La Master Class d’Amitabh Bachchan

Marjolaine Gout | 24 février 2009
Marjolaine Gout | 24 février 2009

Ayant troqué sa tunique indienne pour un costume, Amitabh Bachchan se faufila dans l'agrégat massif de fans, photographes et curieux. Après une ovation, il salua mains jointes l'assemblée, puis s'installa aux côtés de Martine Armand, son hôte pour la journée. Avant de débuter la séance, Amitabh s'autorisa un souvenir : prendre deux clichés de la foule exultante.


Martine Armand (à l'adresse du public) : Il est difficile d'imaginer que quelqu'un ne connaisse pas monsieur Bachchan et l'importance qu'il occupe dans l'industrie du cinéma indien. Toutefois si par hasard, dans le salon du cinéma, certaines personnes se trouvaient ici (balayant du regard l'assistance) et n'imaginent pas encore la place qu'il occupe, je voudrais simplement le rappeler que depuis 40 ans il est la super star. Il est beaucoup plus qu'un acteur adulé. Il occupe aussi une place dans la société indienne. Il a à son actif plus de 170 films. Il a été nommé le meilleur acteur du millénium par la BBC et cela bien avant Charlie Chaplin, Sir Laurence Olivier et Marlon Brando. Il a été aussi honoré en 1984 de la plus haute distinction indienne : la Padma Shri, extrêmement difficile à obtenir. (Après une petite rectification d'Amitabh à voix basse, Martine Armand ajoute) Puis il a obtenu la Padma Bhushan qui est la plus haute distinction existante. Donc, nous sommes très heureux et très honorés de l'avoir avec nous (applaudissements).


Martine Armand : Nous allons maintenant aborder les questions concernant la carrière de monsieur Bachchan et sa vision du cinéma indien.


Martine Armand (à l'attention de Mr Bachchan) : Nous allons faire un retour dans le temps, avec votre enfance, monsieur. Les spectateurs qui ont pu voir Everlasting Light hier et qui ont pu comprendre davantage votre cinéma et votre personne, ont pu vous entendre réciter de la poésie de votre père, Harivansh Bachchan, un poète imminent de langue hindi. J'aimerais ainsi vous poser une question. Votre voix a fasciné de nombreux réalisateurs indiens. Vous avez effectué beaucoup de voix off et nous avons pu avoir cette merveilleuse expérience de vous entendre déclamer la poésie de votre père dans le documentaire. Pensez-vous, que le fait que vous ayez été bercé par la poésie de votre père depuis votre tendre enfance, ait pu vous influencer en tant qu'acteur ou ait pu façonner votre incroyable diction ?


Amitabh Bachchan (à l'attention de la foule): Bonjour et merci beaucoup (Acclamations suivies d'applaudissements)


Amitabh Bachchan (se retournant vers Martine Armand) : Merci pour vos propos chaleureux.


Martine Armand : De rien monsieur


Amitabh Bachchan : Vous avez parlé de la Star du Millenium, un vote mené par la BBC, et du fait qu'ils m'ont nommé au-dessus d'immenses acteurs tels que Charlie Chaplin, Marlon Brando et Laurence Olivier. Je crois que ce résultat est le fait d'une erreur informatique. (Rires dans la salle) Je pense que mon talent n'a rien de comparable à celui de ces merveilleux acteurs. (Quelques réactions de contestations sont audibles)


Amitabh Bachchan : J'ai été très chanceux d'avoir d'incroyables parents. Mon père était un érudit originaire de l'Uttar Pradesh. Ma mère était une sikh venant de Lahore, au Pendjab, à présent sous l'emprise du Pakistan. En 1942, à une époque très conservatrice, cette union mixte, de deux religions de différentes castes est donc merveilleuse, extraordinaire. Dans la ville où je suis né, à Allahabad, dans L'Uttar Pradesh, ce fut le premier mariage unissant deux êtres de deux castes différentes.

Ma mère venait d'une famille aisée. Mon père très pauvre, était issu de la classe moyenne la plus basse. Il a grandi, en lisant des livres, s'éduquant, à même le sol, à la lumière de la lanterne. J'ai donc été très fortuné de venir de deux mondes opposés. Mon père était un poète, un grand écrivain qui composa dans la langue nationale, l'hindi. Mais il a aussi enseigné l'anglais à l'université de Allahabad et s'est rendu plus tard en Angleterre, à l'université de Cambridge pour effectuer un doctorat sur W.B. Yeats et l'occultisme. Il a été un poète très prolifique mais pendant les dernières années de sa vie il a aussi rédigé son autobiographie en 4 volumes, en prose. Les spécialistes du monde littéraire s'accordent à penser que sa prose surpasse sa poésie.

Bachchan était comme vous le dites le « nom de plume » (prononcé en français) de mon père. En effet, mon père n'a jamais cru aux castes, croyances, divisions et religions. Il a donc adopté son nom de plume comme nom de famille. Le nom de famille était alors Srivastav dont la dénomination est reliée à une caste de l'Uttar Pradesh. Mais il a défié ce système et Bachchan est devenu le nom de famille, nom dont je suis extrêmement fier.

 

 

Martine Armand : Vous avez commencé à jouer au cinéma en 1969 mais avant cela vous avez débuté en tant qu'acteur au théâtre. N'est-ce pas ? A Calcutta spécialement ? (Amitabh acquiesce). Pensiez-vous alors devenir un acteur de cinéma et auriez-vous aimé aller étudier dans une école de cinéma, à l'image de la Film Television Institute of India, qui était l'école de l'époque ? Et pensez-vous que la formation artistique mais aussi technique autour de l'apprentissage du scénario, montage... soit importante pour un acteur ?


Amitabh Bachchan : Ma relation avec le théâtre était très amateur. Je n'ai jamais fait de théâtre professionnel. Donc, je n'ai jamais eu de formation professionnelle comme acteur. Quand on est à l'école, au collège, à l'université ou encore en dehors, avec les activités extrascolaires, si l'on souhaite faire du théâtre, jouer dans des pièces, c'est possible. C'est donc ce que j'ai fait comme hobby et non comme décision professionnelle. Mais oui je regrette de ne pas avoir eu de formation d'acteur à l'institut du film. Je ne sais pas si cela m'aurait aidé à être un meilleur acteur mais je sais que cela m'aurait aidé à mieux comprendre le cinéma.


Martine Armand : Pourriez-vous nous rappeler comment vous êtes entré dans le monde du cinéma. Et avez-vous rencontré des difficultés à vos débuts ?


Amitabh Bachchan : Mon frère a vu une publicité dans le journal qui invitait les nouveaux venus à venir auditionner pour un groupe de producteurs qui avait une compagnie et encourageait donc les débutants à se lancer. J'ai senti que c'était une très bonne opportunité pour entrer dans l'industrie du film. J'ai donc postulé. C'était un concours où on vous appelait, on vous faisait passer un bout d'essai et on jugeait votre apparence, votre élocution et votre jeu. J'ai donc pensé que c'était une opportunité très honnête pour un jeune homme qui souhaitait démarrer. J'ai ainsi postulé et je me suis fait recaler dès le début. (Réactions de dépit de la foule)

Quand je me suis fait rejeter, je travaillais comme cadre dans une société à Calcutta. Comme j'étais convaincu que mon avenir se trouvait dans le cinéma j'ai demandé conseil à mon père. Il m'a dit « Si tu veux entrer à l'intérieur de la maison et que la porte est fermée et que tu n'as pas la clef, tu dois alors te résoudre à sauter par-dessus le mur pour y entrer ». J'ai donc fait ça. J'ai démissionné de mon travail, je suis revenu à la maison et je suis allé à Bombay pour trouver du travail dans le cinéma.


Martine Armand : Et merci de l'avoir fait ! (Sourire d'Amitabh accompagné de rires dans la salle)


Martine Armand : Vous parlez souvent au nom de l'industrie du cinéma indien, industrie dont tout le monde sait à présent qu'elle est la plus productive du monde depuis des années. J'aimerais donc vous poser une question qui est un peu un sujet portant à la controverse parce que j'en connais la réponse. Mais je souhaite vous la poser car elle est importante et intéressante au vu du public massif. On entend depuis ces dix dernières années le mot Bollywood, je sais que beaucoup de réalisateurs, producteurs, grands professionnels indiens réfutent ce nom pour une raison que je comprends, mais j'aimerais monsieur avoir votre position sur ce sujet. Si vous considérez cela mal appliqué, pourquoi et quel autre nom aimeriez-vous ou considériez-vous approprié ?


Amitabh Bachchan : Nous n'aimons pas ce mot. Je ne l'aime pas. C'est un terme péjoratif pour désigner le cinéma indien. Un journaliste a eu l'intelligence d'inventer ce mot qui est resté. (Ironique) Et maintenant que les britanniques l'ont ajouté dans le dictionnaire Oxford, il est là pour l'éternité. (Rires de l'assistance). J'aimerais que l'on fasse allusion au cinéma , à notre cinéma, à moi-même et aux membres comme appartenant à l'industrie du cinéma indien.


Martine Armand : Il existe une dichotomie, une différence que l'on met toujours entre le cinéma populaire indien et le cinéma d'auteur, que l'on appelle aussi parfois cinéma régional, puisqu'en Inde il se décline dans de nombreuses langues régionales. Vous avez travaillé des deux côtés. Pensez-vous que cette séparation est justifiée et pourquoi ?


Amitabh Bachchan : Je pense que le cinéma est du cinéma. Tout le monde crée des films pour le box office, afin qu'une majorité de personnes aille les voir. Je pense que c'est incorrect de les classifier en catégories. Néanmoins, il est vrai qu'il y a une prédominance du processus intellectuel que l'on confère au cinéma d'art et d'essai au détriment du cinéma commercial. Ces catégories existent donc bel et bien. Mais je pense que le cinéma d'art et d'essai et le cinéma commercial indiens découlent d'un même cheminement intellectuel venant de l'Ouest. Puis les réalisateurs qui ont découvert les cinémas français, allemands, japonais...ont été très impressionnés et ont eu envie de faire quelque chose de semblable en Inde en reprenant ce système de catégories. Et c'est peut-être pour cela que le cinéma artistique est à présent répandu en Inde. Mais je ne crois pas en deux catégories différentes. Le cinéma est universel et lorsqu'on va voir un film ce n'est pas pour voir un type de cinéma.


Martine Armand : Monsieur Rajan Mathaï, ambassadeur de l'Inde en France, disait hier lors de l'inauguration, que vous étiez le véritable ambassadeur du cinéma indien. Vous occupez la place de numéro un depuis quatre décennies, soit deux générations, ce qui est incroyable. Le public potentiel de l'Inde est de 1/6ème de la population mondiale, puisque le milliard a été dépassé, mais il se trouve aussi en dehors de ces frontières, que ce soit au Royaume-Uni, aux Etats-Unis ou encore dans les pays du Moyen-Orient. Ressentez-vous un sens de responsabilité envers l'industrie mais aussi envers ce vaste public ?


Amitabh Bachchan : Je pense que je vais répéter ce que j'ai dit lors de l'inauguration, hier soir. Je suis extrêmement reconnaissant que l'ambassadeur ait dit de telles gentillesses à mon sujet, mais je pense que je ne mérite pas ce genre de reconnaissance. Mais, ce dont je suis convaincu c'est que le cinéma en Inde est presque devenu une culture parallèle. Je ne sais pas si c'est bien pour le pays ou non, surtout que celui-ci a 5000 ans d'histoire et une société tellement riche. Je dis ainsi peut-être des inepties en avançant que le cinéma est une culture parallèle. Mais je pense qu'où se rendent des indiens il y a une certaine reconnaissance liée à nos films.

Il y a bien longtemps, je suis venu visiter Paris, plus spécifiquement Montmartre et le Sacré Cœur (Applaudissements dans la salle) et lorsque j'étais en train de marcher en contrebas du Sacré Cœur, j'ai entendu quelqu'un m'appeler : Vijay. Vijay est le nom de la plupart des personnages de mes films. (Rires du public) J'étais donc très surpris, surtout que personne ne me connaissait à Paris. Comment se faisait-il que j'entende cette voix m'appeler ? Je me suis donc retourné et j'ai vu un homme. Il ne venait pas de mon pays, il n'avait pas la même couleur de peau que moi et je ne pense pas qu'on parlait la même langue mais quand je l'ai regardé il a commencé à chanter une chanson d'un de mes films. (Réaction très chaleureuse du public, applaudissant et criant) Je l'ai appelé et je lui ai demandé : « qui es-tu ? » (Rires de la salle) « Comment se fait-il que tu connaisses ceci ? » et il m'a répondu : « Je viens du Maghreb, j'habite en France et je regarde tous vos films ». J'ai été étonné et choqué que des personnes en dehors de l'Inde regardent le cinéma hindi.


Martine Armand (au public) : Je pense qu'il a aussi la preuve avec vous que c'est le cas. (Applaudissements)


Amitabh Bachchan : Donc quand vous dites qu'il y a un milliard d'indiens dans le monde, que la population mondiale est de six milliards soit une personne sur six est un indien, une personne sur six croisée dans la rue est un indien, il y a en effet une certaine responsabilité qui nous revient, particulièrement lorsqu'on est associé à la culture. Une culture qui est représentative de notre pays. Donc quand on tourne nos films, ou que nous sortons en publique, on doit faire très attention à ce que nous disons et faisons.

Il y a toujours eu beaucoup de critiques sur le cinéma que nous faisons. On nous taxe de cinéma d'évasion ou de cinéma commercial, ce qui est très loin de la réalité. Une réalité qui n'existe pas en Inde et pas plus qu'ailleurs. Mais je pense que la philosophie du cinéma d'évasion en Inde est de divertir. Il y a tellement de gens qui vivent en dessous du seuil de pauvreté ou n'ont pas les facilités des plus riches et du commun des mortels. A la fin de la journée, ils cherchent à fuir leur faim, leur pauvreté ou leur condition. Je pense que ce serait donc terrible pour eux qu'à la fin de la journée, ils viennent au cinéma pour voir ce qu'ils ont subi tout au long de la journée. Donc, on crée un fantasme, un monde imaginaire pour qu'ils viennent durant trois heures, passer un bon moment dans un espace climatisé, en regardant des musiques, chansons, danses, avec de beaux acteurs et de belles histoires pour qu'ils puissent s'évader de la dure réalité qu'ils doivent affronter chaque jour.

Enfin, pour revenir à votre question sur la responsabilité et ce dont nous nous devons de dire, je pense que le cinéma indien a toujours représenté la victoire du bien sur le mal. Puis, comme je l'ai dit hier dans mon discours j'ai un jour demandé à mon père ce qui rendait le cinéma indien si populaire et il m'a répondu «  Le cinéma indien te donne une justice poétique en seulement trois heures » (Applaudissements dans la salle) Beaucoup d'entre vous et moi-même n'auront jamais l'occasion d'avoir, de vivre cette justice poétique durant leur vie ou peut-être même au cours de plusieurs vies. C'est donc là que résident la beauté et la fascination du cinéma indien. Donc, toutes nos histoires sont basées sur la victoire du bien sur le mal. De plus, dans notre société, nous sommes très fiers de nos valeurs familiales. Ainsi nos histoires contiennent aussi des thèmes familiaux autour des relations père-fils, mère-fille, frère et sœur. Nous avons de même des festivals en Inde qui célèbrent par exemple les liens unissant les frères et sœurs. Ainsi, toutes ces merveilleuses traditions sociales avec lesquelles on a grandi, sont répliquées dans notre cinéma, à travers nous.

Par contre, je pense que pour ce qui est du besoin d'éduquer les gens et d'envisager le cinéma comme un outil d'éducation, cela représente pour nous une trop lourde responsabilité. Je pense que le gouvernement et les politiciens devraient être responsables de cela. S'ils souhaitent que nous propagions quelque chose par le medium du cinéma, parce que c'est populaire, bien sûr, nous le ferons volontiers et d'ailleurs, nous continuons à le faire. On a beaucoup de programmes de sensibilisation où beaucoup de stars de cinéma s'y impliquent avec bonheur.

Je pense donc que mettre cet ensemble sur nos épaules et dans le cinéma avec la morale, l'aspect social, l'esthétique et tout ce qui représente notre pays est un lourd fardeau à porter.

 

 

Martine Armand : Nous en venons maintenant à votre travail en tant qu'acteur. Votre professionnalisme est souligné partout. Tous les réalisateurs qui ont travaillé avec vous disent à quel point vous êtes extrêmement sérieux malgré votre statut actuel alors que par ailleurs d'autres acteurs peuvent avoir une attitude un peu moins respectueuse. Pensez-vous que cela ait joué un rôle dans votre carrière et soit une des raisons de votre succès ?


Amitabh Bachchan : Je pense que le mot professionnel est constructif parce que cela signifie que vous possédez un certain talent pour lequel vous êtes payé. Si je suis payé pour un talent particulier, je me dois de pouvoir suivre les normes que le professionnalisme demande : venir à l'heure, écouter ce que le réalisateur dit et suivre ce dont je crois être une attitude professionnelle. Il peut y avoir des divergences d'opinions sur l'histoire, la façon dont je joue, mais je pense que tout cela doit être clarifié et résolu avant d'aller devant la caméra car il n'y a pas lieu de le faire après. (Applaudissements du public)


Martine Armand : Discutez-vous de vos dialogues et de vos personnages avec certains réalisateurs ? Je pense, par exemple, à monsieur Yash Chopra, qui est aussi un de vos amis. Comment travaillez-vous avec un réalisateur ? Pourriez-vous nous donner des indices, éventuellement des anecdotes ?


Amitabh Bachchan : Oui. Je pense que l'association de l'acteur et du réalisateur est un dispositif important de la création d'un film. Quand on entend l'histoire et le script, on se fait sa propre opinion du personnage. On en discute avec le réalisateur et on espère que notre opinion et celle du réalisateur sont similaires. Et s'il y a des différences, on doit écouter ce que le réalisateur dit et inversement, le réalisateur doit être à l'écoute de l'acteur afin qu'on soit en accord avant d'aller devant la caméra. Quand cela se produit il n'y a aucun problème.


Martine Armand : A part les réalisateurs avec qui vous avez tourné de nombreux films et que vous connaissez bien, si on vous présente un scénario venant d'un jeune réalisateur ou d'un réalisateur que vous ne connaissez pas, quels sont les critères sur lesquels vous vous basez pour le sélectionner, l'accepter ou le refuser ?


Amitabh Bachchan : La priorité est le script et l'histoire puis le personnage que j'interprète et si cela a un intérêt pour moi en tant qu'acteur d'accepter ce rôle. Et troisièmement, la capacité du réalisateur à faire le film selon la narration du script.


Martine Armand : Si nous étions un jeune acteur ou actrice venant à vous avec un très fort désir d'entrer dans l'industrie du cinéma quel conseil lui donneriez-vous ?


Amitabh Bachchan : Aujourd'hui, cela a beaucoup évolué parce qu'il y a de nombreuses institutions qui forment les acteurs. Quand un producteur fait un film, il donne beaucoup de crédit à ses institutions. Il y a aussi maintenant diverses agences qui recherchent de jeunes acteurs, de jeunes talents. Donc, dans le processus final, le réalisateur se repose sur deux ou trois départements avant d'avoir sa distribution au complet. C'est comme si son travail était scindé en plusieurs compartiments. Le même processus intervient dans la profession médicale. Quand vous êtes sur la table d'opération, il y a quatre ou cinq personnes qui effectuent des tâches diverses. Quelqu'un viendra et incisera votre corps, quelqu'un d'autre viendra et regardera à l'intérieur et un troisième viendra recoudre tandis que le quatrième sera responsable des soins post-opératoires. Je pense qu'auparavant il n'y avait qu'une personne qui effectuait toutes ses tâches. Dans le cinéma, c'est similaire, une personne occupait, avant, toutes ces fonctions. Avant, c'était le réalisateur ou le producteur qui les effectuait mais à présent tout est compartimenté. Donc, à mon époque, lorsque je souhaitais être acteur, je devais aller de porte à porte et me vendre. Vous prenez votre photo, vous essayez d'impressionner la personne qui est assise devant vous par la façon dont vous parlez. Il n'y avait pas l'opportunité de vous tester ou d'en connaître davantage sur vous. Il n'avait que votre physique pour vous juger.


Martine Armand : Je suis en train de penser à une personne en particulier qui est devenue un acteur et c'est votre fils, monsieur Bachchan, Abhishek. (Applaudissements dans la salle)


Amitabh Bachchan : Cela va rendre Abhishek très heureux. (Acclamations du public) Je vais lui envoyer un sms.


Martine Armand : Oui, vous lui direz, que nous sommes au courant qu'il est actuellement en tournage avec monsieur Mani Ratnam mais que nous aurions aimé l'avoir ici car il a un public fervent en France.

Est-ce que vos conseils s'appliqueraient à Abhishek, votre fils, qui est devenu un acteur ?

(S'entretenant au public) J'ouvre une parenthèse pour dire que bien entendu, il avait été invité, qu'il a décliné au dernier moment parce qu'il tourne en ce moment avec Mani Ratnam et donc pour des raisons de tournage, il n'a pas pu venir.

(A l'attention d'Amitabh) Donc, est-ce que vous avez donné des conseils à Abhishek ? Est-ce que votre épouse, qui elle aussi est une grande actrice, Jaya, a participé en lui donnant des conseils particuliers et lesquels ?


Amitabh Bachchan : Je trouve que c'est une question très intéressante parce que souvent la relation père fils dans une même profession pose problème. Jaya et moi n'avons jamais dit à Abhishek qu'il devait devenir un acteur. Ce fut sa propre décision. Même si nous en avions les moyens, nous n'avons jamais produit de film pour le lancer. Tout ce qu' Abhishek a fait dans sa carrière, vient de sa propre initiative. (Applaudissements de la salle) En tant que parents, nous avons été présents pour le soutenir et pour le conseiller sur son jeu qu'on l'aime ou non. Mais ce qu'il fait, les films dans lesquels il tourne, les gens avec qui il travaille, comment il travaille est entièrement sa propre décision. Si des personnes l'ont engagé dans des films parce qu'il porte le même nom que moi et bien cela reste un héritage qu'aucun parent ne peut enlever à son enfant. Abhishek est mon fils et jamais je ne le renierai. Mais si le nom lui pose un problème et bien je préférerais qu'il fasse face au problème que de se défaire de notre nom. Je témoigne cela de ma propre expérience, puisque je suis le fils d'un père célèbre. Très tôt, j'ai su que je devais protéger le nom que mon père a donné à la famille. Donc, on essaye de notre mieux de le protéger et de le promouvoir le plus possible. (Applaudissements du public)


Martine Armand : Merci beaucoup. Je vais vous poser une dernière question. Nous aimerions passer tout l'après-midi avec vous monsieur mais le temps tourne. Y a-t-il un héros qui vienne de la littérature ou d'ailleurs que vous n'ayez jamais incarné et que vous auriez envie de jouer ?


Amitabh Bachchan : Je suis inefficace pour prendre des décisions sur ce que je dois faire. Je préfèrerais que quelqu'un décide à ma place puis me dise : « tu dois faire cela ». La plupart du temps, je préfère suivre que de mener. Quelqu'un devra donc me dire « Tu as besoin d'aller ici » et je le suivrai plutôt que de choisir par moi-même.


Martine Armand : Est-ce que cela pourrait être Jaya par exemple ?


Amitabh Bachchan : Hum...parfois. (Rires de la salle) Non, je dois dire qu'elle ne m'apprécie dans aucun de mes films (Eclats de rires du public) et elle est très difficile à séduire, surtout lorsque mon jeu est concerné. Il arrive souvent, que lorsque je choisis un film ou un réalisateur elle est contre et de nombreuses fois où l'on regarde un film ensemble, parce qu'elle ne m'aime pas dedans, n'aime pas le film où il y a quelque chose d'autre qui lui déplait, elle part avant la fin. Donc maintenant, Abhishek et moi devons être très prudents avant d'inviter maman à venir regarder un de nos films. (Rires de la salle).


Martine Armand : Merci monsieur Amitabh Bachchan.


S'ensuit une ovation de la salle à l'attention d'Amitabh. La master class se termina par quelques questions du public avant qu'Amitabh s'éclipse du salon du cinéma.

Salon du Cinéma - Master Class du Vendredi 16 Janvier 2009 

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