Compte-rendu de la 24ème édition du SBIFF

Flavien Bellevue | 28 février 2009
Flavien Bellevue | 28 février 2009

En marge du célèbre festival de cinéma international indépendant de la ville de Park City, Sundance, se tenait du 22 janvier au 1er février 2009 sur l'American Riviera, le festival international du film de Santa Barbara (SBIFF pour les intimes anglophones). Plus jeune d'un an face au festival de Robert Redford, le festival de Santa Barbara attire de plus en plus de monde et de célébrités depuis qu'il est dirigé par Roger Durling (rien à voir avec le personnage du romancier Tom Clancy devenu 44ème président des Etats-Unis...), un fervent défenseur du cinéma de tous genres aux cheveux hirsutes, critique au journal Santa Barbara Independent et qui anime, le reste de l'année, les soirées de la Cinema Society et autres projections-débats de la ville. Depuis l'arrivée de Durling (six ans) aux commandes du festival, la programmation a gagné en qualité et quantité et a su attirer les favoris des Oscars et une partie d'Hollywood.

 


Si Ed Harris, Heather Graham, Will Smith, Angelina Jolie, Kirk Douglas ou même notre Marion Cotillard nationale ont déjà répondu présent, cette année les invités furent tous plus prestigieux les uns que les autres et avaient encore la particularité d'être nommés aux Golden Globes et aux Oscars. Honneurs aux dames puisque ce sont Kate Winslet, Pénélope Cruz et Kristin Scott Thomas qui ont ouvert le bal des récompenses et ont reçu respectivement le Montecito Award, le Chopin Outstanding Performer of the Year Award et le Cinema Vanguard Award pour leurs récentes performances et bien évidemment leurs carrières. 

 


Apres le « sacrement » des trois actrices, un hommage de dernière minute a été rendu au réalisateur Danny Boyle en sa présence avec le film « buzz » du moment Slumdog Millionaire. Une rétrospective de ses films était présentée durant toute une journée permettant de (re)découvrir des films comme Trainspotting, Millions ou encore Sunshine. Deux jours plus tard, un prix d'ensemble nommé Virtuoso Award a été remis aux acteurs Richard Jenkins (The Visitor), Viola Davis (Doute), Melissa Leo (Frozen river), Michael Shannon (Les noces rebelles), Rosemarie Dewitt (Rachel getting married) et Sally Hawkins (Be happy) qui n'a finalement pas pu faire le déplacement. Pour la petite histoire, ce prix avait été remis en autres à Marion Cotillard, l'an passé. Le lendemain fut le plus délirant au niveau de l'affluence puisque Clint Eastwood recevait le Lucky Brand Modern Master Award. Alors que la foule affluait (certains arboraient fièrement un « Make my day » ou un « Lucky Punk » sur leur sweat-shirt) et que les journalistes/photographes se serraient les uns contre les autres pour saisir chaque instant de l'arrivée de l'acteur-réalisateur de Gran Torino, Clint Eastwood est tout simplement arrivé en marchant et a dû passer à travers la foule et sauter une rambarde pour retrouver le tapis rouge qui le conduisait au Arlington Theatre pour la cérémonie (!). 

 

 

Apres une salve de standing ovation, un tonnerre d'applaudissements et une revue de sa carrière en compagnie du célèbre critique américain Leonard Maltin, le prix lui fut remis par son acteur « oscarisé » de Mystic river, Sean Penn. En bon comique, ce dernier n'a pas hésité à aller chercher les premiers cris de l'acteur pour retracer sa vie lors d'un hommage vibrant ; allant même jusqu'à rappeler qu'ils ne partageaient pas la même vision de la politique...mais qu'ils restent amis. Clint Eastwood finira par révéler en conclusion que son prochain film, The Human Factor sera une étape de la vie de Nelson Mandela avec Morgan Freeman dans le rôle et qu'il sera face à Matt Damon ; le tournage commencerait début mars 2009.

 


 

L'hommage suivant ne reçut pas du tout le même accueil et la même effervescence au point qu'on aurait cru que la ville avait été désertée tant l'espace pour les journalistes/photographes était à moitie vide et que le public était peu présent pour l'arrivée de David Fincher. Le réalisateur de L'étrange histoire de Benjamin Button était désigné « Director in residence » et était soutenu par l'une des actrices du film, nommée aux prochains Oscars, Taraji P. Henson et par l'acteur de Zodiac, Jake Gyllenhaal, qui finalement a fait crier quelques demoiselles. Apres une rétrospective de sa carrière (ses débuts à ILM (sur Le Retour du jedi ou Indiana Jones et le temple maudit), les pubs et les clips avec sa compagnie Propaganda Films et ses longs-métrages) avec le journaliste de Variety, Pete Hammond, David Fincher reçut son prix des mains de Gyllenhaal et remercia humblement la foule avant de prendre des photos avec des étudiants de cinéma.

 


 

Last but not least, le come back de l'année 2008, comme beaucoup le clament aux Etats-Unis, n'est autre que celui de l'acteur Mickey Rourke. Pour l'occasion, plus de public et de photographes ont répondu à l'appel ; et peut-être aussi, parce que Christopher Lloyd avait fait le déplacement et parce qu'en surprise de fin de cérémonie, le célèbre réalisateur Francis Ford Coppola a remis en main propre au comédien, l'American Riviera Award devant une foule émue.  

 

Et les films dans tout cela ?! Eh bien pas moins de 200 films de tous genres étaient visibles en l'espace de dix jours. Pour cela, il a fallu pour la première fois organiser des projections dès 8h le matin comme les plus grands festivals. Que ce soit du documentaire ou de la fiction, il y avait l'embarras du choix. Ceux qui affectionnent le cinéma du réel, à savoir le documentaire, ont pu voir une sélection très variée de sujets ; de la vision d'un jeune adolescent de 17 ans sur la dernière campagne présidentielle américaine (Mile High : how to win and lose the White House) à l'étonnant parcours de la première femme flic hautement gradé d'Inde (Yes Madam Sir) en passant par le triste destin d'un enfant terrible des bas-fonds de Nairobi (Rescuing Emmanuel), une revue de l'histoire de la publicité américaine (Art & Copy), une enquête sur le meurtre d'une nonne américaine au cœur de l'Amazonie (They Killed Sister Dorothy) ou encore l'incarcération du chanteur Johnny Cash dans la prison de Folsom à travers le récit d'un de ses codétenus (Johnny Cash at the Folsom Prison).

 

La liste est longue et la qualité est au rendez vous quasiment à chaque séance car le festival pioche sa sélection dans les meilleurs festivals nord américains à savoir ceux de Telluride (qui avait également rendu hommage à David Fincher lors de sa dernière édition), Toronto et Sundance. Complet, le festival de Santa Barbara n'oublie pas également les étudiants en cinéma et permet un concours baptisé 10/10/10 où dix équipes doivent réaliser un film en dix jours.   

 


 

Les longs-métrages de toutes nationalités (la plus large sélection de l'histoire du festival) étaient répartis sur six sections. La première intitulée Santa Barbara Filmmakers concerne les réalisateurs locaux qui ont proposé 8 longs-métrages dont Mile High... et 25 courts-métrages ; la section To The Maxxx comprend tous les films dits de sports extrêmes via 10 longs-métrages et 3 courts-métrages que ce soit sur le surf en Irlande ou à la Havane, la culture du skate, l'ascension de l'Everest ou le challenge des 24 heures du Mans, il y en avait pour tous les goûts. Reel Nature  est une section dédiée aux films documentaires, comme son nom l'indique, sur la nature tandis que Latino Cinemedia représentait 19 films venant d'Amérique latine et d'Espagne. 

 

L'Asie n'était pas en reste avec la section EastXWest qui présentait pas mal de nouveautés au public américain dont 20th Century Boys (sorti en France le 14 janvier dernier), The Divine Weapon qui est un film coréen épique en costumes, Evangelion 1.0 : you are (not) alone film d'animation tirée de la célèbre série animé (sortie en France, le 4 mars prochain), 4BIA qui est la réponse thaïlandaise au 3 Extrêmes coréen sauf qu'il s'agit de quatre histoires pour autant de réalisateurs. Mais il y avait surtout le dernier film délirant d'aventure et d'action costumé avec la star japonaise Takeshi Kaneshiro, K-20 : Legend of the Mask signé par Shimako Sato dont les gamers connaissent bien le style visuel des cinématiques des jeux Onimusha Tactics et Resident Evil : Code Veronica.

 

Enfin, la section Eastern Bloc apportait les dernières curiosités de Turquie, Serbie, Bulgarie, Russie ou encore du Kazakhstan. On pouvait y découvrir le dernier Nuri Bulge Ceylan Les Trois singes ; un thriller slovène où un jeune homme découvre en volant une peinture de grande valeur, un horrible secret datant de la fin de la seconde guerre mondiale (Landscape No. 2), ou encore la vie d'un homme injustement incarcéré  en 1944 qui découvre le Sofia totalitaire des années 60 à sa sortie de prison dans le film bulgare noir et blanc Zift. Du côté de l'Europe de l'Ouest, on pouvait compter sur les nommés aux Golden Globes, l'italien Gomorra et le suédois Everlasting moments ; le film italien primé à Cannes Il Divo était également présenté tandis que l'Allemagne comptait sur Une femme de Berlin (Anonyma - Eine frau von Berlin) pour la représenter. La France avait la Cliente de Josiane Balasko et le Kabuli Kid de Barmak Akram pour uniques représentants tandis que notre Jean-François Stévenin national se cachait dans un film costaricain intitulé El Camino.

Présent les quatre derniers jours du festival, voici les films que l'auteur de ces lignes a pu voir :

 

 


Skin d'Anthony Fabian avec Alice Krige, Sam Neil et Sophie Okonedo : L'histoire vraie de Sandra Laing, sud-africaine noire, née durant l'Apartheid de parents Afrikaners qui se battent devant la justice pour la reconnaître « blanche ». Un poignant scénario porté par un casting soigné et une réalisation correcte mais sans risques.

 

Follow the Prophet de Drew Ann Rosenberg avec Annie Burgstede, Robert Chimento, Diane Venora, David Conrad, Joan Sweeny et Tom Noonan: Une jeune fille de 15 ans, issue d'une famille fondamentaliste, se sauve de chez elle la veille où elle doit être « offerte »  au Prophète. Avec l'aide d'un colonel et d'une femme shérif, ils essaieront d'exposer les pratiques du Prophète. Ceux qui s'intéressent à la polygamie chez les Mormons grâce à la série Big Love vont avoir droit ici à une version plus dramatique de ce mode de vie. Si le scénario est fort dans ce qu'il dénonce et ses personnages, il est un peu diminué par quelques clichés et une réalisation peu inspirée bien qu'il s'agit d'une production indépendante. Néanmoins, nous retiendrons la prestation de la jeune Annie Burgstede qu'il faudra suivre.   

 


 K-20: Legend of the Mask de Shimako Sato avec Takeshi Kaneshiro, Takako Matsu: Dans un Japon fictif de 1949 où la seconde guerre mondiale ne s'est jamais passée, vit Heikichi un habile acrobate de cirque qui va se retrouver accusé d'être le vengeur masqué, K-20 ; Pour se sauver et coincer ce dernier, Heikichi endossera son costume à ses risques et périls...Assurément le coup de cœur série B de ce festival. L'univers du Japon post moderne avec un personnage échappé de la littérature d'aventure (on pense à Fantômas avec les déguisements), des scènes d'actions bien rythmées et une dose d'humour font de ce film, un véritable moment de plaisir cinématographique.

 

 


 

Ce qu'il faut pour vivre de Benoit Pilon avec Natar Ungalaaq, Eveline Gélinas, Vincent-Guillaume Otis : Au début des années 1950, un inuit est forcé d'aller se soigner dans un sanatorium du Québec alors qu'il ne connaît ni la langue et ni la culture canadienne. Le cinéma québecquois prouve encore une fois qu'il est en pleine forme ; l'acteur d'Atanarjuat prête ses traits à Tivii, inuit touchant car isolé dans ce « nouveau monde » et qui retrouve l'espoir grâce à son infirmière et un jeune orphelin qui connaît sa langue. Coup de cœur « auteur » de ce festival, le film est d'ailleurs passé en France fin 2008 en ouverture du festival du cinéma du Québec.

 

 

The Informers de Gregor Jordan avec Billy Bob Thornton, Winona Rider, Kim Bassinger, Brad Renfro, Amber Heard, Chris Isaak, Rhys Ifan et Mickey Rourke: Los Angeles 1983; des jeunes tentent de surmonter le deuil de la mort soudaine de leur ami dans la débauche tandis qu'un couple de quarantenaire tente de se retrouver alors qu'une rock-star anglaise tente de vaincre sa solitude et sa monotonie dans sa chambre d'hôtel à travers le sexe et l'alcool. Avec une ambiance 80's bien retranscrite à l'écran et un casting au top, le film de Gregor Jordan n'a pas l'audace visuelle des Lois de l'attraction mais le Los Angeles de Bret Easton Ellis qu'il dépeint, paraît à la fois aseptisé et malsain. A ne pas rater pour son casting ; le film est dédié à Brad Renfro dont c'est la dernière apparition à l'écran.

 

 

4BIA de Youngyooth Thongkonthun, Banjong Pisanthanakun, Parkpoom Wongpoom, Paween Purikitpanya: Après 3 Extrêmes en Corée, quatre réalisateurs thaïlandais racontent chacun une histoire d'horreur : Une fille plâtrée est terrorisée chez elle par des sms mystérieux ; un jeune collégien invoque une malédiction pour se venger des voyous de son collège ; quatre amis lycéens partent en camping et se font peur avec des histoires qui deviennent réalité ; une hôtesse de l'air doit prendre en charge la dépouille d'une princesse mais le corps se réveille pour la hanter... Dans l'ensemble 4BIA (prononcez Phobia) est moins sophistiqué que les films de 3 Extrêmes. Si la première histoire a du mal à démarrer mais contient son suspense, la seconde est plombée par une caméra et un montage épileptiques ; les deux dernières histoires allient habilement humour et suspense. A voir pour les amateurs d'horreur et d'hémoglobine venant d'Asie.

 

 

Efren Ramirez

 

Avec une large sélection de long-métrages, le  jury, présidé par Dave Stein (cinéaste de Santa Barbara) et composé de 10 professionnels du cinéma dont le réalisateur Gil Kenan (Monster house), les acteurs James Cromwell (W., L.A. Confidential), Anthony Zerbe (Trilogie Matrix), Rodrigo Santoro (Che, Love Actually) et Efren Ramirez (Napoleon Dynamite) ainsi que les productrices Leslie Caveny (Penelope) et Lauren Moews (Cabin Fever) ont eu la lourde tâche de décider les élus pour les prix suivants :

 

Meilleur film indépendant

Poppy Shakespeare de Benjamin Ross avec Naomie Harris et Anna Maxwell Martin. Produit par Channel 4, cette comédie noire serait un croisement entre Catch-22 de Mike Nichols et Vol au dessus d'un nid de coucou de Milos Forman où deux patients d'un hôpital psychiatrique se lient d'une amitié improbable.

 

Meilleur film international

Anonyma, Eine Frau von Berlin de Max Färberböck. Tiré d'une histoire vraie, une Allemande tente de survivre  dans Berlin lors de l'arrivée de l'armée soviétique.

 

 


 

Meilleur film en langue espagnole

Amar a morir de Fernando Lebrija avec José Maria de Tavira, Martina Garcia et Raul Mendez. Alejandro est le fils d'un grand magnat de la ville de Mexico, fuyant son mariage arrangé, il fait la rencontre de Rosa une jeune fille dans la même situation que lui. Ils s'enfuient ensemble quitte à s'aimer à mourir...

 

Meilleur film d'Europe de l'Est

Tulpan de Sergei Dvortsevoy. Le film sort en salles  le 4 mars en France.

 

Meilleur film documentaire et Prix du fond social et de la justice de Santa Barbara

Yes, Madam Sir de Megan Doneman

 

 

 

Prix du public

Skin d'Anthony Fabian avec Sophie Okonedo, Alice Krige et Sam Neill.

 

Meilleur court-métrage de moins de 30 minutes

Love you more de Sam Taylor-Wood

 

Meilleur court-métrage d'animation

This way up d'Adam Foulkes et Alan Smith

 

L'an prochain, le festival international de Santa Barbara soufflera ses 25 bougies et nous espérons pouvoir être de la partie. Nous savons déjà que l'équipe du festival commence déjà à travailler sur les nombreuses surprises qui auront lieu durant cette prochaine édition. En outre, cette 24ème édition proposait un programme complet de qualité et permettait également de faire un état des lieux du cinéma américain à travers des conférences de scénaristes, de producteurs et d'artistes indépendants et de Hollywood.

 

Retrouvez l'intégralité des films présentés au festival sur le site du Santa Barbara Independent .

 

Thanks to SBIFF Staff

Special thanks to Beth Binker, Carol Marshall, Phil Jun and Roger Durling.

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