Festival Scénaristes en séries - Bilan

Vincent Julé | 29 octobre 2008
Vincent Julé | 29 octobre 2008

Du 17 au 19 octobre s'est déroulée à Aix-les-bains la troisième édition du festival Scénaristes en série. Un évènement à la fois ouvert au public et aux professionnels, et organisé autour de trois axes : des débats, des projections et un pays invité, la Grande-Bretagne. Mais ce rendez-vous est aussi (surtout ?) l'occasion pour la majorité des scénaristes et producteurs de France de se retrouver pour discuter, boire, se plaindre, se motiver... avec toujours le même mot d'ordre : la fiction française est en crise. Sauf que cette année, entre la suppression de la publicité sur le service publique, les chutes d'audience de TF1, la lutte de M6 contre les quotas, le boom de la TNT, ça commence à urger !

 

 

 

Les débats

 

Pendant que les apprentis et aspirants scénaristes apprenaient les voies impénétrables du métier (Bac + 5 ou génération spontanée ?), les professionnels faisaient salle comble pour un « Fiction française : Dans quel état j'erre ? ». Au-delà du mauvais jeu de mot, le débat voulait dépasser le perpétuel « c'est la faute aux Amerlocs, ils sont trop forts » pour s'interroger sur les causes profondes, franco-françaises. Sauf la problématique est retournée dans le mauvais sens. Si cela va si mal, c'est que cela a été un jour, qu'il y a eu un âge d'or ? Et hop, sont ainsi invités sur scène les auteurs Alain Krief (Avocats & Associés), Tito Topin (Navarro), la productrice Pascale Breugnot (Une famille formidable) et Claude de Givray, directeur de la fiction de TF1 de 1987 à 1999. Leurs échanges sont vite surréalistes, le fameux âge d'or n'étant pas synonyme de qualité à l'écran mais d'argent dans leurs poches. En gros, ils écrivaient de la soupe, mais tant que les audiences tenaient et que les sous rentraient, tout allait bien. Par contre, dès que Urgences débarque le dimanche soir, bientôt suivi par Les Experts et FBI : Portés disparus, ça va plus du tout. Vraiment, leurs 52 minutes c'est juste de l'épate, nous sur 90 minutes, on avait le temps de glisser une scène de famille, un peu de second degré. Il pouvait même y avoir une scène de déconnade au commissariat de Navarro. Vous lisez bien, juste hallucinant.

 

 

 

Comme il a bien fallu refermer cette page nostalgique, les vraies questions ont pu commencer à être posées. Et alors que scénaristes et producteurs s'entendent pour dire qu'ils sont prêts à prendre des risques, à changer de manière de travailler, il semble de plus en plus clair qu'il manque une donnée au problème : le diffuseur. Il a l'argent et donc le pouvoir, mais surtout il n'est pas là. Et on le comprend un peu, son sort serait vite réglé, d'ailleurs c'est pourquoi M6 s'est désengagé du festival cette année, mais impossible donc d'aller plus loin. Il en sera toujours un peu de même pour les autres débats que cela soit sur l'écriture en atelier, partage du gâteau ou l'effet de souffle de la TNT. Reste que ces rencontres  ne sont jamais vaines, elles permettent de faire un constat, une synthèse d'une réalité et de son évolution... à défaut de révolution. Et que cela soit le remplacement de Takis Candilis par André Berrault à la tête de la fiction de TF1, la multiplication des formats courts ou le succès du feuilleton quotidien Plus belle la vie, tous avaient des raisons de garder et surtout de cultiver l'espoir. On serait tenté de rappeler que succès ne veut pas dire forcément qualité, mais les scénaristes expliquaient bien qu'avec le succès vient aussi un espace de liberté et de création.

 

 

 

Les projections

 

Pour chaque projection était aussi proposée une rencontre avec l'équipe d'acteurs, réalisateurs, producteurs et scénaristes. Et la plupart des séries étaient inédites avec Nicolas Le Floch, enquêteur sous Louis XV sur France 2 (à partir du mardi 28 octobre),  Amis de toujours, la suite de La vie devant nous sur TF1, Mafiosa saison 2 sur Canal + mais surtout Disparitions le nouveau pari de France 3 pour un 12 x 52' sur les sectes (à partir du samedi 1er novembre). Sujet tabou, univers sombre, intrigue feuilletonnante... tout est réuni pour offrir une fiction original et alternative. Le constat est d'autant plus terrible, puisque rien ou presque ne fonctionne. Les dialogues, les acteurs, la réalisation... spectateurs comme scénaristes étaient tous d'accord : on ne sait toujours pas le faire. Eternelle avec Claire Keim bientôt sur M6 fait alors presque figure de bonne surprise. Malgré son pitch un peu gros (un médecin renverse une jeune femme, nue, amnésique et télépathe), la série s'avère très fréquentable voire jouissive, grâce à son second degré, son intégrité et ses acteurs (topless pour Claire Keim, cool pour Guillaume Cramoisan).

 

 

 

La Grande-Bretagne

 

C'est un peu le running gag du festival, après les Américains et les Québécois, les Britanniques étaient venus nous mettre une claque. Et entre l'avant-première Survivors sur les derniers hommes su terre après un virus, le spin-off de Life on Mars avec Ashes to Ashes, la sitcom nerd avec The IT Crowd ou le drama Party Animals sur les coulisses du parlement, l'affaire était vite pliée. La question de la crise de la fiction française trouve alors un nouvel éclairage, puisque avec peu ou prou les mêmes moyens, nos amis d'Outre-manche arrivent à être original, créatif, drôle. Des saisons de 6 ou 12 épisodes, un épisode par semaine et toujours une bonne histoire. La confrontation des deux systèmes, français et britannique, permet d'ailleurs d'ouvrir des pistes de réflexion. Eux n'ont pas la fameuse cible de la ménagère de moins de 50 ans, s'ils ont une bonne histoire, ils la racontent et c'est tout. Après c'est au spectateur de décider... et non au diffuseur. De quoi aussi faire se demander à quelques scénaristes français chevronnés si le problème ne vient pas d'eux-mêmes, de leur capacité, de leur autocensure... L'année prochaine, Scénaristes en séries risque d'être passionnant.

 

 


 

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