Vincent Cassel - portrait

Thomas Messias | 22 octobre 2008
Thomas Messias | 22 octobre 2008

Une vraie gueule. C’est souvent à cela que l’on résume Vincent Cassel, dont le visage n’en finit plus de faire débat dans les chaumières. Est-il fondamentalement laid ou singulièrement beau, l’acteur que tout le monde s’arrache ? Si Monica Bellucci a tranché, les spectateurs peinent à choisir leur camp, et c’est peut-être là sa première grande qualité. Quoi de mieux pour un acteur que de pouvoir susciter une vive répulsion comme une attraction animale, selon les personnages que l’on incarne ? Esthétiquement polyvalent, Vincent Cassel l’est aussi côté choix de carrière, explorant tous les genres et tous les univers avec pour seules constantes la passion et le travail.

 

 

Quoi, ma gueule

Dès ses débuts, Cassel s’affirme comme un acteur polymorphe, capable de jouer tout et son contraire à condition d’en avoir envie. Après des premiers pas discrets (dans Métisse, Jefferson à Paris…), le grand public et les festivaliers cannois le découvrent dans La haine, coup de poing dans la France signé Mathieu Kassovitz. Boule à zéro, tronche de petite frappe, c’est le trainard des cités dans toute sa splendeur. On penserait volontiers que l’interprète de Vinz est un vrai produit des banlieues dortoirs, une « racaille » comme le dirait notre cher président, si l’on ne savait pas que Vincent n’est autre que le fils de Jean-Pierre Cassel. Une grande famille de saltimbanques (véritable patronyme : Crochon), d’où sont également sortis une jeune actrice (Cécile) et un rappeur renommé (Rockin’ Squat, du groupe Assassin).

 

 

Rebonds

Vinz est donc un rôle de composition, du genre à coller aux basques d’un acteur pour ne plus jamais le lâcher, et ainsi ruiner sa carrière. C’est sans compter sur l’imagination et le flair de metteurs en scène bien déterminés à faire éclore le talent du jeune Cassel (29 ans à l’époque de La Haine). Tout à tour, Christine Pascal, Gilles Mimouni et Olivier Schatzky en font un type souvent élégant, parfois même tiré à quatre épingles, un amoureux des femmes et de la vie. Mais jamais vraiment un type bien, et c’est tant mieux – il y a tant de jeunes premiers aussi irréprochables qu’ennuyeux pour se charger de ces rôles-là. En trois films plus ou moins réussis (Adultère (mode d’emploi), L’appartement et L’élève), on oublie progressivement le jeune voyou pour découvrir un acteur passionnant, capable de porter sur ses épaules des projets d’auteur.

 

 

Tête d'affiche et tête brûlée

Cassel a une carrure, une vraie, et c’est sans doute pour cela qu’il a toujours été abonné aux premiers rôles. Depuis La haine, il a rarement été autre chose qu’une tête d’affiche – en tout cas dans les films français. Pas par vanité, mais parce que lui confier un rôle secondaire condamnerait tout film à un déséquilibre précaire – quand il est à l’écran, on ne voit que lui. Les réalisateurs ne s’y trompent pas. Et voilà qu’au milieu de l’année 1997, Vincent Cassel refait parler de lui et montre qu’il ne sera jamais un acteur rangé, mais qu’il créera toujours l’évènement. Il est le Dobermann de Jan Kounen, qui fit grincer des dents à plus d’un spectateur. On pense ce qu’on veut du film (plutôt du mal, en l’occurrence), mais il faut bien reconnaître que sa violence et la puissance du duel Cassel-Karyo en font une œuvre difficilement oubliable, et marquée au fer rouge par la personnalité de l’acteur. C’est désormais chose acquise : ce type-là peut tout jouer.

 

 

Incontournable

Après une courte phase « personnages historiques » (et hystériques) symbolisée par ses prestations échevelées dans Elizabeth et Jeanne d’Arc, le voici qui plonge dans le film de genre, au gré de rencontres ou de retrouvailles avec des metteurs en scènes ambitieux. Il est irréprochable dans Les rivières pourpres, fruit de sa troisième collaboration avec Kasso, puis carrément délectable dans Le pacte des loups, l’heroic-fantasy bâtarde de Christophe Gans. Tout le monde connaît ce mec à la tronche si particulière. Personne ne peut ignorer son existence, des cinéphiles chevronnés jusqu’aux ménagères. Il fait un peu flipper, on n’aimerait pas forcément croiser son regard pervers au coin d’un bois, mais Cassel est devenu incontournable dans le paysage cinématographique français.

 

 

Pâte à modeler

Vincent Cassel aime s’amuser. Alors pourquoi refuser de jouer un cousin russe de Nicole Kidman, avec son pote Kasso qui plus est, dans l’improbable Birthday girl ? Un petit moment de détente –on sent qu’il n’a pas vraiment travaillé le rôle – avant de reprendre les choses sérieuses. La rencontre avec Jacques Audiard constitue sans doute un nouveau déclic. Pendant la préparation et le tournage de Sur mes lèvres, il travaille encore deux fois plus qu’avant, pousse à l’extrême son amour du détail, et participe au final à la réussite d’un film salué un peu partout. Il jouera désormais de son corps et de son jeu comme d’un gigantesque morceau de pâte à modeler, à façonner encore et encore jusqu’à arriver au résultat optimal. Cassel est un acteur Play-Doh, et le prouve une nouvelle fois en incarnant le personnage-titre du Blueberry de Jan Kounen, western chamanique aussi insaisissable qu’incompris. Un bide, mais un sacré film, qui demande à être réévalué, notamment pour la prestation de son acteur vedette.

 

 

 

 

 

Le roi du buzz

C’est bien simple : chacun des films où il apparaît fait parler de lui, que ce soit pour de bonnes ou de mauvaises raisons. Avant Blueberry, il y eut l’évènement Irréversible, bombe – ou pétard mouillé, c’est selon – qui fit trembler la Croisette en 2002. Une longue scène de viol sur Monica Bellucci ou encore un démontage de gueule à l’extincteur firent beaucoup parler. Mais au-delà du scandale, Irréversible est une œuvre unique, moins par son concept anti-chronologique que par la violence de son atmosphère. Comme Dobermann, comme Blueberry, comme d’autres, le film divise, mais brille au moins par son originalité et par sa propension à combler les manques d’un cinéma français de genre pour le moins défaillant. Évidement, Cassel est de chacun de ces projets, ce qui n’a rien d’une coïncidence. Moins novateur mais au moins aussi passionnant, Agents secrets confirme cette ambition qui est la sienne, et assoit définitivement (notamment chez les amoureux du people) l’étanchéité du couple qu’il forme avec la belle Bellucci.

 

 

Des creux et des bosses

S’amorce alors ce qui constitue dans doute le pan le moins intéressant de sa filmographie. S’il s’avère difficile de refuser à Steven Soderbergh sa présence dans Ocean’s twelve, avec à la clé une scène de cambriolage-capoeira à la fois débile et réjouissante, on voit moins pourquoi il va mettre les pieds dans Dérapage, petit film noir tout pourri avec Jennifer Aniston. Si ce n’est pour se montrer le plus possible au public américain, et se présenter comme le bad Frenchie idéal pour tous les films américains à venir. Puis vient Sheitan, premier rejeton de l’écurie Kourtrajmé, dans lequel il endosse un rôle au ridicule assumé, avant d’être la star multiple d’une fin consternante. Puisque l’on aborde les rôles carrément honteux, autant évoquer tout de suite le faune de Sa majesté Minor, variation pécassienne autour de la mythologie grecque. Un bide conséquent, et c’est tant mieux pour Cassel et son compagnon d’infortune José Garcia, qui semblent se tirer la bourre pour remporter la palme du plus consternant.

 

 


 

 

Promesses tenues

Heureusement, il y a récemment eu plus réjouissant, de quoi nous montrer que Vincent Cassel n’est pas sur le déclin. Inquiétant motherfucker russe chez Cronenberg (à croire, après Birthday girl, qu’il a vraiment une tête de soviétique), il fait bonne figure aux côtés de Viggo Mortensen. La réussite des Promesses de l’ombre pourrait bien lui servir de visa pour de futures aventures américaines. Les promesses de l’ombre : un titre qui décrit parfaitement le diptyque Mesrine, qui nécessita plusieurs années de travail, tant physiquement que mentalement. Métamorphosé, massif, souvent grimé, Cassel y apparaît au meilleur de sa forme, sans tomber pour autant dans l’imitation, l’Actor’s studio ou le sous - de Niro. C’est que, lorsqu’il tord sa grande bouche et plisse les yeux pour se faire inquiétant, notre Vincent national ressemblerait presque au grand Bob. Souhaitons lui de trouver d’aussi grand rôles, d’atteindre la même maturité, et de mieux rebondir au moment de la cinquantaine.

 

 


 

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