Deauville Asie 2009 - Jour 1 : peau neuve ou peau de chagrin ?

Vincent Julé | 13 mars 2009
Vincent Julé | 13 mars 2009

Après avoir fêté son dixième anniversaire avec discrétion mais classe en 2008, le festival du film asiatique de Deauville a gardé quelques surprises pour 2009 et sa 11ème édition. Et de drôles de surprises. En effet, afin de jouer la découverte et le dépaysement à fond, nous n'avions jeté qu'un œil rapide au programme, aux films et aux évènements. Mais une fois sur place, attention au jetlag ! Ainsi, en dépliant la grille des projections, il semble manquer une page. En fait, c'est une salle qui manque. Les films ne sont plus présentés sur trois salles, mais deux. Ce qui signifie surtout moins de projections par film (souvent une, parfois deux) et moins de rétrospectives. Ainsi, l'hommage rendu à la Corée du Sud à travers ses cinéastes Lee Chang-dong et Lee Yoon-ki peut prendre un nouveau sens, les deux n'ayant qu'une petite filmographie avec quatre longs-métrages chacun. Aucune incidence par contre sur les sélections de la Compétition, de l'Action Asia et du Panorama.

 


 

La rumeur veut que les salles n'étaient pas assez remplies, ou encore que le budget alloué au festival a été revu à la baisse. Deuxième dommage collatéral, la disparition du Village Asia. Entre les démonstrations sportives, les cérémonies du thé, les stands spécialisés ou le snack-bar, ce forum n'était jamais le centre des activités mais il permettait d'animer les entre-films, d'attirer les écoliers et de mettre un peu d'ambiance. En ce début de festival, il fait ainsi aussi gris à l'extérieur qu'à l'intérieur. C'est dans les salles obscures qu'il faut donc chercher le rayon de soleil, ou celui du projecteur - oui, la pluie rend aussi poète.

 


 

Et là encore, il y a du changement, puisque 2009 marque la première année de jumelage entre Deauville Asie et le Festival International du Film de Pusan en Corée. Il s'agit d'un des plus grands festivals de cinéma d'Asie et qui compte déjà près de 15 ans d'activité. Mais se pose alors la question de savoir si cet accord est synonyme de facilité ou de richesse ? En effet, Deauville Asie va-t-il devenir un simple rip-off de Pusan qui n'aura qu'à se baisser pour faire sa programmation, ou bien va-t-il se faire écho et s'ouvrir à de nouveaux cinémas et de nouveaux pays ? A chacun de se faire une idée, même si la sélection 2009 révèle une certaine volonté d'exigence. Deauville accueille ainsi son premier film kirghize, monté financièrement grâce au Pusan Promo Plan il y a trois ans et présenté à la 13ème édition du festival en octobre dernier.

 


 

Chant des mers du Sud de Marat Sarulu (Kirghizstan, 2008)
Ivan est russe, son voisin Assan est kazakh. Ils vivent en voisins dans un petit village kazakh. Quand la femme d'Ivan donne naissance à un enfant brun et quelque peu bridé, Ivan suspecte sa femme de l'avoir trompé avec Assan...



Si le pitch laisse présager un drame social et identitaire, au final, il n'en est rien. Le réalisateur parle bien de métissage pour son quatrième long-métrage, mais il le fait avec une désinvolture réjouissante. Qu'Ivan soit blond et russe et Assan brun et kazakh, ils s'entendent et se ressemblent beaucoup. Dans leur manière de traiter leurs femmes par exemple, à la fois cocasse et macho. Dans la manière aussi dont le poids des ancêtres et de la famille se rappelle toujours à eux. Mais ils continuent d'essayer, bien aidés par la vodka et la fête ! (3,5/5)


Autre film en Compétition, Naked of Defenses a vu monter sur scène le réalisateur japonais Masahide Ichii, sa femme et actrice Sanae Konno et leur très jeune fils Hayate. Rien d'exceptionnel jusque-là, sauf que Sanae joue une femme enceinte dans le film et était enceinte de Hayate lors du tournage. Et ce n'est pas tout...

 

 

 

Naked of Defenses de Masahide Ichii (Japon, 2008)
Chinatsu, enceinte de plusieurs mois, est engagée dans une usine située dans un village à la campagne. Elle y fait la connaissance de Ritsuko, une employée de longue date, qui l'aide à s'adapter à son nouvel environnement. Au contact de Chinatsu, Ritsuko se souvient d'un événement douloureux de sa vie passé et réalise peu à peu qu'elle mène une vie malheureuse.



Bien que ce soit un deuxième long-métrage, Naked of Defenses a tous les défauts du premier film. Mais pour un film japonais indépendant, ils se révèlent autant de qualités. Des plans fixes, la maladresse du casting, une narration didactique, une politesse ironique... Masahide Ichii traire d'un sujet difficile voire douloureux (la grossesse, la fausse couche) avec pudeur et bonheur. Mais plus encore, il s'offre littéralement lorsqu'il décide de filmer l'accouchement de Chinatsu et en fait de sa femme Sanae. Un parti pris insensé, un tour de force cinématographique qui crève l'écran, abat les barrières habituels entre le réalisateur et le spectateur. Certains crient au scandale, d'autres soupirent au coup commercial, beaucoup applaudissent... et Pusan lui décerne son premier prix. Tiens, tiens... (4/5)

 

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