Les plus gros bides des films de SF

Thomas Messias | 17 juin 2008
Thomas Messias | 17 juin 2008

Coup d'arrêt pour les frères Wachowski : conçu avec un budget de 120 millions de dollars, leur Speed racer devrait terminer sa carrière américaine avec une recette d'environ 43 millions. Ne reste plus pour Warner Bros qu'à attendre que le film sorte dans tous les autres pays du monde avant de déterminer s'il s'agit d'une catastrophe ou simplement d'un gentil petit four pas très lucratif mais pas apocalyptique non plus. La sortie française du cinquième film des Wacho ce mercredi 18 juin était l'occasion idéale pour passer en revue quelques-uns des plus gros bides de l'histoire de la science-fiction. Science-fiction au sens large du terme, puisque cette appellation englobe ici de la comédie et de l'animation.

 

 


 

 

La conjoncture économique ayant passablement évolué depuis le siècle dernier, et les chiffres étant désormais plus précis, nous avons décidé que le top 10 présenté ci-dessous ne répertorierait que des films sortis ces quinze dernières années. Ce qui ne nous empêchera pas de jeter un œil sur de gros bides antérieurs à cette période en fin d'article…

 

Les films sont classés par coefficient de non-rentabilité, simplement obtenu en divisant leur budget par leur recette mondiale. Tous les chiffres sont donnés en millions de dollars.

 

 

1. Pluto Nash (14,1)

(budget : 100 / recette US : 4,4 / recette monde : 7,1)

Récolter 14 fois moins que son budget de départ : c'est le petit exploit réalisé par le film de Ron Underwood, qui est bien vite retourné à la case télé après un four qui a fait mal à la Warner. Sorti en août 2002 sans concurrent direct, le film ne fut exploité que pendant 3 petites semaines, le temps d'empocher 4 millions fort ridicules au regard de ce budget si énorme, le plus élevé de la carrière d'Eddie Murphy. Sorti en France pendant le même été dans l'indifférence générale, le film serait vite retourné aux oubliettes s'il n'était pas entré dans l'histoire comme le film de SF le moins rentable de l'histoire. Un sale coup pour Murphy, jadis habitué aux triomphes, avec 10 films dépassant les 100 millions de dollars de recettes américaines entre 1984 et 2002. Et sans doute le début de la fin pour lui, qui n'attire plus les foules qu'en doublant l'âne dans Shrek.

 

 

 

 

2. Supernova (6,1)

(budget : 90 / recette US :14,2 / recette monde : 14,8)

Supernova est l'exemple même du film qui, superboudé aux Etats-Unis, l'est encore plus en dehors. Réalisé par Walter Hill en 2000, le film est si catastrophique que la MGM a dû faire appel à un certain Francis Ford Coppola pour effectuer un nouveau montage (même si celui-ci s'en défend). Peine perdue : film de SF en carton-pâte, Supernova se plante aux USA et multiplie les sorties techniques partout ailleurs, impossible à vendre même au cinéphage le plus naïf. Conscient de la profonde nullité de son film, Walter Hill fait d'ailleurs supprimer son nom du générique. Supernova est donc un film de Thomas Lee. Ce qui ne change pas grand-chose à ce naufrage pur et simple.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

3. Osmosis Jones (5,4)

(budget : 75 / recette US :13,6 / recette monde : 14,0)

Difficile de blamer des cinéastes qui tentent d'aller là où on ne les attend pas et qui ne parviennent pas à convaincre leur public qu'ils sont capables de changer de voie. Tout le monde attendait Mary à tout prix 2 ou Fous d'Irène – la suite : mais Peter et Bobby Farrelly ont eu envie d'aller se frotter au monde du cartoon avec cet Osmosis Jones mêlant (ou plutôt alternant) animation et prises de vues réelles, histoire de décrire aux plus jeunes le fonctionnement du corps humain (et, accessoirement, de produire quelques gags bien sentis à base de vomi et autres fluides corporels). Problème : comment un film s'adressant aux enfants mais avec un humour plutôt ciblé ado peut-il trouver son public ? Réponse : en ne le trouvant pas, pardi. Malgré des qualités certaines, le film se plante. Et avec un tel budget, dû au coût prohibitif de l'animation, voilà qui ne pardonne pas. Même s'ils n'ont pas renoué, commercialement parlant, avec les succès de leurs débuts, les Farrelly sont vite revenus à des projets plus "orthodoxes"…

 

 

 

 

4. Postman (3,0)

(budget : 80 / recette US :17,6 / recette monde : 27)

Sept ans que tout le monde attendait le retour de Kevin Costner derrière la caméra, après un Danse avec les loups qui a bouleversé tous ceux qui ne s'étaient pas endormis devant. À peine sorti du tumultueux projet Waterworld (qui fut loin d'être le bide annoncé, malgré un budget exorbitant), Costner eut à nouveau envie de grands espaces et de lointaines contrées. Ce qu'il fit avec ce Postman, western SF oscillant entre sans cesse le ridicule de certaines situations et la beauté de nombreux passages. 3 heures d'épopée grandiloquente qui furent victimes des pires railleries de la part de vilains critiques (vraiment la pire des espèces). Convaincu d'avance par l'inanité du projet, les américains boudèrent le film. Et les autres aussi. Cinq ans plus tard, Costner revint avec un western plus classique, Open range, et effectua quasiment le score inverse : 70 millions de recettes pour un film en ayant coûté 26.

 

 

 

 

 

5. Rollerball (2,7)

(budget : 70 / recette US :19 / recette monde : 25,9)

Nous parlons évidemment du Rollerball de John McTiernan, remake complètement inutile du film de Norman Jewison. Traversant alors sa période ''victime'', clamant après chaque film raté que le vilain Hollywood lui a lié les mains, McTiernan doit d'abord s'en prendre à lui-même : engager Chris Klein pour le premier rôle d'un film qui aurait dû sentir la testostérone, voilà une bien mauvaise inspiration. Pourtant sorti au cours d'un mois de février 2002 désertique, Rollerball s'est rapidement affaissé aux USA, et est sorti ensuite à la va-vite dans le reste du monde, qui ne lui a pas réservé un meilleur sort. Le moins bon score d'un film de McTiernan, à l'exception de Nomads, son premier long, au budget évidement plus modeste.

 

 

 

 

 

6. Battlefield Earth (2,5)

(budget : 73 / recette US :21,5 / recette monde : 29,8)

Si Battlefield Earth avait été un bon film, son bide aurait constitué la preuve rassurante que la majeure partie du monde restait totalement réfractaire à la scientologie. Malheureusement, si personne ou presque n'est allé voir l'adaptation par Roger Christian de l'œuvre du gourou Ron Hubbard, c'est simplement parce qu'il s'agit sans doute du pire navet de ce classement (qui en comporte pourtant plus d'un). Mené par un John Travolta maquillé comme Armande Altaï, le film est un supplice pour tous ceux qui aiment la science-fiction, scientologues ou non. Il est même étonnant que la carrière de l'acteur ne se soit pas arrêtée là, lui qui avait rebondi six ans plus tôt grâce à Quentin Tarantino.

 

 

 

 

 

 

 

7. Planète rouge (2,4)

(budget : 80 / recette US :17,5 / recette monde : 33,5)

Reconstituer la planète Mars en studio est un défi intéressant, mais quand on sacrifie tout le budget aux décors en oubliant d'engager des scénaristes, ça se voit. Très bancal, le film d'Antony Hoffman n'offre pas l'émotion visuelle attendue, semblant avoir 20 ans de retard sur les techniques utilisées actuellement. Retard plus grave : Planète rouge sort 8 mois jours pour jour après le Mission to Mars de Brian de Palma, alors que les deux films s'étaient montés en même temps. Résultat : comme souvent, le film qui sort en second passe inaperçu. Heureusement, la sortie mondiale du film permettra de réduire considérablement l'ampleur des dégâts. Insuffisant cependant pour Antony Hoffman, dont c'était le premier film, et qui n'a plus donné signe de vie depuis (ah si, une pub pour Budweiser).

 

 

 

 

 

8. Titan A.E. (2,1)

(budget : 75 / recette US :22,8 / recette monde : 36,8)

Brisby et le secret de Nimh, Poucelina, Anastasia… Sans doute un peu fatigués de ne plaire qu'aux mioches et aux adolescentes attardées, Don Bluth et Gary Goldman ont décidé d'avoir un peu d'ambition. Ça donne ce Titan A.E. un peu bâtard, qui pose cette éternelle question : à qui s'adressent les films d'animation ? Un problème simple à résoudre lorsqu'on s'appelle John Lasseter ou Hayao Miyazaki, et beaucoup moins lorsque comme Bluth on peine à se trouver un style et une identité propre. Résultat : personne n'a très envie d'aller voir Titan A.E., qui tente de révolutionner plusieurs genres à la fois tout en ne révolutionnant rien du tout.

 

 

 

 

 

 

 

 

9. Thunderbirds (2,0)

(budget : 57 / recette US :6,9 / recette monde : 28,3)

La SF familiale ne fait que très rarement recette ; preuve en est avec ce Thunderbirds, remake d'un film de 1952, qui, plus encore que Perdus dans l'espace en 1998, se perd en route à force de vouloir toucher tous les publics. Réalisé par Jonathan Frakes, jusqu'alors spécialiste de Star Trek, le film souffre de la concurrence du Village, d'Un crime dans la tête et de Harold & Kumar chassent le burger, sortis le même jour de juillet 2004. Résultat : un échec cinglant au box-office américain, pour un film qui ne marchera pas si mal (tout est relatif) dans les quelques autres pays où il sortira. Depuis, Frakes est lui aussi revenu au petit écran : les téléfilms, c'est quand même moins de pression.

 

 

 

 

 

 

10. Prisonniers du temps (1,8)

(budget : 80 / recette US :19,5 / recette monde : 44)

En perte de vitesse depuis une dizaine d'années, Richard Donner touche le fond avec cette adaptation d'un best-seller de Michael Crichton. Ridicule de part en part, "porté" par un Paul Walker absolument transparent, Prisonniers du temps est une vraie daube, de celles qu'on irait bien voir entre potes pour se marrer si le prix des places n'était pas si élevé. Malgré d'immenses campagnes de promotion et en dépit du succès du roman, le film se plante allègrement et pousse Donner vers la sortie. La preuve : trois ans plus tard, il reviendra avec l'affligeant 16 blocs, polar foireux avec Bruce Willis et Mos Def. On attend la catastrophe suivante.

 

 

 

 

 

 

Au pied du classement, un autre film d'animation : Final fantasy : les créatures de l'esprit, au budget de 137 millions de dollars. Terminant sa carrière américaine à hauteur de 32 millions, le film a heureusement limité la casse grâce à sa sortie mondiale, atteignant finalement les 85 millions. Ce qui constitue tout de même un trou de 52 millions, plaçant le film au cinquième rang du classement des plus grosses pertes.

 

Signalons également le cas de Zoom, comédie de SF avec Tim Allen et Courteney Cox, sortie en 2006 aux Etats-Unis mais jamais arrivée sur nos écrans. Le film aurait également pu figurer en bonne place dans le classement, puisqu'il n'a rapporté que 12,5 millions de dollars alors qu'il en a coûté 35 ; mais de par ce petit budget, le bide est tout de même moins impressionnant que pour les très grosses machines présentées ci-dessus.

 

 


 

 

Signalons également le cas de quelques films qui, comme Thunderbirds ou Prisonniers du temps mais de façon plus marquante, ont partiellement effacé leur bide américain en réalisant des scores plutôt honorables sur le reste de la planète. Premier exemple : de Zathura Jon Favreau, au budget de 65 millions de dollars. Ne réalisant un score de 29,3 millions aux USA, le film permit à ses producteurs de rentrer dans leur frais grâce aux 35 millions récoltés de par le monde. De même pour Starship troopers, Les chroniques de Riddick et Aeon flux, largement sauvés par leur carrière internationale (les trois premiers finirent même bénéficiaires) :

 

Titre du film : budget / box-office américain / box-office reste du monde / total (en millions de dollars) :

 

Starship troopers : 105 / 54,8 / 66,4 / 121,2

Les chroniques de Riddick : 105 / 57,8 / 58,0 / 115,8

Mission to mars : 100 / 60,9 / 50,1 / 111,0

Aeon flux : 62 / 25,9 / 26,4 / 52,3

L'homme bicentenaire : 100 / 58,2 / 29,2 / 87,4

Capitaine Sky et le monde de demain : 70 / 37,8 / 20,2 / 58,0

Sphere : 80 / 37,0 / 13,0 / 50,0

 

 

Il y eut même quelques miraculés, qui après une sortie ratée aux Etats-Unis finirent par devenir de vrais succès à l'échelle internationale :

 

The island : 126 / 35,8 / 127,1 / 162,9

À la croisée des mondes : la boussole d'or : 180 / 70,0 / 302,0 / 372,0

Waterworld : 175 / 88,2 / 176 / 264,2

Mars attacks ! : 70 / 37,8 / 63,6 / 101,4

 

 

Tous ces chiffres sont évidemment à relativiser, puisque le marché florissant du DVD permet à un film de connaître une nouvelle vie quelques mois après sa sortie en salles, et parfois de remettre à flots les budgets de certains d'entre eux. Ce qui n'était pas forcément le cas auparavant. Revenons brièvement sur quelques films plus anciens ayant connu des échecs notables mais qu'il paraît difficile de comparer à ceux des 15 dernières années en raison des multiples évolutions de la société et de leurs budgets assez faibles par rapport à ceux des films actuels.

 

 


 

 

L'un des films fréquemment cités comme ayant été un immense bide à sa sortie est le Brazil de Terry Gilliam. Mais celui-ci, doté d'un budget de 15 millions de dollars (imaginez combien il aurait coûté aujourd'hui), a tout de même encaissé 9,9 millions rien qu'aux Etats-Unis… Et, si l'on ne dispose pas des chiffres concernant les recettes dans le reste du monde, on peut tout de même imaginer que Brazil ne fut pas loin de rembourser la mise de départ des producteurs. Des "bides" comme celui-là, on en voit désormais tous les mois. Parmi les pseudos-bides célèbres, citons également Dune, qui réalisa un score américain d'une trentaine de millions (les chiffres sont variables selon les sources) pour un budget de 45 millions. Le film de Lynch est extrêmement loin du top 10 de ce dossier…

 

Idem pour Howard the duck, dote d'un budget de 30 millions, et qui après avoir récolté 15 millions aux USA, a terminé à plus de 38 millions à l'international. Il y a de pires échecs que celui-là. Enfin, évoquons le cas Supergirl, déjà plus douloureux, puisque le film coûta 35 millions, n'en récupéra que 14 sur le territoire américain et ne fit pas grand bruit ailleurs. Il est cependant impossible de comparer l'ampleur de cet échec avec les films cités plus haut.

 

 

Malgré l'immense déception que constitue le score de leur film au box-office américain, Larry & Andy Wachowski peuvent dormir tranquilles : à moins d'empocher moins de 15 millions sur le reste des pays où il sort, Speed racer ne restera pas au panthéon des plus gros bides de l'histoire. On peut même miser sur le fait que sa carrière européenne et asiatique permettra à la Warner de récupérer sa mise de fond, en attendant une sortie DVD qui sera certainement très lucrative…

 

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