Naomi Watts, l'actrice de demain

Thomas Messias | 9 mars 2009
Thomas Messias | 9 mars 2009

Ah, la vie, ses imprévus, ses injustices, la place laissée au destin…  Comment expliquer que, des deux héroïnes du magnétique Mulholland drive, l’une ait poursuivi une carrière à base de direct to video pendant que  l’autre n’en finissait plus d’exploser ? Le mystère de la vie ? Le talent ? On ne sait pas vraiment, même si, n’en déplaise à Laura Elena Harring, Naomi Watts était réellement la figure de proue du Lynch, celle des deux qui offrait au film ses moments les plus troubles, les plus moites. Les plus lynchiens, quoi. On retiendra à jamais la scène de masturbation féminine la plus dérangeante qui soit (ouais, même pour un mec lubrique), une façon d’embrasser qui n’appartient qu’à elle, la manière dont elle liquéfie un vieil acteur trop sûr de lui. Et un tas de trucs moins ouvertement sexuels, mais tout aussi bouleversants.

 

 


 

 

Avec Mulholland drive, Naomi Watts laissait derrière elle une quinzaine d’années à apprendre le métier et à enchaîner les rôles de troisième zone dans des productions plus ou moins respectables. Les curieux pourront la chercher dans Panic sur Florida Beach (1993) ou Tank girl (1995), ou encore tenter de reconnaître sa voix dans Babe, le cochon dans la ville. Et ses plus grands fans pourront creuser du côté de séries télé australiennes et de films de la même origine, puisque c’est au pays des kangourous qu’a grandi miss Watts, née en 1968 en Angleterre.

 

 


 

 

Watts fait donc partie de ces actrices passées du néant au succès en l’espace d’un film. Curieusement, même après la baffe Mulholland (présenté à Cannes en 2001 et honteusement reparti bredouille), il a fallu un certain temps aux réalisateurs pour se rendre compte qu’elle n’était pas la femme d’un seul rôle. Blonde, pâle, fragile en apparence, elle a tout d’une héroïne hitchcockienne (pas étonnant que Martin Campbell l’ait engagée pour reprendre le rôle de Tippi Hedren dans Les oiseaux). Après Ned Kelly (sur le tournage duquel elle rencontre Heath Ledger, qui resta quelques temps son amoureux) et L’ascenseur niveau 2 en 2002, c’est finalement Gore Verbinski qui lui offre son premier rôle intéressant post-Lynch : dans Le cercle, remake de Ring, elle explose en reine de l’angoisse, ses grands yeux inquiets servant de refuge pour ceux du spectateur. Ce succès la fait entrer à Hollywood, d’où elle n’est apparemment pas près de ressortir.

 

 


 

 

La voilà devenue l’actrice que tout le monde s’arrache, celle qui fait rêver les cinéastes, elle dont la palette est bien plus large que ce que l’on pouvait penser. Devant faire face à une montagne d’offres, elle refuse beaucoup de propositions mais tourne tout de même beaucoup de films. L’air de rien, L’enquête est tout de même son 15ème rôle depuis 2003… Alors forcément, une telle boulimie filmique ne va pas sans quelques erreurs d’appréciation. Mais celles-ci sont plutôt rares, et assez compréhensibles. Un rôle chez James Ivory ? Une aubaine ! Sauf que le cinéaste britannique est l’une des victimes collatérales du bug de l’an 2000, et a semble-t-il perdu tout son talent à cause d’un virus. Ça donne Le divorce, film franglais au casting de rêve (Kate Hudson ! Thierry Lhermitte ! waouh !) mais dont la nullité est un peu trop réelle. Tout le monde peut se tromper.

 

 


 

 

Suit The assassination of Richard Nixon, film dont le titre, le sujet (un Taxi driver moderne, en quelque sorte) et l’acteur principal (Sean Penn) ne pouvaient que faire très envie. Pour tout dire, avant que quiconque voie le film de Niels Mueller, on imaginait même que quelques Oscars allaient s’abattre sur lui. Raté : The assassination… est une déception, un pauvre petit film indépendant pas honteux mais sans aucun relief. Elle n’y passe cependant pas inaperçue dans le rôle de l’épouse du héros.

 

 


 

 

On a même envie de lui pardonner d’avoir accepté Le cercle 2, qui permet à Hideo Nakata de réaliser la suite du remake de son propre film (faut suivre). Pas de chance : une suite nulle, ni faite ni à faire, grillant le japonais à Hollywood et donnant envie d’applaudir le clairvoyant Noam Murro, qui lâcha le projet quelques semaines avant le tournage pour aller s’occuper de sujets moins idiots (le sympathique Smart people).

 

 


 

 

Heureusement, avant cela, il y avait eu 21 grammes, qui permettait à Alejandro Gonzalez Inarritu d’envahir les USA, et à Naomi de tourner une première fois avec Sean Penn. Qu’on aime ou pas l’univers du cinéaste mexicain (génie absolu ou Lelouch en sombrero ?), on ne peut que saluer la classe d’une distribution incluant également Benicio del Toro et Charlotte Gainsbourg. Un très beau rôle dramatique pour Watts pour un film triste et malheureux comme la pierre. Ce qui n’est pas le cas de J’ Huckabees, OVNI absolu de l’énergumène David O. Russell, plus connu pour l’engueulade magistrale entre Lily Tomlin et le réalisateur sur le plateau que pour sa qualité intrinsèque. C’est pourtant un monument de non-sens, de dérision, de burlesque jusqu’au-boutiste.

 

 


 

 

Entre deux films avec John Curran (les louables We don’t live here anymore et Le voile des illusions), elle est ensuite choisie par Peter Jackson pour être l’héroïne humaine de son King Kong. Si le film ne fait pas tout à fait l’unanimité, sa prestation de néo-starlette s’attirant les faveurs du gros singe ne laisse guère de doute : bien qu’étant une actrice résolument moderne, Naomi Watts aurait parfaitement trouvé sa place dans le film de 1933.

 

 


 

 

Après Stay, film fantastique raté de Marc Forster, la voici aux mains de David Cronenberg, qui la fait entrer dans son petit monde : dans Les promesses de l’aube, elle est la petite part d’humanité et d’innocence dans une galerie de personnages pourris jusqu’à l’os. Et, bien qu’un peu en retrait, trouve idéalement sa place entre Viggo Mortensen et Armin Mueller-Stahl. Tout comme elle semble à l’aise pour remplacer Susanne Lothar dans Funny games U.S., film Rank Xerox de Michael Haneke. Celui-ci avait d’ailleurs posé ses conditions pour qu’un remake de Funny games voie le jour : qu’il puisse le refaire à l’identique plan par plan, et que Naomi en soit l’actrice principale. Ça en impose.

 

 

 

 

Cette semaine dans L’enquête – the international, son faible temps d’apparition à l’écran (comparé à celui de Clive Owen) risque de décevoir un peu ses admirateurs ; il n’empêche qu’elle est l’un des piliers du film et qu’elle est une fois encore très crédible en investigatrice. Elle est loin, l’image de blonde fadasse qu’elle promenait dans les années 90. À présent, les réalisateurs s’arrachent l’actrice de demain : outre Martin Campbell, elle tournera prochainement avec Woody Allen, Ryan Murphy, Doug Liman… Plus que jamais, les années à venir montreront que la puissance s’exprime en Watts.

 

 


 

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