec un tel sujet, Six ne pouvait que livrer un film à la fois drôle et dégueulasse (devinez ce qui se passe quand l'une des victimes ne peut plus retenir son sphincter), et réussit globalement son entreprise en assumant totalement ces deux facettes. Reste qu'une fois passée l'étrangeté de ce mille-pattes humain, l'impression qui domine est celle d'avoir assisté à un spectacle un peu vain, qui peine à aller au-delà de son étrange idée de départ. Petite précision : le First sequence du titre s'explique par le fait que Tom Six compte mettre en scène une suite intitulée Final sequence, dans laquelle le mille-pattes sera composé d'une quinzaine de personnes, le tout sous la forme d'un slasher. Cet homme-là a le sens du buzz, c'est certain.
À peine le temps de faire des provisions de café et voilà Coffin rock, de l'australien Rupert Glasson. Annoncé plus qu'un peu vite comme un nouveau Wolf creek, le film ne partage en fait que deux éléments avec le film de Greg McLean : son producteur et son pays d'origine. Dans ce thriller d'une violence sourde, un couple tente désespérément d'avoir un enfant, jusqu'à ce que la femme couche avec le premier venu un soir d'ivresse. Forcément, la voilà enceinte ; forcément, il ne s'agit pas du premier venu mais d'un psychopathe de première, persuadé d'avoir rencontré l'amour de sa vie et souhaitant à tout prix fonder un foyer et élever l'enfant à venir. Les éléments se mettent lentement en place, mais la tension monte petit à petit jusqu'à une escalade de violence pour le moins efficace, qui ne parvient cependant pas à gommer une certaine impression de déjà-vu.
Tout le monde se détend ensuite, comme en témoigne l'atroce odeur de pop corn qui monte subitement dans la salle, pour voir le très léger Night of the demons d'Adam Gierasch. Ce remake du Demon house de 1988 est présenté par son réalisateur comme une histoire de démons qui poursuivent des filles à gros seins. Le ton est donné : plein de bombasses (menées par une Shannon Elizabeth un peu trop couverte) et de vilains monstres, c'est un saturday night movie souvent agréable et d'une vulgarité assumée, mais qui entre deux moments extrêmement délirants souffre de temps morts assez dommageables. S'il devait y avoir un prix des effets visuels pour ce Festival, Night of the demons le mériterait sans doute, tant ses bestioles en tous genres sont d'une crédibilité absolue. En revanche, les responsables maquillage ont visiblement oublié de faire quelque chose pour Edward Furlong, qui joue ici un dealer de coke (tiens tiens), et qu'on a du mal à reconnaître tant il est bouffi et plein de gras. Mais le physique, on s'en fout : contrairement à Brad Renfro, Furlong est vivant, et s'acquitte qui plus est de son rôle avec une drôlerie insoupçonnée.
Avant la projection de Black, étonnamment projeté dans le cadre du FrightFest, les derniers frissons de la soirée étaient dus à Clive Barker's Dread, adaptation de l'une des nouvelles contenues dans les fameux Livres de sang de l'auteur. Trois jeunes gens y réalisent un documentaire sur la peur en interviewant des membres de leur campus, jusqu'à ce que l'un d'entre eux décide de pousser l'expérience jusqu'au point de non-retour. Sans doute le meilleur film de la journée, Anthony DiBlasi ayant réussi à capter l'atmosphère barkerienne et à monter un suspense efficace, souvent glaçant, et empreint de grands moments de violence psychologique. Une grosse réserve cependant : la prestation de Shaun Evans, bien loin de convaincre dans le rôle du sociopathe de service, manquant de folie dans le regard et d'intensité dans l'action. Mais DiBlasi a de l'avenir, c'est un fait, d'autant qu'il a visiblement les faveurs de Barker (producteur du film), qui a donné son feu vert pour qu'il adapte une autre de ses nouvelles.
Après Natali vendredi et Romero samedi, on attendait la surprise du jour avec une certaine excitation, et la déception fut à la hauteur. Mais on pardonnera volontiers à Adam Green, l'un des deux programmateurs et chouchous du publics, d'avoir souhaité partager le trailer de son nouveau long, Frozen, qui semble éminemment foireux, puisqu'il met en scène un trio de skieurs bloqués sur un téléphérique pendant la semaine de fermeture d'une station de haute montagne. Une sorte d'Open water en altitude, où les seuls rebondissements semblent être « oups, j'ai fait tomber un gant » et « oh mon Dieu, j'ai froid aux doigts ». Adam a de la chance d'être aussi aimé par le public local... En fait, la vraie surprise est celle qui a précédé Black, John Landis (encore et toujours présent dans la salle de l'Empire) ayant présenté sans prévenir un long making of du fameux clip réalisé pour le Thriller de Michael Jackson. Ayant déjà vu Black, j'avoue avoir raté ça ; mais, n'étant pas spécialement fan du King of Pop, cela ne m'epêchera pas de dormir. Le public a paraît-il apprécié ce moment privlégié avec un mélange d'émotion et d'enthousiasme. Tant mieux pour les admirateurs de la star...
Demain, dernière journée au FrightFest, écourtée car l'Eurostar n'attend pas. Mais des films nommés Zombie women of Satan ou The house of the devil offriront sans doute une clôture digne de ce nom à mon festival (qui, en vrai, se termine avec un The descent 2 guère apprécié à Ecran Large). À moins que Christian Alvart et Renée Zellweger ne viennent mettre tout le monde d'accord...