Indiana Jones, retour sur les trois premiers volets

Jean-Noël Nicolau | 19 mai 2008
Jean-Noël Nicolau | 19 mai 2008

La projection cannoise d’Indiana Jones et le royaume du crâne de cristal a donné lieu à des réactions excessives et contrastées qui s’inscrivent parfaitement dans les habitudes de la saga de Spielberg et Lucas. Qu’on se souvienne des accueils parfois très négatifs réservés au Temple maudit et à la Dernière croisade pour ne pas être vraiment surpris par la petite bataille d’Hernani qui s’est déroulée sur la Croisette. Mais de toute façon, qu’importe les critiques, globalement positives, surtout à l’étranger, le public fera comme toujours un triomphe à son aventurier préféré.

 

C’est aussi l’occasion de chanter une nouvelle fois les louanges des trois premiers épisodes des exploits d’Indiana Jones, qui sont aujourd’hui entrés de plein droit dans le panthéon du divertissement populaire de qualité.  

 

 


 

 

La sortie des Aventuriers de l’Arche Perdue marque un état de grâce pour le trio Spielberg/Lucas/Ford qui pouvait alors tout se permettre. Car il fallait oser revenir auprès d’un genre quasi oublié du cinéma hollywoodien : le serial bondissant et outrancier. Dès l’ouverture du film, avec son temple plein de pièges, de comparses lâches, d’indiens caricaturaux, tout un imaginaire est épuré et sublimé. Icône parmi les icônes, Indiana Jones redéfinit à lui seul l’archétype de l’aventurier. Presque parfait (une légère phobie des serpents mis à part), le Dr. Jones est moins ambigu et menaçant qu’un James Bond et il est le seul héros de son histoire, à l’inverse d’un Han Solo, pièce d’un puzzle plus vaste.  

 

A héros parfait, méchants à la hauteur, et depuis plus d’un demi-siècle, le cinéma n’a pas trouvé mieux que les nazis (à part les communistes, présents dans le quatrième opus de la saga). Un membre de la gestapo, un français collaborateur et une flopée d’officiers costumés, tous punis par la malédiction de l’Arche d’Alliance. Heureusement Indy est bien entouré avec l’indispensable élément féminin au fort caractère, et quelques seconds rôles attachants.

 

 


 

 

Tout dans les Aventuriers de l’Arche Perdue respire le coup de génie. Que ce soit les scènes d’action, imitées jusqu’à plus soif, la musique de John Williams (lui aussi en plein état de grâce) ou le scénario, véritable perle, qui est presque un cas unique d’association heureuse entre mystères bibliques et divertissement. Avec Indiana Jones on a le sentiment de vivre une aventure qui dépasse le carton pâte, les effets spéciaux, les cascades et les antagonismes classiques.

 

Qu’on se souvienne de la scène de la maquette (et des chœurs en extase de Williams), de la découverte du puits des âmes ou de l’assez effrayante séquence d’ouverture de l’Arche pour bien comprendre que Spielberg avait une vision du divertissement qui se situait bien au-delà des figures imposées et des hommages. Une impression mainte fois confirmée depuis par le Wonder Boy du cinéma, mais rarement avec autant de bonheur dans le mélange des émotions. Les accroches des affiches exagèrent souvent, sauf dans le cas des Aventuriers de l’Arche Perdue, car, après ce film, l’aventure allait pour toujours porter le nom d’Indiana Jones.  (5/5)

 

 

 


 

 

Affreux, sale et méchant, cela pourrait être l’accroche de ce Temple maudit, véritable catharsis pour un Steven Spielberg traversant alors la période la plus sombre de son existence. En plein divorce, le réalisateur est partagé entre une misanthropie galopante et un amour naissant pour son actrice principale (Kate Capshaw, pourtant quasi insupportable dans ce film). Le résultat est à la fois l’opus le plus violent des Indiana Jones, mais aussi le plus naïf, et certainement le plus proche des serials d’antan.

 

Colonialisme bon teint, complaisance dans l’horreur (ah, le cœur arraché et palpitant), enfantillages (la scène du repas, la profusion d’animaux dégoûtants) et sadisme réjouissant (des mômes esclaves qui se font fouetter par de gros barbus pervers). On comprend sans mal pourquoi Spielberg a depuis renié cette œuvre parcourue d’autant de fulgurances que de maladresses. Car Indiana Jones et le Temple maudit possède le charme des films bordéliques, enchaînant gags et scènes d’action sans prendre le temps de réfléchir aux questions de bon ou de mauvais goût.

 

 


 

 

Les ambitions de l’Arche Perdue sont revues à la baisse, même si tout le monde assure sa part de travail avec classe. Le scénario est moins impressionnant et l’enjeu plus dérisoire (sauver une gentille communauté avec un caillou qui clignote, à la place du pouvoir divin susceptible de dominer le monde). Les effets spéciaux sentent encore plus le bricolage, ce qui fait une partie de leur charme. Et John Williams ne parvient pas à recréer des thèmes aussi marquants que ceux de Marion ou de l’Arche.

 

Mais qu’importe, le plaisir est régressif et irrésistible. La poursuite d’ouverture et la séquence des wagonnets demeurent des références du cinéma d’aventure. De surcroît, le film ne fait aucun tort au mythe, bien au contraire, il contribua à son entrée définitive au panthéon du 7e art. (4/5)

 

 

 


 

 

On a souvent présenté cette Dernière croisade comme le remake de l’Arche perdue, avec pour seul apport, mais de taille, la présence de papa Jones. Ceci est très réducteur et, les années ayant passé, le film mérite sans doute une réhabilitation assez enthousiaste. Tout ce qui faisait la réussite des deux premiers volets est présent : l’aspect bondissant du serial, les effets spéciaux bricolés, la musique héroïque de John Williams, la classe totale d’Harrison Ford et les idées délirantes du duo Spielberg/Lucas.

 

La Dernière croisade voit le retour des nazis, encore plus caricaturaux, et l’arrivée en fanfare de Sean Connery, qui vole tout le film. Entouré au final par Denholm Eliott et John Rhys-Davies, la famille Jones donne déjà l’impression d’offrir son baroud d’honneur, son dernièr tour de piste avant la retraite. Ils sont tous vieux, mais ils ont la pêche. Cela tombe bien, l’enjeu est cette fois l’immortalité, avec la revanche de la Bible, version Nouveau Testament. 

 

Immortel Indiana Jones ? Il n’a pas besoin de Graal pour cela, dès la scène d’ouverture qui présente sa « naissance » en tant que héros (et qui donnera lieu à une série télévisée) nous sommes dans le légendaire. La saga commence à tourner un peu en rond (quitte à s’auto-citer et à se parodier), mais elle le fait avec la générosité voulue par Spielberg. A l’arrachée, celui-ci parvient à créer des scènes inoubliables.

 

 


 

 

Si la partie vénitienne est attachante, dès que Junior retrouve son paternel, le film devient génial. L’alchimie entre Ford et Connery fonctionne du tonnerre. C’est ainsi de loin l’opus le plus drôle de la saga et les répliques cultes sont innombrables (« Ces gens essaient de nous tuer !  C’est nouveau pour moi ! », « Qu’est-ce qui se passe à 11h ? », « Elle parle en dormant »)

 

En ce sens, malgré quelques séquences très spectaculaires (celle du tank étant la plus mémorable), cet Indiana Jones laisse beaucoup de place aux personnages et aux dialogues. Fort bien caractérisés (la traitresse Elsa en est le meilleur exemple), ils existent avec un naturel rare au sein du divertissement hollywoodien. C’est peut-être aussi ce qui a déçu le public au moment de la sortie du film, Indiana Jones se met en retrait au profit d’une histoire « de groupe ». Au final, c’est pour Henry Jones qu’il ira triompher des derniers pièges du sanctuaire du Graal. La reconnaissance paternelle (« Indiana… let it go. ») devient de plus en plus touchante au fil des visions et le dernier plan du film donne l’impression que les Jones ont gagné le plus grand des trésors : une famille. (4,5/5)

 

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